Urbanisme

La Seine Musicale, un nouveau paquebot pour la musique

La Seine Musicale, première grande réalisation du projet de réaménagement de l’île Seguin, ouvre ses portes le 21 avril en présence du prix Nobel Bob Dylan. Il inaugurera la nouvelle et imposante cité de la musique de l’ouest parisien, initiée par le département des Hauts-de-Seine. L’originalité de l’architecture mérite amplement une visite, que l’on soit mélomane ou pas.

Un navire de croisière qui, sans bouger, s’apprête à vous emmener vers des terres musicales connues ou inexplorées. C’est l’image qui vient à l’esprit lorsqu’on découvre la Seine Musicale, long vaisseau en béton de 36 500 m² amarré à la pointe aval de l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Une réalisation signée de Shigeru Ban et Jean de Gastines, coauteurs de l’étonnant centre Pompidou de Metz. Ce qui frappe instantanément l’œil, c’est cette sphère légèrement aplatie qui en est l’emblème. Elle est faite de bois et de verre, est en partie couverte d’une drôle de voile, haute de 45 mètres et constituée sur 800 m² de panneaux photovoltaïques. Qui plus est, cette sphère, montée sur des rails, suit la course du soleil !

À l’intérieur de cette boule, au premier étage du bâtiment, se niche un auditorium de 1 150 places dédié aux musiques acoustiques. Son entrée se fait par une coursive qui en fait le tour et permet de voir l’envers de la façade et de sa voile, y compris le mécanisme de cette dernière. Adoptant la forme d’un œuf, la « coquille » de l’auditorium est couverte d’une mosaïque irisée verte, tandis que la salle est tapissée de lames de bois entrelacées. Au plafond, une étrange « tenture » dont les motifs en dentelle évoquent les alvéoles d’abeilles. Cet élément de décoration ajoute à la chaleur que diffuse ce lieu dont la scène est ceinte de balcons « en vignoble ». La mise au point du son a été confiée aux acousticiens du cabinet Nagata et Jean-Paul Lamoureux, lesquels ont œuvré aussi dans l’autre salle.

La Seine Musicale

Île Seguin, 92100, Boulogne-Billancourt Tel : 01 74 34 53 54 www.laseinemusicale.com
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Celle-ci, baptisée la Grande Seine, toute de noir couverte, est réservée aux musiques amplifiées. Avec sa jauge de 4 000 à 6 000 places, elle se situe au même rang que le Zénith de Paris. On y accède par un vaste parvis qui s’étend face à la poupe du bâtiment, où s’élève un écran LED de 800 m². C’est la grande porte d’entrée de la Seine Musicale. Un bâtiment conçu comme une petite cité traversée sur toute sa longueur par une large rue. « Cette rue se situe en continuité du plan urbain de l’île, expliquent les architectes, et elle se trouve même précisément en prolongement de la grande galerie dessinée par Jean Nouvel. Nous avons prêté une grande attention au respect du schéma urbain parce qu’il est important qu’existe une harmonie sur l’ensemble de l’île. » Éclairée par la lumière naturelle provenant de baies vitrées, elle est bordée de commerces (enseignes culturelles, restaurants, bars, club de jazz…). De plus, des fenêtres permettent de voir ce qui se passe dans des studios d’enregistrement et de répétition (cependant, s’ils le souhaitent, les musiciens peuvent tirer un rideau !). En tout, il y en a cinq, ainsi que des locaux où travaillent trois résidents : la Maîtrise des Hauts-de-Seine, l’Insula Orchestra de Laurence Equibey et l’Académie musicale de Philippe Jaroussky.

Au milieu de cette rue : un grand foyer et des accès à des espaces privatifs, dont un bar à champagne. Au bout, une terrasse offre un point de vue sur la Seine. Il est projeté d’y installer des sculptures, notamment une œuvre inédite de Rodin intitulée Défense de Paris (en mémoire des victimes de l’invasion prussienne de 1870) coulée en plâtre conservé au musée de Meudon qui est consacré à l’artiste.

À cette terrasse s’ajoutent des coursives qui longent le bâtiment côté fleuve. Ces promenades, comme l’intérieur de la cité sont ouvertes au public, de même que le jardin Bellini qui la couvre et que l’on rejoint par l’intérieur du bâtiment ou par un escalier monumental depuis le parvis. Ses 7410 msont entièrement occupés par une végétation typique des coteaux de la Seine (paysagistes : Bassinet Turquin Paysage). Ce jardin en forme de butte vallonnée offre un panorama inédit sur la sphère, l’île et les rives qui lui font face. Une situation idéale pour voir comment vont évoluer les travaux à venir!

Jean-Luc Choplin en Seine

Jean-Luc Choplin, président du Comité de programmation de la Seine Musicale et directeur artistique de STS Événements, commence sa carrière avec des artistes d’avant-garde pour les Fêtes musicales de la Sainte Baume. Il travaille pour le Ballet Roland Petit, l’Opéra National de Paris et même Disneyland Paris, avant d’œuvrer au théâtre du Châtelet de 2004 à 2016, où il a obtenu de beaux succès, notamment avec des productions de comédies musicales souvent très novatrices.

Quel est votre rôle au sein de la Seine Musicale ?
Celui d’un programmateur chargé de donner une âme, un style, à cette nouvelle destination musicale. Je la veux festive, populaire et sophistiquée, sans frontières en ce qui concerne les catégories. Toutes les formes de spectacle scénique et de musique y sont les bienvenues. Nous allons en produire, mais aussi louer les salles à des producteurs indépendants, tandis que l’Insula Orchestra et la Maîtrise des Hauts-de-Seine vont développer leur propre programmation au sein de l’auditorium. Et puis, il y aura également divers événements, par exemple, des expositions sur le thème de la musique. La première se tiendra en septembre.

Quel est le public visé ?
Tous les publics ! Celui de l’ouest parisien, qui ne disposait pas jusqu’à présent d’un lieu de ce type et, d’une manière générale, les habitants du Grand Paris, d’autant plus que la Seine Musicale est située tout près de la capitale.

Du Châtelet à l’île Seguin, vous ne quittez pas la Seine…
Effectivement je suis très lié à ce fleuve ! Je pouvais rester au Châtelet, mais j’ai choisi d’aller vers d’autres aventures. Au bout de douze ans, il fallait tourner cette page. Cela dit, je conserve le même esprit, cette idée de casser les barrières, d’être toujours là où on ne vous attend pas.

La saga de l’île Seguin

Un peu de géographie d’abord : tout près de Paris, couvrant une surface de 11,5 hectares dans un méandre de la Seine, l’île Seguin succède en aval à l’ïle Saint-Germain et son parc. Territoire de la commune de Boulogne-Billancourt, elle fait face à cette ville (rive droite du fleuve), à Meudon et Sèvres (rive gauche). Accessible depuis le métro Pont de Sèvres et le tramway T2, elle se trouve également non loin du parc de Saint-Cloud. Terre longtemps consacrée à l’agriculture, elle devient un lieu de promenade chic dont Louis XV fait l’acquisition. À partir de la fin du XVIIIe siècle, elle accueille des blanchisseries et des tanneries, dont celle de Monsieur Armand Seguin, ainsi que des sites de loisirs (guinguettes, canotage…). Elle devient ensuite la propriété du constructeur automobile Louis Renault qui y fait construire une gigantesque usine en 1929, laquelle s’ajoute à d’autres bâtiments situés de part et d’autre de l’île. Elle ferme ses portes en 1992 et commence à être démolie en 2004. L’opération île Seguin-Rives de Seine est alors engagée afin de réaménager trois secteurs de Boulogne-Billancourt : le Trapèze (37,5 ha), le quartier du pont de Sèvres (15 + 10 ha) et l’île Seguin. Plusieurs projets ont été envisagés, c’est l’un de ceux proposés par les Ateliers Jean Nouvel qui a été retenu. Dans les années 2020, outre la Seine Musicale, on devrait y trouver un ensemble constitué d’un centre d’art, d’un multiplexe de cinémas et d’un hôtel décoré d’œuvres d’artistes émergents. Traversée par une grande rue, l’île comportera aussi des commerces, des bureaux, des jardins signés Michel Desvigne – il en existe déjà, provisoires, depuis 2010. www.ileseguin-rivesdeseine.fr

Entrée libre dans le bâtiment et le jardin du mardi au samedi de 11h à 19h 

Par Michel Doussot. Photos : Philippe Guignard/Air-Images.net / Laurent Blossier / Denis Lacharme - Publié le
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