Denim mania
Il fait partie intégrante de la vie des femmes depuis plus de soixante ans. Qui est-ce ? Le blue jean. À l’origine, fabriqué pour résister aux conditions de travail des ouvriers et mineurs, il a su avec le temps s’imposer dans le vestiaire de chacune, devenant une icône de la mode. Emblème de la culture américaine, la toile denim se décline aujourd’hui sous toutes les formes, du pantalon cinq poches au blouson en passant par le manteau, la robe ou le bermuda. Cette toile, symbole de rébellion dans les années 60 et 70, désormais universelle, est aujourd’hui travaillée comme une création haute couture.
Pour le printemps-été 2025, le denim devient sophistiqué sous la houlette des grands noms de la mode. II arpente les podiums des défilés de Chanel, Dior, Valentino et, en trompe l’œil pour la maison italienne Bottega Veneta qui en imite la couleur et le chaîne et trame du tissu sur du cuir ! Cette saison, le pantalon prend une place de choix dans les collections estivales. Les créateurs et couturiers en livrent tous leur interprétation. Du plus grunge comme les fibres déchirées et retravaillées par Glenn Martens chez Diesel et Balenciaga au plus sophistiqué en version tailleur architecturé chez Schiaparelli ou en combinaison chez Alaïa.
« J’avais envie de donner à la collection une dimension étasunienne, de lui instiller un sentiment d’aisance et de luxe à l’américaine », explique Pieter Mulier, le directeur artistique de la griffe. Si certaines créations font un clin d’œil non dissimulé au passé avec des délavages et des coupes d’inspiration rétro, d’autres adoptent des formes plus contemporaines voire futuristes. Le jean ample baptisé barrel, qui fit sensation l’année dernière, s’impose cette année. Serré au niveau de la ceinture, ce pantalon s’amplifie au niveau du haut des cuisses, formant un arc jusqu’aux chevilles. La jambe bombée met l’accent sur la moitié inférieure d’une tenue, permettant à la partie supérieure d’être plus ajustée et épurée pour un équilibre parfait comme chez Acne Studios. Son cousin baggy, iconique des années 90 et popularisé par les rappeurs américains, est toujours autant prisé en 2025. Il apparaît comme l’option la plus confortable tout en gardant une allure féminine comme chez Stella McCartney avec des modèles aux coupes ultra-longues, chez Gucci porté avec des débardeurs simples et de sublimes trenchs XXL ou encore chez Versace associé à des escarpins colorés et des tops fleuris. Dans la tendance minimaliste chic, le jean se fonce en bleu marine, gris ou noir comme chez Courrèges, Jil Sander et Sacai dont la créatrice et fondatrice Chitose Abe n’a pas hésité à collaborer avec Levi’s pour certains looks de sa collection estivale.
Lorsque les températures seront plus clémentes, le jort (contraction de short et de jean) sera de rigueur. Avec sa longueur genou, il permet de sublimer une chemise blanche et une paire d’escarpins ou de sandales à petits talons. Tous ces bas, plutôt cool, flirtent avec la sophistication de hauts aux accents beaucoup plus couture. Chez Valentino, Chanel ou Dior, ils accentuent et soulignent la construction des tops brassières brodées ou festonnés, des vestes du soir, des blazers ou des capes en mousseline. La maison de couture de la rue Cambon n’hésite à broder de strass et de sequins ses modèles en denim. La toile denim a également changé de statut : elle se porte désormais en total look. On parle ici de double denim qui crée une silhouette forte. Les ensembles avec veste en jean ou chemise et pantalon ont les faveurs de bon nombre de griffes à l’image de Victoria Beckham ou du couturier américain Ralph Lauren qui signe un sublime tailleur-pantalon 100 % denim. Même les accessoires succombent à la indigo mania. Quand Hermès imagine ses sacs Birkin Cargo et Haut à Courroies en denim et veau Togo noir, Repetto signe un modèle de ballerines en toile jean décorée de croissants de lune en collaboration avec la créatrice Marine Serre. « La mode se démode, le style jamais. » Cette citation de Coco Chanel sied parfaitement au denim qui résiste aux cycles des tendances.

La toile indigo, toute une histoire
- À la fin du XVIIe siècle, des tisserands de Nîmes ont accidentellement fabriqué le premier denim moderne, un tissu en coton solide et robuste, tout en essayant de reproduire le processus de production d’un autre tissu très résistant et populaire appelé serge. Les textiles imaginés à cette époque étaient souvent nommés en fonction de l'endroit où ils avaient été conçus pour la première fois. Ainsi, ce nouveau matériel fut baptisé serge de Nîmes. La légende raconte qu’au fil du temps, à mesure que le tissu devenait de plus en plus utilisé, les marchands anglais et français ont raccourci le nom en denim. Au même moment, des tisserands italiens de Gênes produisaient une étoffe à base de laine et de coton teints à l’indigo. Elle ressemblait quelque peu au tissu denim et était appréciée des marins et des autres membres de la classe ouvrière. Ils réalisaient tous types de vêtements à partir de ce tissu résistant, des pantalons aux pardessus en passant par les robes longues, les nommant tous jeans bleus. Le terme jean est un abrégé pour Gênes. Le jean et le denim étaient donc deux tissus distincts à l'origine. En Amérique, au milieu du XIXe siècle, le tissu jean était utilisé pour les pantalons et les pardessus de couleur unie, indigo, olive ou marron. Le denim, en revanche, était toujours tissé à partir de fils blancs et indigo et utilisé exclusivement pour les vêtements de travail des mineurs, des mécaniciens, des cowboys et des agriculteurs qui nécessitaient les matériaux les plus résistants. Les modèles traditionnels connus aujourd'hui sont l'invention de Levi Strauss et de Jacob Davis aux États-Unis. Le premier s’aperçoit que les travailleurs, notamment les mineurs et les cowboys, portaient des tenues pas assez robustes. En effet, les poches des pantalons de travail s’usaient très facilement. Pour y remédier, il eut l’idée avec le tailleur Jacob Davis d’associer du denim bleu à des rivets en cuivre pour solidifier les poches et les points d’usures habituels. Les partenaires déposèrent le brevet de leur création en 1873. Au fil des décennies, le jean quitte le monde du travail pour rejoindre les rues, les plateaux de cinéma et les podiums des défilés de mode et sera tour à tour rebelle, cool, chic ou sexy.
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