Avec le recul comment voyez-vous vos années au Ballet de l’Opéra de Paris dont vous êtes une des étoiles ?
À l’Opéra de Paris, nous sommes des enfants gâtés ! Que ce soit au niveau du répertoire incroyablement riche et varié ou du public. C’est pour cela que je suis beaucoup partie. J’étais une sorte de rebelle de la danse qui allait voir ailleurs ! Mais je reste un “prototype” du style Opéra de Paris où j’ai fait toutes mes classes, de l’École de danse jusqu’au Ballet.
Vous êtes italienne de naissance mais parisienne dans l’âme ?
Je crois que c’est une grande richesse de pouvoir se revendiquer de deux pays, la France et l’Italie. Je ne fais pas de distinction entre l’un et l’autre alors même que ces deux nations sont quand même assez différentes. À mes débuts, il n’y avait que deux ou trois danseurs étrangers à l’école, aujourd’hui c’est beaucoup plus ouvert. C’est une chance pour cette compagnie. Lorsque j’entends certaines critiques sur le Ballet de l’Opéra de Paris, je ne les comprends pas : il y a ici le talent et l’ouverture d’esprit. Je crois que cette compagnie est bien unique en son genre.
Vous êtes, en plus de votre carrière à Paris, la nouvelle directrice du Ballet de l’Opéra de Rome. Qu’est-ce que cela change ?
La première personne que j’ai voulu voir après ma nomination à la direction du Ballet de l’Opéra de Rome est le chorégraphe Jiří Kylián – avec qui elle est cet hiver à Garnier –. Il m’a dit « Dans une compagnie, il ne faut pas t’attendre à ce que l’on t’aime ! ». D’une certaine façon, il n’a pas tort.
C’est, pour ainsi dire, une deuxième consécration après votre nomination comme étoile en 2013 ?
Aujourd’hui nous avons sur la scène internationale des directeurs jeunes. Et des femmes. Enfin ! J’ai 20 ans de carrière et je ne sais pas si je vais danser jusqu’en 2020 à l’Opéra de Paris. J’ai envie de donner, de former de futurs talents de la danse. Je pense que la maturité d’un ou d’une interprète s’affermit en se confrontant à des mondes différents. Lorsque j’ai commencé, fréquenter Pina Bausch ou Jiří Kylián m’a permis de grandir dans mon art. C’est ce que je veux transmettre aux autres. Le Ballet de l’Opéra de Rome est une compagnie jeune, j’ai dû reconstruire son répertoire. Venir à Paris avec la troupe pour présenter La Chauve-souris de Roland Petit est un vrai challenge.
Parlez-nous de ce chorégraphe qui vous était si proche…
Roland Petit a été mon premier maître, je lui dois tellement ! Il disait tu es chorégraphe dès le départ, c’est en toi. Je n’ai jamais ressenti ce désir de chorégraphie. Mais avec le Ballet de l’Opéra de Rome, je peux donner un peu de ma passion. En Italie tout est compliqué. Mais je connais mon pays et cela m’aide dans cette tâche. J’ai déjà l’idée de faire venir Christopher Wheeldon (le chorégraphe d’Un Américain à Paris), Jean-Guillaume Bart ou William Forsythe. Et j’entends bien insuffler un peu de l’esprit français de la danse du côté de Rome…