Design

Franck Genser « L’esthétique est la première des fonctions »

Admirateur du travail des grands ensembliers du XXe siècle comme Jacques-Émile Ruhlmann, Franck Genser ambitionne de créer un mobilier d’exception qui imprime et exprime notre époque. Dans son studio atelier, aux côtés d’une douzaine de talents pluriels, il crée, fabrique et édite ses propres pièces.

On a coutume de dire que la forme du mobilier découle de sa fonction. Franck Genser prend le contre-pied de ce paradigme en laissant la conformation précéder toute création, en élaborant, selon ses propres mots, « une sorte de contre-design qui place la forme au centre de tout, qui émerge et s’impose à nous ». Scientifique de formation, expert en mécanique des sols, l’homme a déjà fondé et dirigé plusieurs entreprises, dont NARRS dont il est encore propriétaire, spécialisée dans l’ingénierie des terrains sportifs. En 2016, après s’être initié pendant des années aux savoir-faire d’exception aux quatre coins du monde, il fonde son studio-atelier du boulevard Masséna, où une douzaine de collaborateurs – designers, architectes d’intérieur, artisans d’art – s’affairent. Ces jeunes gens réunissent tous les savoir-faire nécessaires à l’élaboration d’une pièce de mobilier, des plus novateurs comme la robotique ou la réalité virtuelle pour visualiser les projets en amont, aux plus traditionnels comme l’ébénisterie et la tapisserie, la dorure, la fonderie d’art, le travail de l’albâtre ou celui de la laque végétale dans ses plus belles variations, Urushi en tête. Cette technique japonaise multimillénaire trouve son acmé dans la table basse Onishi, du nom d’un maître laqueur japonais que Franck Genser a rencontré. Dans le studio, c’est Diane, formée à l’école Boulle et spécialiste des finitions en ébénisterie, des décors et traitements de surface, qui maîtrise cet art de la précision. On lui doit notamment la spectaculaire marqueterie en coquilles d’œuf qui enrobe les galbes ovoïdes du bar rotatif Figaro.

Tout est réalisé sur place, l’usinage sur la machine à commande numérique, la couture pour les textiles des assises et des tapis, la peinture dans une cabine exempte de toute poussière en suspension. Chaque détail fait l’objet d’une attention minutieuse. « En ce moment, Piotr, l’un de nos designers, travaille sur un système de déhoussage rapide des fauteuils, adaptable à chaque type d’assise, pour répondre à la demande des hôtels, particulièrement en Asie où l’on change de décoration tous les trois ans. »

Pour Franck Genser, le champ, ce qui nous entoure et nous infuse, est capital dans sa réflexion. « Nous sommes indissociables de notre environnement qui pèse sur notre manière d’être mais aussi sur nos décisions. La création influe sur le vécu d’un individu et à ce titre on peut affirmer que l’esthétique est bien une fonction première », explique t-il. Cette réflexion l’amène à créer le bureau Chumtak, dont le plateau laqué sfumato épouse la forme d’une vague brisée, sur des pieds massifs arrondis, en noyer américain. Le bureau est un exercice de style rêvé pour le créateur qui s’interroge aussi sur les interactions entre le pouvoir et le mobilier. Pourquoi les hommes politiques prônant un monde nouveau, moins hiératique, continuent-ils à évoluer dans un environnement classique ? « Même Georges Pompidou qui a fait entrer Pierre Paulin à l’Élysée a très peu utilisé le bureau du designer, car il ne faisait pas le job de Président alors que le Louis XV amène le régalien, produit quelque chose de l’ordre d’une souveraineté, mais expose aussi à une perception autoritaire. » Dans cette quête d’esthétique qui nous fasse du bien, qui titille notre curiosité et étanche notre soif de beau, le studio développe des objets un rien surréalistes, à toutes les échelles, comme l’assise Désolé – un mouton sans tête –, la méridienne Salamandre, la lampe de table Sabot, le fauteuil King Kong aux bras enveloppants ou l’étonnante table basse Piscine en laiton. « Je ne cherche pas à reproduire, je veux faire du 2020, m’interroger sur un style qui réponde à notre époque et à ses valeurs. Ici, nous travaillons dans une perspective patrimoniale, avec l’envie d’imprimer le XXIe siècle. Nos créations sont faites pour s’inscrire dans le temps. » 

Franck Genser Visite du studio-lab sur RDV

63-65, boulevard Massena, 75013, Paris www.franckgenser.com
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Par Florence Halimi - Publié le

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