Champagne

Champagne ! Avec Frédéric Anton

Avoir passé son enfance à Contrexéville pourrait laisser penser qu’on n’a guère de prédisposition au champagne. Heureusement pour Frédéric Anton (et pour nous) il n’en est rien. Bien que familier de la ville d’eau, le grand chef est un amoureux des belles bulles de France, lui qui les déguste avec plaisir (mais modération), les présente à la carte de ses restaurants parisiens multi célébrés (trois étoiles Michelin depuis 2007 au Pré Catelan, une au Jules Verne de la tour Eiffel, une autre au dîner-croisière sur la Seine du Don Juan II) et a fait ses armes, autrefois, dans l’une des adresses phares de la gastronomie champenoise : le mythique Château des Crayères de Gérard Boyer à Reims. Le meilleur ouvrier de France 2000, chaleureux, direct, pétillant de malice était donc le commentateur idéal des cuvées de prestige sélectionnées par Paris Capitale. Cet expert ès fêtes, qui sait les associations mets-vins avisées, a pris plaisir à raconter sa propre histoire avec le vin souverain.

Prenons, comme point de départ à ce voyage en terre de sens et terroirs de saveurs, son propre parcours. Parce qu’il mérite d’être salué et en dit beaucoup sur son appétence pour l’excellence, le travail bien fait, la vérité des goûts, dans l’assiette comme dans le verre. La cuisine, Frédéric Anton la découvre au lycée hôtelier de Gérardmer, puis sa carrière débute, en 1983, au fameux Capucin gourmand de Gérard Veissière à Nancy. Suivent le Flambart de Lille avec Robert Bardot, Gérard Boyer à Reims, sept années de collaboration avec Joël Robuchon et, consécration, l’intronisation au Pré Catelan dont le groupe Lenôtre lui confie les rênes en 1997. Très vite les étoiles scintillent, ses livres de cuisine rencontrent le succès, la télévision l’appelle (Master Chef de 2010 à 2012), le Gault Millau lui donne cinq toques (en 2015). Depuis, exploit, il maintient et le prestige de ses tables et la pression qui pèse sur ses épaules et qu’il met sur ses équipes… pas traumatisées puisqu’elles lui sont fidèles. « En 1997, alors que le lieu avait perdu sa couronne Michelin, on m’a demandé de refaire briller le lustre du Pré Catelan à table comme dans le service. Le challenge était costaud, il fallait tout reconstruire et on l ’a fait, raconte-t-il. Les étoiles sont revenues peu à peu, à force de travail, d’abnégation, d’exigence. Au sein de toute l’équipe, il y avait – et il y a – l’envie de gagner, la fougue de réussir, la volonté de viser plus haut parce que à eux comme à moi rien ne fait peur. » La recette ? La pureté des goûts, la perfection de tout, des mets d’excellence travail- lés comme tels, « la régularité, tous les jours, à toutes les tables et pour tous les clients ». Une philosophie qui s’applique au Pré Catelan comme à ses autres adresses, chacune reproduisant sa patte mais ayant sa personnalité.

« Ici s’affirme une cuisine personnelle, créative, qui bouge, au Jules Verne et sur Don Juan II c’est tout aussi juste, mais plus large, moins dans l’exploit des textures, des surprises et du luxe que les clients viennent chercher au bois de Boulogne. » Énoncer quelques plats du Pré Catelan suffit à le comprendre : la langoustine travaillée en ravioli avec foie gras de canard, fine gelée à la feuille d’or ; le saumon, fumé au bois de cerisier, confit, avec wasabi ; le pigeonneau préparé comme une rôtie au jus gras; le lièvre aristocratiquement traité à la Royale “façon du sénateur Couteaux”… De quoi en avoir l’eau à la bouche. Et être gagné par l’envie de savourer ces merveilles accompagnées de grands vins et belles bulles. Surtout après avoir découvert comment le caviar y est présenté, agrémenté d’un sorbet champagne. Un champagne que Frédéric Anton a découvert tôt, même si, comme bien des membres de sa génération, dans sa famille il était servi au dessert et rarement.«À l’époque, je ne l’ai jamais vu débouché à l ’apéritif, s’amuse le chef. Et c’est en restauration, et aux Crayères, que mon éducation en la matière s’est faite. Manger 100 % champagne je l’ai découvert là . Et j’ai vu combien c’était possible et même fabuleux, une fois les cuvées intelligemment adoptées. »

Le temps venant, Frédéric Anton a donc façonné sa culture champenoise, appréciant aussi bien les grandes cuvées des maisons que le travail de viticulteurs exigeants. « Dans nos restaurants, on propose des accords mets-vins, mais tout le monde n’y adhère pas, certains clients ayant envie de s’offrir le prestige d’une bouteille très chère. Personnellement, j’estime que leur choix est roi parce que la liberté de chacun est essentielle dans cet instant intime qu’est un grand repas. » Et d’ajouter : « La fête, à mes yeux est un luxe, mais le mot luxe ne signifie pas forcément ultra-cher. Le vrai luxe c’est l ’attention qu’on donne aux produits en les transformant dignement, aux clients en leur servant le meilleur des mets et de nous-mêmes. Avec le champagne c’est pareil: selon moi l ’excellence et l ’exigence de ceux qui les créent sont les vrais critères. »

Et de citer nombre de maisons de ce dossier dans son panthéon des champagnes mémorables. Lui-même, qui ne s’autorise jamais un verre d’alcool au travail – « Sinon on devient l ’aubergiste d ’autrefois qui paie sa tournée, y participe et est bourré tous les jours à 1 heure du matin » – déguste le champagne dans des moments personnels privilégiés. Privilégiés seront les chanceux qui savoureront au Pré Catelan de belles cuvées et les menus des réveillons conçus par Frédéric Anton.Une chose est sûre : il y aura des vins et des«plats qui façonnent les souvenirs », où apparaîtront la saint-jacques, la langoustine, l’oursin, le caviar, le chapon etc…Vivement que la fête commence!

DOM PÉRIGNON VINTAGE 2004 PLÉNITUDE 2

Frédéric Anton : « Que de nobles et belles maisons dans cette sélection festive champenoise ! Dom Pérignon, personne ne l’ignore et tout le monde en est heureux, c’est un emblème, un porte-drapeau, une signature bien sûr. De l’excellence à la française, du nec bulle ultra-champenois. Une réfé- rence qui parle aux gens, qui fait partie de notre patrimoine gustatif, gastronomique, culturel même. Or, les grandes signatures ont toujours des flacons exceptionnels, hors normes. Ce qui est le cas, ici, avec le Dom Pérignon Vintage 2004 – Plénitude 2, que la maison présente comme, je cite : “Un nouveau rendez-vous avec le temps, le temps long d’une maturation active et de métamorphoses qui vont révéler le millésime.”Tout part de 2004, très grande année “météorologiquement” parlant, cru d’exception dont le défi créatif d’assemblage, ai-je appris, était de lui donner un “cadre, des frontières même”. Souplesse et solidité sont au rendez-vous, qu’il faut révéler en jouant sur le temps de maturation dans les caves ; dix- huit années ici. Dix-huit ans, ce n’est pas rien quand même ! Ce temps long à la fois “durcit la matière du vin”, mais aussi l’étire, l’arrondit, amplifie son énergie, rendant ceVintage 2004 à la fois aérien et tenu, avec un fruit qui s’affirme, une minéralité qui se développe, une finale saline où vibrent quelques notes torréfiées. De quoi m’inspirer, vous vous en doutez, avec un saint-pierre parce que sa pureté, son côté marbré, sa délicatesse légèrement iodée s’épanouiront sur une cuvée de ce type. Juste traité en meunière avec un beurre très blanc déglacé, une pointe de citron pour rappeler en vivacité le Dom Pérignon, ce sera aussi simple qu’inouï! »

AMOUR DE DEUTZ 2011

Frédéric Anton: « L’Amour de Deutz c’est, d’emblée, une double promesse. Celle d’un grand moment. Parce que signé Deutz et parce que cette cuvée très connue des clients gastronomes, scelle la passion du bon, tout en évoquant, par son nom, sa bouteille, sa couleur, un moment doux, intime, complice, goûteux autant que tendre. La commander durant un tête-à-tête revient à passer un message à la ou le convive de son choix, j’en suis conscient. Ce Blanc de Blancs au nom qui parle, indique, oriente, en dit beaucoup, et est tout aussi expressif une fois servi. À l’œil, sa robe d’or cristallin, soutenue par un subtil cordon de mousse et une effervescence, onctueuse annonce la couleur : subtilité et plaisir. Au nez, le millésime 2011 dont il est question ici se montre intense, riche, complexe. Ce qui séduit car rien de pire que la monotonie, la banalité, le fade. Ici, les arômes sont profonds et distincts, révèlent des notes de fruits à noyaux, comme l’abricot, la pêche, sans oublier des évocations pâtissières. Le tout déploie une vraie envie de gourmandise, un désir d’aller plus loin. Vient la dégustation, avec une attaque vive et ample, le palais enveloppé de subtilité et de persistance aromatique, puis l’émergence d’agrumes raffinés et même d’une finale de beurre frais. Dès lors, ce vin qui peut être un apéritif d’exception se voit très bien, selon les responsables de la grande maison qu’est Deutz, escorté par du caviar, des sushis, des sashimis, des carpaccios de thon, du homard. Personnellement, c’est le caviar que je privilégie, pour sa pureté, sa délicatesse, la minéralité raffinée, voire un carpaccio de poisson cru. »

GRAND SIÈCLE ITÉRATION 25 DE LAURENT PERRIER

Frédéric Anton : « Un plat du Pré Catelan me paraît adapté, idéal même, pour accompagner la noblesse de cette édition Grand Siècle Itération 25 de Laurent Perrier. Un plat qui est, là encore, un mets en tant que tel mais travaillé en finesse afin de préserver sa pureté quasi originelle: l’oursin. Pourquoi? D’abord il faut savoir (et BorisThuillier me l’a rappelé) que Grand Siècle est la quintessence de l’art de l’assemblage en Champagne puisqu’il n’est pas un millésime mais la mise en pratique de cette spécificité afin de créer ce que la maison appelle “l’année parfaite”. Ce qui donne naissance à un grand vin de Champagne ayant développé une intensité profonde, une complexité aromatique d’exception, tout en maintenant fraîcheur et acidité à travers le temps. C’est en somme le meilleur du meilleur qui est travaillé. Cette Itération N°25 (donc la 25e édi- tion de cette alchimie savante), que j’ai eu la chance de découvrir, est composée à partir de 11 des 17 Grands Crus des années 2008 (à 65 % de la cuvée), 2007 (25 %) et 2006 (10 %), sélectionnés pour leur complémentarité. Résultat, la fraîcheur est au rendez-vous avec un nez d’agrumes frais auxquels s’ajoutent des pointes d’amande grillée et de brioche. Suivent une attaque en bouche fraîche et toastée, puis une finale à nouveau d’agrumes. Les associations terre-mer, les crustacés comme les poissons nobles seraient adaptés. Personnellement, je l’associe avec le plat appelé L’Oursin sur notre carte, croustillante tartelette où se mêlent et s’allient des langues d’oursin, du caviar, le tout sublimé par une crème Stracciatella, équilibre intense de crémeux et d’iode auquel pourra servir d’écrin raffiné cette cuvée Laurent Perrier. »

CUVÉE ELISABETH SALMON 2009 DE BILLECART-SALMON

Frédéric Anton: « L’excellence à taille humaine. Le meilleur en version familiale. Une collection de cuvées qui marquent les papilles et dont la permanence comme les progrès constants m’impressionnent au point que je tiens à saluer l’œuvre accomplie. Depuis des années, Billecart- Salmon effectue un incroyable travail pour proposer des vins uniques. Cette constance fait qu’aujourd’hui la maison appartient au cénacle des grandes marques. Savoir se remettre en question, savoir évoluer, les ont incitées au meilleur. Qui fait que, aujourd’hui, leurs vins de Champagne ont su conquérir les restaurants et les chefs. Comme moi avec la cuvée Elisabeth Salmon 2009, hommage à la co-fondatrice de la maison qui, depuis son apparition en 1988, se distingue par l’éclat et la pureté de son caractère. Vin rare, raffiné, composé à 55 % de pinot noir de Mareuil-sur-Aÿ et Aÿ, 45 % de chardonnay Grand Cru de la Côte des Blancs, 10 % de pinot noir vinifié en rouge est issu de raisins de Valofroy et plus précisément d’une parcelle composée de vieilles vignes exposées plein sud (autant d’éléments et précisions que m’a rapportés mon excellentissime chef sommelier Boris Thuillier), c’est réellement une cuvée pas comme les autres. Avec des reflets cuivrés chatoyants, un nez rafraîchissant et sensuel d’écorces d’agrumes et de gelée de petits fruits, une palette aromatique riche et complexe, en bouche une puissance aussi mesurée que délicate et savoureuse… pas de doute toutes les dimensions de son charme chromatique complètent notre soupe de homard. Le “gras” du vin s’allie très bien avec le côté crémeux et iodé de ce plat, qui réserve en outre la surprise d’une pointe de fenouil dont le soupçon anisé se lie avec délicatesse à un tel champagne. »

GRANDE DAME ROSÉ 2012 DE VEUVE CLICQUOT

Frédéric Anton: « Puisque la maison Veuve Clicquot a annoncé vouloir pré- server son héritage en dévoilant un programme baptisé Eco Yellow confirmant et accentuant les engagements responsables qui sont les siens, avec différentes mesures ayant un impact sur l’environnement et la protection de la nature, me vient l’envie d’associer (bon c’est aussi et surtout parce que c’est bon) à sa magnifique Grande Dame Rosé 2012 un végétal pas comme les autres… l’artichaut. À la “vitrine d’excellence de la maison” qu’est cette cuvée, osons proposer un mets pensé simplement, mais bien plus complexe au palais qu’on l’imagine. Avec ses 90 % de pinot noir et 10 % de chardonnay, ses notes de dégustation où s’ébrouent fleurs (rose, lilas, violette) fruits rouges (groseille, framboise), épices (poivre, anis) plus de la brioche et du pain, voire du café et quelques notes fumées, cette cuvée solaire comble d’aise l’artichaut pensé à la romaine. Petit, confit, frit, s’ouvrant comme une fleur avec un cœur moelleux et des feuilles croquantes, je lui ajoute en condiment des grains de caviar. Le registre rond du rosé se mariera aux notes végétales de cet artichaut si différent. »

DOM RUINART 2010

Frédéric Anton: « Il est toujours fascinant de voir combien les grandes maisons savent rester elles-mêmes tout en évoluant. Et c’est précisé- ment parce qu’elles réussissent cette gageure, qu’elles n’écornent jamais la qualité de leurs vins tout en répondant à l’air du temps, qu’elles imposent durablement leur signature. Être la toute première maison de Champagne, presque trois siècles plus tard cela engage. Ruinart le sait. Et sa cuvée de prestige remontant à 1966 arborant le nom du neveu de son fondateur moine bénédictin aussi, qui s’impose de mettre la barre au plus haut. Déjà, rien que son étui Crayères (prolongation du Seconde peau désormais connu des amateurs) propre à Dom Ruinart car pensé comme un bloc de craie en papier léger, élégant et recyclable, indique une compréhension des exigences écologiques de notre époque. Ensuite, lorsqu’on approfondit la composition de cette cuvée ainsi que Boris Thuillier et moi-même l’avons fait, voir que ce 100 % chardonnay a plus d’amplitude et de complexité parce qu’a été réintroduit dans son élaboration le tirage-liège (abandon des capsules métalliques durant le vieillissement sur lie au profit de cette matière traditionnelle plus efficace œnologiquement parlant parce qu’elle donne des vins plus tendus et élaborés) indique combien il faut savoir repenser ce que l’on fait. Cette exigence (que je partage dans mon propre métier) crée un champagne riche et sêveux, expressif et concentré, avec une grande intensité aromatique, des arômes de figuier qui se marient à des notes de thé noir et d’épices fraîches. Sans oublier au palais une finale sous le signe d’une fraîcheur relevée d’une élégante amertume. À un tel millésime il faut du magnifique. Qui est, pour moi, le ris de veau, cet abat de grande noblesse et délicatesse, dont la chair – d’une finesse et d’une saveur rares – exige d’être traitée avec subtilité. Moelleux dedans, croustillant en surface, le ris de veau tel que je le rêve est sobre, juste agrémenté de fleur de sel croquante et déglacé au sautoir avec délicatesse afin de préserver toutes ses senteurs et valeur. »

MOËT & CHANDON GRAND VINTAGE 2015

Frédéric Anton: « La gastronomie n’implique pas forcément le tarabiscoté, le compliqué, le mélange d’in- nombrables ingrédients. On peut faire riche, excellent, mémorable avec épure, sobriété, simplicité. Prenez l’huître: on a l’impression de tout connaître d’elle et il faudrait ne l’assortir qu’avec du vin blanc. Mais quand on y regarde, ne peut-on la travailler de multiples manières? Les consommateurs, eux-mêmes, ne la dégustent-ils pas chacun à leur façon, qui avec une vinaigrette échalotée, qui avec du piment, de la vodka, du poivre? Chacun sa sauce, si je puis dire. Moi, l’huître, je la conçois ouverte, pochée, servie avec un peu de caviar et même quelques grains de tapioca et une crème de champagne. C’est subtil, délicat, rond, iodé, authentique. Un champagne me semble idoine. Vibrant, généreux, séduisant dit-on, le Grand Vintage 2015 de Moët & Chandon, cuvée emblématique de la maison fondée en 1743, sera son compagnon de dégustation. Son palais savoureux, sa maturité élégante, son assemblage pinot noir, pinot meunier et chardonnay en quasi tiers, son nez frais et minéral avec une intensité acidulée de pomme verte et d’agrumes, ses notes blondes où apparaissent brioche, céréales et noix blanches, puis sa bulle fine, sa générosité de fruits à chair blanche, et en bouche une douce vivacité d’agrumes et groseille… en seront le partenaire particulier, privilégié même. »

COMTES DE CHAMPAGNE GRANDS CRUS BLANC DE BLANCS 2012 DE TAITTINGER

Frédéric Anton: « On devrait dire, si l’on est précis, que telle ou telle cuvée est un “vin de Champagne” et non un “simple” champagne. Car, souvent, il s’agit bel et bien d’un vin. Qui a nécessité de l’attention, des connaissances, de l’expérience, du temps, qui du vin a les atouts organoleptiques, la complexité olfactive et gustative, qui accompagne des plats de la même manière qu’un vin : en complice, en partenaire. Le Comtes de Champagne Blanc de Blancs 2012 Taittinger est, pour moi comme pour mon chef sommelier, un vin de Champagne. Déjà l’année 2012 a été formidable, créant un millésime contrasté, avec un niveau de maturité qui a fait naître une cuvée harmonieuse et équilibrée. Ensuite, ce 100 % chardonnay Grands Crus dont 5 % ont vieilli quatre mois en fûts de chêne neufs pour renforcer les qualités d’assemblage final aux notes toastées, et qui a passé dix années en cave affiche une énergie hors du commun. Sa robe limpide, son nez qui transporte vers la maturité et la voluptuosité aux notes d’agrumes confits, de poires Williams et d’abricots, d’arômes pâtissiers, sa bouche radieuse attestent combien il s’agit d’un vin. Parfait “pour une célébration exceptionnelle” selon la maison Taittinger, je lui réserve un mets tout aussi exceptionnel: la saint-jacques. Travaillée dans sa coquille, assortie de noix qui vont nourrir la chair, le tout déglacé au champagne. Un plat qui sera en majesté avec le Comtes de Champagne. »

BELLE ÉPOQUE 2013 DE PERRIER-JOUËT

Frédéric Anton: « Un peu de viande, que diable! Les champagnes ne sont pas seulement les compagnons adaptés et complices des poissons, crustacés, etc. Certains, aussi, donnent naissance au plaisir lorsqu’ils se greffent à des chairs d’autre nature. Comme la volaille, grand classique de la cuisine hexagonale qui mérite un champagne à sa hauteur, symbole à la fois de l’esprit gastronomique français et du sens de la fête qui fait notre réputation à travers le monde. Emblème de l’art de recevoir et de s’amuser made in Paris (en l’occurrence, d’Épernay), la cuvée Belle Époque Blanc de Blancs de Perrier-Jouët, qui fête les 120 ans de son flacon dessiné par Émile Gallé en confiant à l’artiste Garance Vallée le soin de revisiter les anémones Art nouveau à l’aune contemporaine, s’impose. Avec son flacon où entités minérales, végétales, et animales cohabitent en une interprétation de la complémentarité des registres typiques de l’écosystème champenois et dont le vin a vu sa liqueur de dosage changée pour une composition 100 % chardonnay élevée en fût, c’est bien une page de l’art de vivre à la française qui s’ouvre. La volaille est logique, légitime même. Pochée à la crème pour assumer le côté moelleux d’une telle recette. Et puis, je vous avoue éprouver une pointe de nostalgie en évoquant la Belle Époque: comme nombre de cuisiniers de ma génération, durant mon adolescence, cette bouteille (dans sa version traditionnelle) reconnaissable entre toutes trônait dans ma chambre. Elle était un trophée. »

CELEBRIS VINTAGE 2008 DE GOSSET

Frédéric Anton: « En Champagne il y a les signatures mondialement connues et applaudies (dont beaucoup sont dans votre sélection) mais d’autres, tout autant à respecter et à saluer, que le grand public méconnaît. C’est cela sa magie: la diversité faite excellence. La maison Gosset est de celles-ci. Les esthètes en savent le nom et les vertus, les qualités comme l’exigence, les autres risquent de passer à côté par ignorance. Eh bien, ils auraient tort. Car à quels beaux et grands vins, elle donne vie! Car quoi de plus excitant, en gastronomie, que de s’autoriser des découvertes en osant se laisser séduire par des créations qui vous marqueront comme jamais… Boire Gosset est un secret que les amateurs éclairés se refilent volontiers, et je les comprends. Qui plus est avec cette Celebris Vintage 2008, cuvée qui professe être un “grand vin avant d’être un grand champagne”, édition limitée de 15000 bouteilles dont c’est la 8e édition depuis les 34 dernières années. On est vraiment dans la rareté assumée, le confidentiel au nom du meilleur. Une robe jaune profond avec un perlage fin et abondant, un nez floral avec touches de fleurs blanches d’acacia, jasmin et mimosa (en Champagne, on est poète), plus des notes de mirabelle et poire, une bouche aux arômes pâtissiers marqués de gâteau à la même poire, de madeleine à la vanille, de biscuit à la cuillère… aucun doute voilà le compagnon des amateurs avertis qui s’autorisent un moment passion. Que je pense renforcer avec un mets tout aussi exceptionnel : la truffe. La maturité de ce champagne, sa maîtrise, sa rareté méritent les mêmes qualités. Une petite tarte d’oignons confits, agrémentée d’une pointe de madère et de lardons caramélisés recouverte de truffes créera un moment d’intense émotion. »

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