Culture

Printemps du dessin : trait après trait, le geste devient art

Du 26 au 31 mars, Paris accueille les passionnés de dessin du monde entier autour de deux rendez-vous devenus incontournables : le Salon du dessin au Palais Brongniart et Drawing Now au Carreau du Temple. Après Françoise Pétrovitch l’an passé, c’est au tour de l’immense artiste Pierre Bonnefille, qui a récemment exposé au musée Guimet et chez Christie’s Paris, de livrer son enthousiasme sur ce “langage” qu’il pratique au quotidien. Entretien exclusif pour Paris Capitale.

 

Andrea Mastrovito. April 1969, 2024. Crayon lithographique sur objets en plastique, caisson lumineux

Salon du Dessin 26 au 31 mars

Palais Brongniart, place de la Bourse, 2e www.salondudessin.com/fr/accueil/
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Drawing Now 27 au 30 mars

Carreau du Temple. 4, rue Eugène Spuller, 3e www.drawingnowparis.com/
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Exposition “Deep Waters” - Galerie Pierre Bonnefille jusqu’au 15 avril

5, rue Breguet, 11e www.pierrebonnefille.com/
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 Gino Severini (1883-1966). Le Compotier, ca.1918. Galerie Ronny van de Velde.

Fernand Léger (1881-1955). Composition aux clés, 1927. Galerie Berès. 

Le dessin se réinvente depuis vingt ans. Du graphite au crayon de couleur, du stylo-bille à l’aquarelle, du papier japonais au carton, en passant par la photographie, la céramique ou même la tapisserie, de l’infiniment petit au monumental, ce médium s’ouvre spectaculairement à toutes les nouvelles perspectives et n’a plus de limites. Pendant quatre jours, les visiteurs ont l’opportunité de découvrir les multiples facettes du dessin dans deux salons pour lesquelles galeries françaises et internationales triées sur le volet. Qui plus est, chacune d’elles accueille des expositions et des colloques toujours plus à la pointe. Pierre Bonnefille, véritable chercheur captivé par la lumière et la couleur, à la fois peintre, designer et maître d’art de renommée internationale, utilise les pigments qu’il cherche sans relâche aux quatre coins du monde et commence toutes ses créations, peintures, compositions murales ou meubles, crayon à la main. « J’ai une pratique quotidienne du dessin, confie ce passionné d ’écriture ancienne. C’est l’origine de ma pensée. Je réalise des croquis pour mes projets, mon travail de communication et des œuvres que je vends en tant que telles. Le dessin dit aussi la vérité, car le trait ne ment pas. C’est une expression pure et directe, le lien le plus rapide entre le cœur et la main, complète ce féru de calligraphie. C’est un véritable langage. »

Pierre Bonnefille. Copper Lake, octobre 2024.

Des centaines d’artistes à admirer

La halle du Carreau du Temple héberge, pour la 18e édition de la foire Drawing Now, 70 galeries qui dévoilent le meilleur du dessin d’aujourd’hui sous toutes ses facettes. « J’adore Drawing Now, s’enthousiasme Pierre Bonnefille. Je trouve qu’il y a une atmosphère et une attitude du regardeur très particulière. C’est plus intime et plus émotionnel, plus serein que dans un salon où se mélangent la peinture, la sculpture et la photographie. » Parmi les centaines d’artistes exposés, découvrez les œuvres de Joachim Bandau chez Maubert, Corinne Mercadier chez Binome, Oda Jaune chez Templon, Eugénie Modai chez by Lara Setbon. « Les des- sins qui me touchent tout particulièrement, confie Pierre Bonnefille, sont ceux de Dominique de Beir chez Réjane Louin et Oriane Castel chez Analix Forever. » Le Salon du dessin contemporain Drawing Now pré- sente également une exposition, “Codes dessinés : notations urbaines, écritures intimes”, de Joana P.R. Neves en partenariat avec le Cnap, ainsi que le parcours Parallaxe, qui permet aux visiteurs d’avoir un regard différent sur la pratique d’artistes avec un travail particulièrement innovant, comme celui de Marion Verboom chez Galerie Lelong & Co. Pour cette 18e édition, le célèbre designer Pierre Yovanovitch, invité à choisir ses Coups de Cœur, a pu aussi ouvrir son regard à une nouvelle génération d’artistes. « J’ai sélectionné à l’instinct des œuvres qui incarnent une profondeur émotionnelle et des artistes qui repoussent les limites du dessin en mêlant abstraction, figuration et expérimentation spatiale. Chacun d’eux, à leur manière, contribue au dialogue en constante évolution entre art, espace et narration, qui figure au cœur de ma pratique créative.

Oda Jaune. T like Tea(r)colors, 2023. Aquarelle sur papier teinté.

À l’image des dessins de l’artiste Dom Simon ou des encres d’Henri Michaux, qui explorent les limites entre figuration et abstraction. » Rendez-vous incontournable depuis plus de dix ans, le Prix Drawing Now 2025 a nommé ces cinq candidats : Mélanie Berger, Susanna Inglada, Farah Khelil, Violaine Lochu et Roméo Mivekannin. Le lauréat sera connu lors du vernissage du salon le mercredi 26 mars. Dans le prestigieux Palais Brongniart, construit sous l’impulsion de Napoléon Bonaparte, la 33e édition du Salon du dessin, référence mondiale de la spécialité, accueille 39 exposants, dont 19 galeries étrangères venant de huit pays différents. Ici, le visiteur se recueille devant des centaines de feuilles inoubliables comme la Salomé de Giulio Bargellini chez Aleandri Arte Moderna, la Composition aux clés de Fernand Léger chez Berès, ou la nature morte Le Compotier de Gino Sévérini à la galerie Ronny van de Velde.

Invité d’honneur, le musée des Beaux-Arts de Reims, en pleine réhabilitation, dévoile 46 feuilles où se côtoie l’incroyable série des treize portraits de Lucas Cranach le Jeune, véritables photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante, ainsi que des œuvres de Simon Vouet, Charles Le Brun, Robert Nanteuil, Jean-François Millet… « Cette exposition apparaît passionnante, se réjouit Pierre Bonnefille, car nous connaissons les peintures et les chefs-d’œuvre des grands maîtres, mais rarement leurs dessins qui permettent de découvrir véritablement la genèse de leurs œuvres. »

La beauté et le rêve au bout d’un simple trait

Parmi les événements, les Rencontres internationales du salon du dessin ont pour thématique “Les dessins de voyage, du XVIIIe siècle à nos jours”, ce qui n’est pas pour déplaire à notre explorateur du monde, de préférence asiatique, sans cesse en quête de nouvelles visions, de nouveaux désirs. Sur les pas de Delacroix, qu’il affectionne tant et qui rapporta d’inoubliables croquis du Maroc et d’Alger, Pierre Bonnefille « part, dit-il, avec un carnet de croquis, une boîte d ’aquarelles et un appareil photo. Je me pose une journée dans un endroit qui m’inspire et dessine des moments de paysages, l’atmosphère, et surtout le sable, les terres, les roches, les arbres, le ciel et l’eau. J’ai fait récemment beaucoup de notes sur les profondeurs de l’eau qui ont donné naissance à ma dernière série Deep Water. » C’est ce « sentiment sensible et inné de bien-être d’une conscience qui arrive directement au cœur » qui envahit Pierre Bonnefille en quittant ces salons où le trait, quel qu’il soit, emporte vers la beauté et le rêve. C’est cet apaisement, cette sérénité qu’il faut conserver lors de cette semaine rare et riche d’un parcours qui se poursuit au-delà des foires dans de très nombreuses institutions. D’une part, le Printemps du dessin, lancé par Drawing Now, célèbre la diversité de ce médium d’aujourd’hui en France, notamment à Paris, à l’Arc de triomphe, à la Fondation des Artistes, au Frac Île-de-France, au musée de la Chasse et de la Nature… D’autre part, le Salon du dessin organise pour la 25e année la Semaine du dessin, en partenariat avec une vingtaine de musées parisiens comme le musée d’Orsay, celui du Louvre, Gustave Moreau, Cognacq-Jay, des Arts Décoratifs, Carnavalet et aussi les Beaux-Arts de Paris, la BnF… Le dessin en 2025 ? Le langage le plus pur, le plus vrai, le plus libre. Et bien sûr, le plus innovant.

Mélanie Berger. On The Hand 2024. Huile, pigment, aquarelle sur papier.

Par Anne Kerner - Publié le

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