Alan Geaam La réalisation d'un rêve français
Comment avez-vous pris goût à la cuisine ?
Alan Geaam : J’ai grandi pendant la guerre civile libanaise. Ma maman nous rassurait en nous donnant un maximum d’amour, y compris à travers ses casseroles. Elle cuisinait tout le temps et invitait tout le monde à manger. Je voyais qu’à travers cela, les gens l’aimaient beaucoup. Je me suis dit que si un jour je savais cuisiner comme elle, à mon tour les gens m’aimeraient aussi ! À l’âge où d’autres gosses voulaient devenir Spiderman ou bodybuilder, moi je voulais juste être cuisinier.
Avez-vous le souvenir d’une recette en particulier ?
Alan Geaam : Oui, c’est le plat phare de mes souvenirs d’enfance et que je réclame encore à ma mère : un poulet au chou confit aux sept épices et au piment qui mijote pendant des heures. Quand je revenais de l’école et que je sentais cette odeur depuis le bout de la rue, je me mettais à courir aussi vite que possible vers la maison pour jeter mon cartable et filer dans la cuisine. C’était aussi le plaisir de l’attente, car c’est un plat qui était encore meilleur le lendemain. J’ai essayé de le refaire, mais j’ai abandonné. Je n’ai jamais réussi à le reproduire à l’identique !
Quels sont vos traits de caractère ?
Alan Geaam : Je me mets une pression gigantesque. Chaque matin je veux faire mieux que la veille. J’aime donner des conseils aux jeunes et j’ai la chance d’être entouré d’une équipe qui partage mes rêves et qui croit en ceux-ci. C’est très motivant. On en est pratiquement à 80 salariés, ça commence à être une responsabilité très importante, avec beaucoup d’exigences et de travail. Sans compter mes contrats en Suisse, à Courchevel ou à Marseille. C’est une chance et un bonheur en tant que chef d’entreprise d’avoir plusieurs casquettes. Mais quand je me réveille le matin, je suis avant tout un chef cuisinier dont le but est de partager du bonheur avec mes clients.
Vous avez une étoile au restaurant Alan Geaam depuis 2018. Est-ce une pression supplémentaire ?
Alan Geaam : Oui, cela a été un tournant dans ma carrière, car j’ai alors vendu mes deux bistrots AG Les Halles et AG Saint- Germain pour me concentrer sur ma table gastronomique et conserver l’étoile. Mais j’ai su transformer la pression de cette étoile en énergie positive pour lancer de nouveaux projets et désormais je ne me pose plus de questions. Je fonce tout droit et surtout je travaille très très dur pour être à la hauteur de tous ces challenges.
Visez-vous une seconde étoile ?
Alan Geaam : J’ai toujours visé plus haut. Cela m’a pris dix ans de ma vie pour acquérir cette étoile. Bien sûr, on a envie de cher- cher l’excellence et c’est une chance de faire partie du monde de la gastronomie en France, tout en apportant ma touche libanaise. Au bout de cinq ans, on continue à progresser, mais le plus important c’est que le client soit content. À côté de cela, j’ai vraiment envie de continuer à montrer la diversité de la cuisine libanaise. Paris est une ville de mixité et je m’y sens très bien, j’ai envie de continuer à vivre ce bonheur.
Vous retournez souvent au Liban. Est-ce que la gastro- nomie évolue, là-bas, comme c’est le cas à Paris ?
Alan Geaam : Je m’inspire beaucoup de la street-food libanaise qui, en effet, évolue beaucoup. J’ai eu la chance de grandir tout près du marché de Tripoli, à côté duquel on trouve énormément de concepts fantastiques qu’on n’a pas encore l’habitude de voir en France. Mais, pour moi, la France est le plus beau pays au monde.
Quel plat de chef vous a-t-il le plus marqué ?
Alan Geaam : Ce n’est pas un plat, mais un repas entier chez Arnaud Donckele au Cheval Blanc, à Saint Tropez. C’était extraordinaire. Une expérience magnifique qui mettait la gastronomie française à son sommet, tant au niveau de l’assiette que du service. J’aime aussi beaucoup la cuisine très prometteuse et originale d’Omar Dhiab qui a eu son étoile cette année. Je pense que sa cuisine va beaucoup faire parler, à l’image de son Croq’ ris de veau, condiment grenobloise. C’est un chef à qui j’ai donné des conseils et à qui j’ai présenté beaucoup de gens pour l’aider à se lancer. Je suis vraiment très content qu’il ait obtenu sa première étoile.
D’où vous viennent vos idées de recettes ?
Alan Geaam : Ce qui m’inspire, c’est la saison et ses produits avant tout. Et puis il y a la nature, mes voyages au Liban, les produits que je goûte au quotidien. C’est un peu une alchimie qui me pousse à trans- former tout cela en émotion gustative. De mai à octobre, c’est le bonheur. On a toutes les couleurs, toutes les palettes qui s’entrechoquent, avec la profusion de produits que l’on a à disposition.
Quand vous prendrez votre retraite, comment aimeriez-vous que l’on se souvienne de votre cuisine ?
Alan Geaam : Avec plein de modestie, j’aimerais qu’on se souvienne qu’avec mes équipes on a créé une identité culinaire à part, et qu’en partant de rien, j’ai consacré dix-huit ans de ma vie à être le premier chef franco-libanais à obtenir une étoile.
Et à la maison, qu’est-ce qu’on mange, chez les Geaam ?
Alan Geaam : Je mange rarement à la maison, mais quand j’y suis, je picore pour déguster plein de nouveaux produits. C’est un peu une continuité de mon travail au restaurant. Quand je suis en vacances, je me lâche un peu plus. Notamment du côté de Mandelieu-la-Napoule, où je pars de temps en temps en famille. Là, je fais mes courses au marché et je cuisine des choses très variées et de saison, dans le style méditerranéen, avec plein d’agrumes et d’acidité, du végétal et des saveurs.
Les adresses parisiennes d'Alan Geaam
- 19, rue Lauriston, 16e. https://restaurant.alangeaam.fr
- 205, rue Saint-Martin, 3e. www.qasti.fr
- 212, rue Saint-Martin, 3e. www.linktr.ee/faurn_boulangerie
- 212, rue Saint-Martin, 3e
- 214, rue Saint-Martin, 3e. www.qastishawarmagrill.fr