Paris n’attend plus le printemps pour se mettre au vert. Désormais c’est toute l’année, dedans, dehors, dessous, partout, sur les plus hauts édifices comme dans les entrailles du métro, dans les installations monumentales comme dans les objets triviaux. Architectes et designers transforment la capitale en champ fertile, font pousser la fleur sur le béton, pour offrir aux citadins asphyxiés, des bouffées d’oxygène aux quatre points cardinaux. Ces designers d’un genre nouveau nourrissent leur création depuis une dizaine d’années. Ils ont expérimenté, travaillé, affiné leurs recherches pour concilier nature, urbanisme et technologie, réconcilier le minéral et le végétal, le design le plus maîtrisé et l’herbe folle.
Les uns et les autres se sont inspirés des travaux précurseurs de Patrick Nadeau, le premier des designers végétaux, qui en a inventé le concept en faisant cohabiter les plantes dans le mobilier et l’architecture. Ils ont aussi bénéficié des recherches du plus célèbre des botanistes, Patrick Blanc. L’homme qui a révolutionné la typologie des métropoles, de Paris à Singapour, avec ses murs végétaux spectaculaires qui s’accrochent sur les façades en composant de gigantesques tableaux aux camaïeux verts, et aux reliefs sculptés par les épaisseurs des feuillages. Paris est l’un de ses plus beaux terrains de jeu, depuis sa première installation en 1986 à la Cité des Sciences et de l’Industrie, jusqu’au musée du quai Branly, en passant par L’hôtel Pershing Hall, des boutiques de luxe, des sièges sociaux… Et le mur de la rue d’Aboukir, qui dessine une œuvre mouvante se mordorant au fil des saisons.
Pourtant Patrick Blanc ne se voit pas comme un artiste, mais comme un chercheur d’or vert, motivé par le sel de la découverte. « Le challenge ne m’intéresse pas, ce sont les plantes qui me stimulent », avoue-t-il. « Ce groupe d’individus très inventifs qui développent dans la nature d’incroyables stratégies pour prospérer, qui se débrouillent très bien avec si peu d’énergie, dans l’ombre d’une forêt tropicale, le long d’une cascade, sur un rocher. » Et s’il ne s’envisage pas sous l’angle de la création, seulement sous celui de la recherche, Patrick Blanc est sollicité pour habiller les plus grands événements de design comme le salon de Meuble de Milan, et inspire de jeunes designers comme Amaury Gallon, fondateur des Jardins de Babylone. Une agence qui a précisément été choisie pour restaurer le mur du musée du quai Branly, à partir d’un cahier des charges extrêmement précis, enrichi par Patrick Blanc au fil de ses découvertes botaniques. 381 espèces contre 150 environ il y a treize ans.