En 1948, Céline est en exil au Danemark. Plein d’enthousiasme, un jeune universitaire américain et juif, Milton Hindus vient le visiter. Il se trouve alors jeté dans les griffes du romancier et de sa compagne Lucette qui espèrent que cet admirateur va les aider à revenir en France, où l’homme de lettres est considéré, à juste titre, comme un collaborateur des nazis. Peu à peu, l’innocent Hindus (Philip Desmeules) prend la mesure de l’antisémitisme qui ronge l’esprit tourmenté de son héros. Adapté de l’ouvrage de l’essayiste, mis en scène avec sobriété et efficacité, le film d’Emmanuel Bourdieu ne dédouane nullement Céline, magistralement incarné par Denis Lavant. Tout à la fois maternelle, séductrice, dompteuse, Géraldine Pailhas alias Lucette pose un regard scrutateur sur les deux hommes.
Lucette est un personnage très ambigu…
Son rôle est d’être vigilante, de limiter les excès voire les explosions de son compagnon. Je la vois comme quelqu’un de bonne foi, qui cherche à ce que les choses s’arrangent. Mais il n’en reste pas moins qu’elle forme un couple infernal avec Céline.
Le rôle de Denis Lavant en Céline l’amène à être extravagant, mais la mise en scène vous permet d’exister…
Nous n’avons pas la même présence à l’écran, même si nos rôles sont physiques – Lucette est une femme costaude, qui marche, danse, coupe du bois, etc. Lui se répand, elle est droite comme une flèche.
Êtes-vous une lectrice de Céline ?
Bien sûr. Comment ne pas être saisi par son langage ? Et aussi choqué par ce qu’il a pu écrire. Quand je le lis, je ressens mon corps se mettre en action, autant que mon esprit.
Les rôles dans lesquels on va vous voir ensuite sont loin de cet univers…
Effectivement, dans Mobile Étoile de Raphaël Nadjari (sortie le 26 avril) je suis une chanteuse qui veut faire revivre des musiques juives du xixe siècle. Et puis, je suis dans Marseille (sur Netflix le 5 mai), série dans laquelle j’interprète la femme de Gérard Depardieu alias le maire, Robert Taro.
Marseille est votre ville natale. Quel souvenir gardez-vous de votre première venue à Paris ?
J’avais 6 ans. J’étais fascinée par la tour Eiffel et je le suis toujours maintenant que je suis Parisienne. Mais comme beaucoup d’habitants de la capitale, où je vis depuis vingt-cinq ans, je n’y suis toujours pas montée !
Comment vous êtes-vous acclimatée à Paris ?
Grâce à toutes ces salles de cinéma où l’on peut voir des films du monde entier. Elles sont devenues des refuges pour moi. J’y vais encore beaucoup, à tel point que que j’entretiens quasiment des relations avec les ouvreuses ! Je fréquente surtout les salles qui sont près de chez moi, mais j’ai une tendresse particulière pour L’Arlequin et le Saint-Germain qui sont de beaux endroits. Et j’apprécie aussi l’engagement des 3 Luxembourg où l’on maintient longtemps des films à l’affiche.