La renaissance du Grand Palais : un écrin pour un colosse
Daniel Sancho, directeur du projet de restauration du Grand Palais.
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S’agit-il de la première rénovation complète depuis la création du Grand Palais en 1900 ?
Daniel Sancho : « Fragilisé et morcelé, le monument souffrait d’un état de vétusté généralisé, 121 ans après sa création. De grandes opérations de rénovation avaient déjà eu lieu. En 1937, pour l’installation du Palais de la Découverte, en 1966, pour les galeries nationales et depuis, il n’y a eu que des bricolages. Nous avons fait table rase du passé pour retrouver l’ossature principale du Grand Palais de 1900. »
Quels étaient les principaux travaux à effectuer ?
Daniel Sancho : « Purger toutes les strates, les traces qui se sont imposées au Grand Palais hormis les aménagements de 1966 et retrouver le caractère originel du bâtiment. On repart de zéro et on le remet aux normes d’aujourd’hui tout en respectant l’architecture dans laquelle on place des éléments fonctionnels lourds et la technique, comme la climatisation, l’électricité, l’éclairage. On ajoute quarante ascenseurs, des escaliers, des sanitaires, une nouvelle muséographie, une jauge qui passe de 6 000 à 9 000 personnes…Sur ce projet, nous allons d’ailleurs obtenir une certification haute qualité environnementale. Ce sera la troisième obtenue en France sur un monument historique après l’hôpital Laennec, siège de Kering et la Bourse de Commerce. »
Le public sera-t-il surpris par ces changements ?
Daniel Sancho : « Quand le public va revenir du 18 au 30 d’octobre pour Art Basel Paris et du 7 au 10 novembre pour Paris Photo, la nef va lui sembler assez proche d’avant. Il n’y aura pas vraiment de choc visuel. Elle ne change pas de volume, mais elle a gagné de très belles améliorations.À la nef, s’ajoutent les galeries périphériques ouvertes désor- mais au public. La dalle, autrefois gris béton, reprend sa teinte sable ocre.L’escalier d’honneur retrouve ses couleurs bronze médaille dont se détachent les monogrammes RF à la feuille d’or. Il y aura bien sûr la transparence vers le ciel avec les éléments restaurés de la verrière. Et il y aura, surtout, la toute nouvelle transparence visuelle est-ouest entre la nef et le palais d’Antin! »
À quel moment, le public se rendra-t-il compte des changements structurels du Grand Palais ?
Daniel Sancho : « La troisième et dernière transparence sera découverte en juin 2025, quand on ouvrira le Grand Palais côté musées et galeries, du nord au sud. On entrera par l’avenue Eisenhower dans le square qui est l’entrée unique de nos galeries et aussi du Palais de la Découverte. On commencera donc l’entrée par une séquence de 3 000 m2 ouvert au public, avec un espace d’information, des aires de repos, des sanitaires, des vestiaires, des boutiques. On passe de 200 m2 à 3 000 m2 avec cette relation entre les jardins côtés nord et sud. Cela va être une révolution, de montrer la relation entre la nef, les galeries et le Palais de la Découverte. C’est là le choc. »
Qu’en est-il des lieux d’exposition ?
Daniel Sancho : « Les lieux d’exposition n’évoluent pas beaucoup, même si on a gagné deux galeries permanentes pour le musée. En revanche, ces dernières peuvent être modifiées et ont retrouvé la lumière du jour. Toutes les fenêtres qu’on a pu rouvir l’ont été ! Donc, on a une nouvelle relation entre les salles d’exposition et l’extérieur. »
Le Grand Palais va devenir un pôle d'événements toute l'année, y compris l'été
Quelles seront les actions culturelles ?
Daniel Sancho : « On reste dans des expositions classiques, même s’il y a une intervention importante pendant quelques années du Centre Pompidou. Les deux premiers événements programmés seront la 27e édition d’Art Paris avec “L’Art brut” du 3 au 6 avril 2025, puis “Niki de Saint Phalle , Jean Tinguely, Pontus Hultén” du 6 juin 2025 au 4 janvier 2026. Sur les parties événementielles, on est sur de la location d’espaces, on louera plus, plus longtemps. Il y a aussi une volonté de notre président, Didier Fusillier, d’ouvrir la nef en été, au moment où l’activité culturelle et événementielle s’éteint un peu. Le Grand Palais va devenir un pôle d’événements toute l’année ! »
Avez-vous rencontré des obstacles au cours du chantier?
Daniel Sancho : « Oui, on a eu quelques mauvaises surprises. On a l’impression que c’est un bâtiment parfaitement documenté, mais ce n’est pas le cas. On a tellement récuré le bâtiment que l’on a découvert des choses que l’on n’imaginait pas comme des pollutions de plomb ou d’amiante. Cela a clairement provoqué du retard sur ce lourd chantier de rénovation. »
Et des moments positifs ?
Daniel Sancho : « Dans le grand salon, qui fait partie de ces 3000 m2 d’accueil du public, on a découvert des mosaïques d’origine : soit 1 000 m2 que l’on pensait disparus et que l’on a pu restaurer. »
Quelle a été votre plus grande émotion lors de ce chantier ?
Daniel Sancho : « Le jour où on a séparé la nef du palais d’Antin, ce sont des moments d’émotion fortes ! »
Quelle est la plus belle chose que vous avez réussie ?
Daniel Sancho : « La taille, l’inconnu malgré tout de certains éléments, le fait que l’on ait 70 entreprises, 300 sous-traitants, un délai court… Être le chef d’orchestre de tous ces éléments. »
Quel est votre sentiment au moment du rendu de ce gigantesque chantier ?
Daniel Sancho : « Un grand soulagement ! Sincèrement, sur ce chantier, il y avait une complexité particulièrement forte. C’est lourd, pas forcément douloureux. Mais il y a un besoin de ressources humaines énormes. Pendant les six derniers mois, pour que les Jeux Olympiques se fassent, il y avait 1 200 personnes qui travaillaient par jour sur le chantier. »
En un mot, qu’avez-vous fait du Grand Palais ?
Daniel Sancho : « Un écrin ! »