À l’âge de dix ans, lors d’un séjour à l’hôpital des enfants malades, elle est éblouie par la pureté monochrome de l’environnement, son dépouillement lumineux, la fonctionnalité du mobilier en fer, un ensemble sans fioritures qui contraste fortement avec le chaos du logement familial. C’est cette concision qui animera toute sa création et sa passion pour le métal va s’en trouver confortée. Son petit appartement-atelier de la place Saint-Sulpice lui offre un terrain de jeu grandeur nature, guidé par la volonté d’exploiter l’espace au mieux et au maximum. Elle y conçoit Le Bar sous le toit, un lieu de convivialité tout en cuivre nickelé et aluminium, aux assises en cuir violet et rose, qu’elle présente au Salon d’automne de 1927 et lui vaut la proposition de Le Corbusier d’intégrer son agence, où officie déjà Pierre Jeanneret. Elle signera avec eux deux créations qui s’imposeront parmi les pièces phare du design tubulaire du XXe siècle, et sont toujours éditées par Cassina : le fauteuil grand confort et la chaise longue basculante. Parallèlement, elle s’engage pour une démocratisation du mobilier et cofonde l’Union des Artistes Modernes (UAM) en 1929, en réponse aux salons académiques et à la rigidité de la Société des Artistes Décorateurs. En 1936, année du Front Populaire, elle imagine un mobilier de qualité, pour petits budgets. En 1940, nommée conseillère pour l’art industriel par le gouvernement japonais, elle part six ans à Tokyo, une expérience qui la conduit à introduire l’usage du bambou dans sa création. Cette expérience formatrice fait l’objet d’une section dans l’expo. « Il faut avoir l’œil en éventail » répétait-elle à sa fille Pernette, l’une des commissaires de l’exposition. Elle rentre en France en 1946 et participe aux grands chantiers de la reconstruction. Au début des années 50, elle est sollicitée pour créer La maison de Tunisie et celle du Mexique à la Cité Universitaire de Paris. Cette Savoyarde, qui a fait entrer le tabouret de traite dans les intérieurs citadins, connaît la consécration entre 1967 et 1989, lorsqu’elle fait jaillir des cimes, ex nihilo, la station de sports d’hiver Les Arcs, labellisée Patrimoine du XXe siècle par le ministère de la Culture en 2006. Se fondant dans le décor, ses immeubles de bois et de verre aux formes organiques épousent les reliefs et les pentes.
« Devant une belle page blanche, j’aimerais avoir 20 ans », disait celle qui à l’âge de 90 ans réalisait encore La maison de thé, à l’Unesco à Paris. Cet espace ouvert et éphémère où s’entrecroisent architecture, art et nature préfigure les axiomes du design d’aujourd’hui, comme un dernier élan visionnaire de la grande Charlotte Perriand.
Jusqu’au 24 février 2020
Fermé le mardi. De 11 h à 20 h, 21 h le vendredi, dès 10 h samedi et dimanche.
16 €
Plus d’informations sur le dossier dédié ici.