Interview

Alessandra Montagne Quand la gastronomie française se pare des couleurs du Brésil

De son enfance dans un village de Rio de Janeiro, sans eau ni électricité, Alessandra Montagne a gardé les principes où l’on s’interdit de gaspiller le fruit de la nature et du travail. Adulte, elle vient étudier le français à la Sorbonne, puis devient assistante dans le médical, mais vit sa passion pour la cuisine le dimanche lors d’événements privés ou en livrant des plateaux-repas.

Nosso

22, promenade Claude Lévi-Strauss, 75013 Paris Tel : 01 40 01 95 17 www.nosso-restaurant.fr/
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Qui vous a donné le goût de cuisiner ?

J’ai commencé très tôt. À six ans je cuisinais déjà à la maison avec ma grand-mère et mes tantes. Je me souviens que je devais monter sur une chaise pour être à la hauteur du fourneau, pour préparer le riz. (rires)

Quels sont vos traits de caractère ?

Je suis quelqu’un de difficile, d’exigeant, parfois un peu maniaque, je l’avoue (rires). Je travaille beaucoup, je retravaille tout le temps et cela ne me dérange pas. J’aime tellement mon métier que ce n’est pas une contrainte. Mon compagnon dit de moi que je suis engagée, passionnée, parfois sauvage, mais toujours généreuse !

Quelles sont vos cuisines préférées ?

J’adore la cuisine française. Simplement parce qu’on a tout dans cette cuisine. Du plat familial, comme la potée, aux mets les plus fins et sophistiqués.

La mode est à une cuisine d’auteur, très instinctive.
Et vous quelle est la vôtre ?

Je me retrouve complètement dans cette mouvance. Ma cuisine est une cuisine d’instinct. J’ai énormément de mal à préparer une fiche technique, je garde le produit le plus brut possible pour ne pas le dénaturer. Chaque chef fait sa propre cuisine, c’est quelque chose de très personnel comme la façon d’assaisonner, par exemple. Je peux identifier facilement certaines cuisines ou mélanges de saveurs… Quant aux bouillons de William Ledeuil, ou l’aubergine d’Adeline Grattard, je peux les reconnaître les yeux fermés ! Pour en revenir à ma cuisine, elle est de plus en plus marquée par ce que je suis. Depuis l’ouverture de Nosso, j’ai l’impression d’avoir des ailes dans le dos. Je me sens tellement libre, je n’ai plus peur, j’arrive enfin à assumer de faire MA cuisine. Et en ça, elle est forcément différente. Pas meilleure mais, juste différente.

Locavorisme et anti-gaspi font aussi partie de votre ADN.

Oui forcément, cette réflexion quotidienne pour ne pas jeter a changé ma façon et celle de mon staff de travailler. On a vraiment envie de faire une cuisine plus gastronomique et en même temps plus écologique et respectueuse. Ce n’est pas évident. Pour faire du beau, il faut forcément parer, découper et donc faire du déchet… C’est un casse-tête permanent, mais c’est pour la bonne cause !

Trouve-t-on des clins d’œil à votre Brésil natal dans
vos créations ?

Ah oui bien sûr… En ce moment, au menu du soir, j’ai mis de délicieuses coxinhas (N.D.L.R. : des croquettes de volaille brésiliennes). Quand je pense que je vendais ça dans les rues de mon village, avec mon petit panier ! À l’époque, si quelqu’un m’avait dit que mes coxinhas finiraient à la carte de mon restaurant parisien, je l’aurais traité de fou. Comme quoi, la vie peut vraiment nous réserver de belles surprises.

D’où vos idées vous viennent-elles ?

Généralement, c’est la nuit. Je me réveille au beau milieu de mon sommeil avec une idée. J’ai aussi remarqué que lorsque je visite une expo ou que je fais de longues
randonnées, j’en tire souvent de super idées. L’art et la nature ont tendance à m’ouvrir l’esprit.

Quel est votre plat signature ?

Il y en a deux : le porc confit, qui reste un souvenir des goûts de mon enfance. Je l’ai ramené du Brésil avec moi, dans mon cœur. À force de travail, j’ai réussi à le reproduire. Pendant le confinement, j’ai aussi imaginé une focaccia à la carotte et à la poutargue, qui est si belle avec sa couleur jaune.

Quels sont les chefs qui vous inspirent ?

Ce sont beaucoup de “première fois”. Déjà, il y a William Ledeuil, mon premier chef et mon premier stage. Puis Adeline Grattard, chez qui j’ai eu mon premier poste. Benoît Castel pour ma première expérience en pâtisserie. Il y a aussi Alain Ducasse, le premier grand chef à m’avoir fait confiance et à me considérer comme une chef : pour moi qui ai démarré au bas de l’échelle, j’ai apprécié qu’il me traite comme son égale. Et pour finir, je citerai Romain Meder et Yannick Alleno, pour leur sens de la transmission. Quand j’ai eu le sentiment d’avoir atteint un plafond de verre et que je leur ai dit que j’avais besoin d’aide pour continuer à progresser, ils m’ont tous les deux ouvert les portes de leur cuisine. Je les remercie tous, car c’est à eux que je dois ma carrière.

Quelle est votre saison préférée, en termes de produits ?

J’adore la fin de l’été… surtout le mois de septembre ! Il y a encore tous les fruits et légumes d’été, mais on commence aussi à avoir des légumes racines et des courges. C’est la seule saison de l’année ou je peux mettre du potiron ET de la tomate à ma carte !

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui rêve de devenir cuisinier ?

Si on aime cuisiner, il faut y aller, il faut tenter sa chance. Le secret, c’est de travailler, travailler et travailler encore, sans cesse. C’est un métier manuel, il faut refaire les gestes des centaines de fois avant de les faire à la perfection… Ce n’est pas un travail où l’on fait 35, 39 ou 42 heures par semaine. C’est un sacerdoce. Quand on aime, on ne compte pas.

Quel est votre prochain challenge ?

Cette année, j’ai été Jeune Talent Gault&Millau et je me suis surprise à oser rêver d’une étoile. Je sais que le chemin est long, mais j’espère qu’un jour on y arrivera !

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