Michel Amar : » Il n’y a de limite que l’imagination »
Quel est votre parcours?
Michel Amar : « Je suis architecte DPLG à la base. Quand j’ai commencé à créer des objets, j’ai voulu m’extraire de la définition pure du design et éviter d’être dans une démarche consumériste en m’inscrivant dans la durée. Mon intention primaire était que mes créations me survivent et qu’elles se transmettent. D’où l’utilisation de matières nobles, la recherche de la qualité dans l’exécution et la dimension artistique. Je ne veux pas d’un effet showroom dans ma galerie, avec une facture linéaire, répétitive, qui peut finir par ennuyer le client. »
Votre création est marquée par la minéralité, qu’est-ce qui vous séduit dans la pierre ?
Michel Amar : « Je suis curieux de tout et ne m’interdis aucun matériau, mais il est vrai que pour l’architecte que je suis, le volume est important. J’aime le minéral pour sa capacité à s’approcher au plus près de la sculpture. J’aime aussi sa singularité, l’aspect unique de son toucher, de ses veines, de sa couleur. Lorsque l’albâtre, par exemple, est rétroéclairé, non seulement cette pierre transmet très bien la lumière, mais elle raconte une histoire, dessine un paysage, une forêt, des nuages, des vagues, des glaciers… Votre esprit divague et se déconnecte de la réalité. C’est une expérience onirique. »
Comment travaillez-vous, où trouvez-vous vos inspirations?
Michel Amar : « Je suis curieux par nature, mes influences sont multiples, et je me laisse pénétrer par de nombreuses images. Tout à coup, ces éléments se télescopent lorsque je cherche le fil d’Ariane d’une nouvelle collection. J’ai la même passion qu’un débutant lorsque je pars d’une page blanche. »
Comment votre métier a-t-il évolué? Les technologies, le développement durable ont-ils notamment changé votre façon de travailler?
Michel Amar : « Le développement durable est intrinsèque au slow design, aux objets qui se conçoivent lentement, qui vont durer longtemps, sans se démultiplier. Et si la 3D permet de gagner du temps, de dégrossir et de faciliter la tâche de l’ouvrier, la finesse, le lustré, la finition viendront toujours de la main de l’homme. Pour trouver l’excellence, vous êtes obligé de vous appuyer sur des artisans qui maîtrisent des savoir-faire exceptionnels. »
Sur quoi travaillez-vous aujourd’hui?
Michel Amar : « Je prépare une collection de cinq ou six pièces à base de récup, de morceaux de minéraux et de bois. Les chutes permettent de travailler des objets à plus petite échelle comme l’applique Blast, un de nos best-sellers. Je travaille aussi sur des pièces plus rock’n roll. J’ai envie de laisser parler cette facette de moi moins policée, plus instinctive et hors cadre. »
Créez-vous votre propre mobilier sur vos chantiers d’architecture ?
Michel Amar : « Parfois, mais je m’interdis d’aller au-delà d’une certaine quantité d’objets, je ne veux pas que ça sente “Michel Amar”. Je ne dessine pas pour moi mais pour les clients, pour leur capacité à aller jusqu’à leur point de rupture. Au-delà, ils ne seraient plus chez eux mais chez moi. Il faut une diversité de pièces de créateurs, qui soient à leur place, simplement, équilibrées. «
Vous sortez votre nouvelle collection de luminaires – Couture – à l’occasion de la Paris Design Week. À qui rendez-vous hommage à travers elle ?
Michel Amar : « Je suis fasciné par la capacité créative de nos grands couturiers, la richesse, l’intelligence, la sensibilité de leurs collections. L’architecture, c’est la cristallisation de plusieurs métiers qui convoque le sociétal, l’économie, le style, la création, la technique… C’est la même intention dans la haute couture. La collection Couture rend hommage aux créations emblématiques que furent le New Look de Dior, le Space Age de Cardin et de Courrèges, les bustiers métalliques de Mugler, les crinolines de Gautier… »
Comment travaillez-vous les espaces publics, comme les restaurants (Contraste, Granite, Substance)?
Michel Amar : « Un restaurant, c’est une expérience immersive, on entre dans l’œuvre, tout joue un rôle, le plafond, les murs. C’est pour cela que j’attache beaucoup d’importance à la sculpture du mur, dans son entièreté, avec parfois un débord sur le plafond. On entre comme sous une voûte, déconnecté de l’extérieur, des contraintes, pour laisser entrer le seul plaisir, la plénitude. »
Quel objet, rêveriez-vous de réaliser?
Michel Amar : « J’aurais adoré être architecte naval, un univers qui mélange la technique, la performance, l’esthétique… c’est la quintessence d’un objet complet. Je suis d’ailleurs déjà intervenu sur la décoration d’un grand catamaran. Mais l’objet de rêve, fou, ce serait de concevoir un vaisseau spatial. Faire en sorte que le cerveau transforme l’impossible en possible, et toutes les contraintes en rêve. Que cela devienne un espace humanisé. »