Patrick Jouin avait la trentaine à peine sonnée lorsque le Centre Georges-Pompidou lui consacrât une exposition monographique en 2009. Le designer est alors déjà célèbre pour avoir mis de la technologie de pointe dans les arts décoratifs, avec sa série d’assises Solid, imprimée 3D, aujourd’hui en bonne place dans les musées. Il réitère l’exercice récemment, en réalisant, avec Dassault Systèmes, la chaise Tamu, pliable comme un origami, dont la poétique dentelle de fibres de polyamides fait oublier son élaboration par intelligence artificielle, qui optimise la quantité nécessaire de matière et l’encombrement de l’objet. Aujourd’hui, son amour de l’innovation passe également, et paradoxalement, par un retour au bois pour de grandes maisons italiennes. « C’est l’époque qui nous indique ce chemin. Le bois nous apparaissait comme une matière du passé, plus difficile à travailler que le plastique, cette invention humaine extraordinaire que nous devons utiliser avec parcimonie, car c’est une ressource finie liée aux réserves pétrolières. Le bois que l’on croyait dépassé, et dont on connaît de mieux en mieux tout le potentiel, est la matière du futur en définitive, inépuisable si l’on gère durablement les forêts. »
Du mobilier d’exception au mobilier urbain, il y a un fossé que le designer a toujours comblé agilement. Car on ne fait pas cinq cents mètres à Paris, sans être confronté à l’une de ses créations. Patrick Jouin, c’est le designer qui redessine depuis des années la capitale avec JCDecaux. On lui doit le premier Vélib’, les abribus, les sanisettes, plus récemment les distributeurs de gel hydro-alcoolique. C’est aujourd’hui dans les entrailles de la capitale qu’il réalise la totalité du mobilier des quatre nouvelles lignes du Grand Paris Express, en collaboration avec Ruedi Baur qui renouvelle le graphisme de la signalétique. Alors que chaque gare aura sa propre identité architecturale, l’ensemble des éléments des stations sera identique, autant pour faciliter la maintenance que pour marquer un lien tangible entre tous les usagers. « C’est une infrastructure gigantesque qui se déploie sous nos pieds et s’apprête à transformer la vie des habitants en inventant une nouvelle manière de se déplacer. Elle répond à un problème mais va venir créer de nouvelles opportunités. C’est la première fois qu’un équipement livre une expérience commune à des millions de Franciliens. »