Cannabis, aussitôt le mot prononcé les sens sont en alerte. Il a un goût d’interdit, les images affluent, Woodstock en tête et toute la vague hippie des filles aux longues robes colorées et aux couronnes de fleurs dans les cheveux se déhanchant au rythme de la musique… et moins glorieux les squats où des êtres en perdition se “défoncent”. Bref, le cannabis véhicule derrière lui toutes ses dérives et ses controverses. Voici qu’il refait surface depuis quelques années sous le nom de CBD. Ça a le goût du cannabis, l’odeur de cannabis… sans les effets psychotropes. En un mot, la molécule du cannabidiol, plus communément appelée CBD, est, à tort, associée à son homologue, le tétrahydrocannabinol, ou THC, connu et recherché pour ses effets psychotropes. Ces deux molécules sont issues de la même famille des cannabaceae, celle du cannabis et du chanvre. La production du chanvre, inoffensive pour la santé, est pourtant hautement réglementée et toujours en discussion. En France, le CBD est bel et bien autorisé car il ne provoque ni effets psychoactifs, ni dépendance et a de nombreuses vertus. Le CBD est prisé pour ses effets apaisants, relaxants et antalgiques. Alors de nombreux entrepreneurs se sont engouffrés dans la brèche mettant en avant le mot de cannabis plus vendeur et accrocheur que CBD. Peu à peu, ces “fleurs” autorisées à la vente mais interdites à fumer (chercher l’erreur) ont poussé dans les centres-villes. Les boutiques de CBD voient le jour de plus en plus ouvertement et les produits dérivés sont de plus en plus nombreux. Cela va des bonbons comme les Gummies de Be Hempy de Birdie ou les pastilles à sucer de BioActif, marque créée en 2019 par Romain Pousse, dont la teneur en CBD varie selon les effets recherchés (5, 10 ou en 15 mg particulièrement adapté pour aider à un sommeil réparateur), sans oublier une variété toujours plus riche de tisanes et même de l’eau pétillante comme Chilled, une eau de source naturelle issue des montagnes autrichiennes, infusée à l’hibiscus blanc, qui contient 15 mg de CBD par canette et dont les deux entrepreneurs David Migueres et Martin Gunther prévoient d’en écouler entre 1,2 à 2 millions en 2021. Sabine Cophy, créatrice de La Chanvré-CBD Paris, diffuse ses produits uniquement en ligne en attendant d’ouvrir une boutique physique pour mieux y faire connaître ses infusions Énergie (chanvre, citron), Éclipse (chanvre, rooibos vert), Évasion (chanvre, thé noir d’Assam), ses miels aux extraits de chanvre, ses huiles mais aussi un café au CBD (https://lachanvreparis.com/). On retrouve aussi l’huile de cannabidiol dans nombre de préparations et sur la carte de plusieurs restaurateurs. Will’s Deli (rue Poissonnière dans le 2e) a ainsi un Pastraweed (un sandwich au pastrami fumé au chanvre et nappé d’une sauce à l’huile de CBD, le tout casher !). Devant le succès rencontré, Simon Benitah, dont le père fournit en viande fumée les plus grands chefs étoilés, a lancé en juin un menu tout-CBD et se délecte du slogan maison qui a pris un tout autre sens aujourd’hui “Nous ne fumons que la viande, et laissons l’herbe aux vaches”.
Paris accro au CBD
Pokawa a aussi ajouté au printemps un Poké Bowl avec une sauce à base de CBD quant au restaurant La Daronne, il propose en dessert le Snick’Cook, un cookie 3 choco noisettes, caramel et CBD. Dalloyau en association avec Divie a imaginé un cake assorti à l’infusion La Divine et ce printemps avait inscrit à sa carte un velouté de petits pois ricotta à l’huile de CBD Divie et un poisson en croûte parsemé de graine de chanvre. La maison Divie, fondée par Alexandre Perez qui cultive son chanvre en Aveyron et commercialise une gamme d’huiles et des infusions comme La Rouge et La Divine issues de l’agriculture biologique, vient d’installer fin août un pop-up store au deuxième étage du BHV Marais où elle présente ses huiles et infusions qui seront à l’honneur jusqu’au 30 octobre dans la vitrine du grand magasin rue des Archives. Philippe Conticini n’est pas en reste. Dans son Cirrus, un gâteau tout blanc en forme de nuage, la douce amertume du CBD (un ingrédient 3 à 10 fois plus cher que la truffe ou le caviar) relève l’acidité des agrumes de l’insert crémeux de pamplemousse, citron et d’orange sanguine. Cette gourmandise a été créée pour l’ouverture de sa boutique du 3e, 31 rue Notre-Dame-de-Nazareth. Le restaurant californien Cali Sisters (17, rue Notre Dame des Victoire, 2e) s’est rapproché de la marque Huages pour imaginer quatre boissons à base de CBD le Basil Smash avec du gin ou une version sans alcool, une Lemonade au basilic, citron, concombre ou encore un Iced Tea, un thé maison à l’abricot pour ne citer qu’eux. Le bar Bisou (15, boulevard du Temple, 3e) affole les papilles avec ses élixirs maison sans alcool à base de CBD. Quant à la boulangerie Sain (13 rue Marie et Louise, 10e) dans son Choco-Relax, elle a ajouté une infusion de CBD Orange Bud à sa ganache aux deux chocolats bio et, pour les jours ensoleillés de septembre, une crème glacée au CBD Orange Bud et miel à déguster avec un supplément brioche pour encore plus de gourmandise. Avant de faire une percée remarquée dans l’alimentaire, le CBD s’est distingué en cosmétique. La marque Ho Karan a d’ailleurs axé sa communication autour du mot cannabis… alors qu’en fait comme toutes les autres elle utilise de l’huile de cannabidiol et des extraits de chanvre qui sont réputés pour combattre les impuretés du corps et de la peau, en douceur et en profondeur. Ho Karan se revendique plus comme une marque de bien-être que de pur cosmétique et propose podcast et autres rendez-vous zen pour sa communauté. À l’hôtel Hoy au 68 rue des Martyrs dans le 9e, Laure Bouguen, la créatrice de Ho Karan, a élu domicile au No Stress Studio où une équipe d’experts propose soins et massage bien-être anti-stress avec des produits de la marque alliés à des gestes holistiques. Et en fin d’année, il est fort probable de découvrir un nouveau pop-up store Ho Karan. Centifolia, une jolie marque française, a déjà une huile vierge de chanvre pour prévenir la déshydratation de la peau et la nourrir en profondeur. Quant à Biotanie, qui sera lancée en septembre, elle préconise son sérum visage Hydramat pour purifier la peau et atténuer les rougeurs, sa gelée démaquillante chanvre et prune et son shampoing Le Nourrissant où le chanvre est associé à la fleur d’oranger, l’argile rose et l’amande. Bien d’autres marques ont aussi investi le monde du chanvre comme Douceur Cerise, entreprise iséroise fondée par Brigitte rejointe en 2016 par sa fille Aurore dont les nombreux cosmétiques sont, pour la plupart, des ingrédients issus de cueillettes locales ou de l’agriculture biologique en Chartreuse et dans les Alpes. Amanprana ou Aroma-Zone ont désormais aussi des soins à base de CBD dans leurs lignes et même le savon de Marseille traditionnel confectionné à Montpelier dans la Drôme par Gaiia a une version avec une huile végétale de chanvre. Le CBD est dans toute la ville. Ouvertement affiché dans des boutiques dédiées comme The Hempt Concept rue Charlot (3e) ou rue Saint Georges (9e), Le Chanvrier Français rue de Turenne (4e) ou encore Le Chanvre du possible qui vient d’ouvrir, il y a moins de trois mois, deux lieux au design très épuré rue Charlot (3e) et rue des Canettes (6e) où sont vendus du chocolat Haze, des recharges de cigarettes électroniques Happease et des tisanes Hug. Le CBD se faufile dans les pâtisseries, à la carte des restaurants et au rayon confiserie ! Et aussi dans nombre de cosmétiques où ses vertus antioxydante, anti-inflammatoire, antibactérienne… Un ingrédient quasi-miracle qui ne rêve que d’une chose détrôner le cannabis récréatif pour prendre toute sa place… sans effrayer personne.
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