Interview

Guy Savoy Une passion de la cuisine toujours intacte

Guy Savoy – dont le restaurant, le meilleur au monde depuis six ans selon La Liste, vient de perdre sa troisième étoile Michelin –, nous a accordé un entretien exclusif. Bien que déçu par cette décision, le célèbre chef reste optimiste et passionné par son métier. Il nous livre ses impressions sur l’évolution du guide rouge, la gastronomie française, et le rôle du client comme juge ultime. Découvrez les secrets de sa cuisine gourmande et les influences qui l’inspirent au quotidien, ainsi que ses adresses fétiches à Paris.

Restaurant Guy Savoy

Monnaie de Paris. 11, quai de Conti, 75006 Paris
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Le Chiberta

3, rue Arsène Houssaye, 75008 Paris
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L’Atelier Maître Albert

1, rue Maître Albert, 75005 Paris
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Le Petit Rétro

5, rue Mesnil, 75016 Paris
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La perte d’une troisième étoile, on s’y prépare ?

Guy Savoy : On ne s’y attend vraiment pas. Pourtant, je sais tout ce qui se passe dans ma maison : j’y suis tous les matins à 8 h 30 précises. En 2022, nous avons fait le meilleur chiffre d’affaires toutes années confondues et il n’y a pas eu un seul commentaire négatif sur le restaurant durant les deux dernières années. Apparemment, il n’y a que les inspecteurs du Michelin qui n’aiment pas ma maison. Et puis il y a La Liste, qui m’a élu meilleur restaurant au monde six années de suite. La Liste, c’est un agrégat de 970 sources qui, prises séparément, sont effectivement subjectives. Mais une fois synthétisées, elles deviennent objectives et font forcément foi.

Depuis son mariage avec Le Fooding, le Michelin fait-il une crise de jeunisme ?

Guy Savoy : Je ne veux pas rentrer dans l’analyse du déclin du Michelin ce n’est pas mon travail. Cependant, un très grand éditorialiste m’a écrit pour me dire que « C’est une décision de la panique », avant de me proposer de me conseiller pour récupérer ma troisième étoile. Je lui ai répondu : « Ça n’est pas moi qu’il faut conseiller. C’est le guide Michelin ! » Et puis du jeunisme, franchement. Je prétends ne pas avoir l’âge de mon état civil. Je connais des personnes de 30 ans qui ont des attitudes de vieux. L’engagement et le travail que mes équipes et moi mettons dans mon restaurant n’ont pas baissé. Il n’y a qu’une chose, qui risque de baisser, ce sont les ventes du Michelin.

Quel est votre tout premier souvenir de gourmandise ?

Guy Savoy : C’est la cuisine de ma mère. Et surtout ses langues de chat. On n’allait pas à l’école le jeudi. Ma mère m’a dit « On va faire des langues de chat. » Elle a commencé par mettre du sel, ce qui m’avait surpris. Puis, du sucre, de la farine, du beurre. Elle a versé le mélange en petits boudins sur une plaque légèrement beurrée. Les boudins ont fini par s’aplatir et cuire en quelques minutes. L’odeur était dingue. Avec une spatule, elle a décollé les langues de chat, puis les a déposées sur la table. C’était devenu croustillant. Je voyais ça comme de la magie. L’art de la cuisine c’est de transformer instantanément un produit en joie.

Quelles sont vos adresses fétiches à Paris, quand vous n’êtes pas aux fourneaux ?

Guy Savoy : Je n’habite pas loin du restaurant. Du coup, je dîne sou- vent dans le quartier. Pour les poissons et les fruits de mer, il y a Le 21, rue Mazarine. Pour une ambiance bistrot, je vais plutôt Chez Fernand, rue Christine.

À propos de bistrots, vous avez été parmi les premiers à ouvrir des “bistrots de chef ”…

Guy Savoy : Oui, c’est ce qui m’a valu mon entrée dans le Larousse en 1997. Mon premier bistrot, c’était pour m’amuser. Certains l’ont fait pour rentabiliser leur table gastronomique, pas moi. Le vrai pionnier, ça a été Claude Terrail, le propriétaire de la Tour d’Argent. Moi, j’aic ommencé légèrement plus tard, en même temps que Michel Rostang.

On veut toujours mettre une étiquette sur la cuisine d’un chef. Comment définiriez-vous la vôtre ?

Guy Savoy : Ma cuisine est gourmande, point final. Je n’en ai absolument rien à faire d’être à la mode : je ne m’occupe que de gourmandise et de bonhomie, qui sont les deux ingrédients principaux et indissociables de ma cuisine.

Vous êtes un grand amateur d’art. Cela a-t-il une influence, lorsque vous créez un plat ?

Guy Savoy : Ce qui m’influence avant tout, c’est cette chance de vivre à Paris, qui plus est, dans un beau quartier, ce qui me donne du beau et me fait rendre du beau. Après, il y a la vie dans sa curiosité, dans sa vitalité. Aimer écouter, échanger, regarder. Aimer le cinéma. Aimer vivre, c’est tout.

Quel est votre plat signature ?

Guy Savoy : Je dirais que c’est la poêlée de moules et mousserons. Même si cette poêlée n’est pas à la carte toute l’année, cela reste le plat le plus représentatif de ma cuisine. Deux ingrédients qui relient la terre et la mer.

Compte tenu de votre carrière, on vous voit plutôt comme un mentor. Mais lesquels ont été les vôtres ?

Guy Savoy : Ma mère. Puis les frères Trois gros, Frédy Girardet…enfin tous les gens avec qui j’ai travaillé, en somme. Quand j’arrive dans un lieu c’est pour me faire plaisir. Je ne me mets jamais dans la situation du coupeur de têtes et j’aime qu’on en ait pour tous les styles, on a besoin de tous ces styles. Un bon restaurant se doit d’être gastronomique. Mais la gastronomie, on la trouve partout : dans un bistrot, chez un charcutier, un boulanger, un pâtissier… De tous les plats que j’ai goûtés, ceux qui m’ont laissé le plus grand souvenir, ce sont les tartes et les gratins de ma mère.

 

Si vous étiez une saison ?

Guy Savoy : Ce serait l’automne. Après les petites salades d’été fraîches et légères, c’est le moment de l’année où on recommence à avoir faim. Finalement, la vie est bien faite : l’automne, c’est la profusion de produits en même temps que le retour à des envies de repas plus consistants.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut devenir chef ?

Guy Savoy : Fais la cuisine que tu as envie de manger et ne ménage pas tes efforts, parce que ça ne se fait pas tout seul. Il faut faire attention à la scénarisation des émissions comme Top Chef ou Masterchef. Car il y a un côté besogneux qui n’est pas montré. Il faut de la rigueur, pour tenir deux services par jour. Il faut bosser dur.

Par Manuel Mariani - Publié le

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