Une maison privée spectaculaire tutoyant le ciel de Bangkok, une demeure de famille au parfum iodé à l’île de Ré, un cocon contemporain à Porto-Vecchio, en Corse, ou un duplex au charme seventies à South Beach… Les réalisations de Jean-Louis Deniot n’ont rien de châteaux en Espagne. Elles se multiplient partout dans le monde, s’enracinent dans leur environnement, transcendent les styles, les cultures et les époques, laissant à chaque fois la sensation d’être là où il faut, comme il faut. Les plus emblématiques d’entre elles font d’ailleurs l’objet du livre « Destinations » (éditions Rizzoli), en forme de carnet de voyage en 18 escales et autant de chantiers, qui révèlent derrière la diversité de conformations, l’art délicat de l’équilibre. Au rayon des projets, de nombreuses résidences privées mais aussi un palace à Londres pour ce fan d’architecture anglaise, dans une maison royale classée et qui devrait voir le jour après des années de travaux, « très anglais dans le style, mais revu par notre prisme de français », dit-il. Après avoir travaillé pour de grands éditeurs comme Maison Pouenat, Jean-Louis Deniot s’apprête par ailleurs à sortir sa propre ligne de mobilier. Il faudra un peu de patience pour découvrir les premières pièces, en 2025.
Jean-Louis Deniot, le Styliste
On dit de votre style qu’il est très français, comment le définissez-vous et a t-il évolué depuis vos débuts en 2000 ?
Jean-Louis Deniot : « Mon style est français par structure, mais mes projets sont très contextuels, et donc assez métissés. Ils ont du sens dans chaque pays où l’on travaille, ils racontent à chaque fois une nouvelle histoire. Avec le temps, on a compris qu’on pouvait être encore plus éclectique, avec des clients appréciant les décors dessinés, les intérieurs sculptures qui jouent sur le rapport avec le temps, sans que l’on sache bien s’ils sont du présent, du passé ou de l’avenir. »
En quoi votre métier a t-il évolué depuis vos débuts en 2000 ? Le développement durable par exemple n’était pas vraiment un sujet à l’époque.
Jean-Louis Deniot : « J’ai toujours utilisé des matériaux naturels et locaux, évité de faire voyager des choses quand chaque pays du monde dispose de ses matières premières, qui s’inscrivent parfaitement dans nos réalisations. Et puis, dérouler un style intemporel assure un design qui perdure dans le temps, qui ne se démode pas et vieillit avec grâce. C’est aussi ça le design durable : dessiner des choses pérennes qui ne sont pas remises en cause par les acquéreurs futurs. Des endroits qui passent de main en main dans le respect de ce qui a été fait antérieurement. C’est le propre des Arts Décoratifs français, ce qu’ont su faire en leur temps des maîtres comme Jean-Michel Franck ou Pierre Chareau. »
Pour de nombreux designers, le point de départ vient de l’architecture du bâtiment ou/et désir du client. Pour vous c’est quoi ?
Jean-Louis Deniot : « C’est écouter le bâtiment avant tout, entendre ce qu’il demande en profondeur. Il est inutile de modifier ce qui est déjà qualitatif. On ne travaille pas sur les atouts mais sur les défauts, tous ces détails disgracieux qu’il faut transformer en avantages – absence d’équilibre, coins mal fichus, angles saillants, éléments exigus, coffrages moches…. On s’appuie sur ses limites, pour que l’espace dans sa totalité soit vraiment convaincant. »
Vous créez votre propre mobilier sur vos chantiers ?
Jean-Louis Deniot : « On crée beaucoup de choses, mais – et on revient à la notion de sustainability -, nous utilisons énormément de mobilier vintage, pour lequel j’ai une vraie passion. Ce qui a été fait dans le passé a été tellement bien pensé et fabriqué que ça vieillit à merveille. Si on devait acheter aujourd’hui des pièces comparables en termes de qualité, ça coûterait une fortune. Pour le reste on fabrique des éléments qui correspondent à l’échelle, à l’esprit du lieu, qui tracent un trait d’union entre les pièces vintage et modernes. »
Vous êtes connu pour votre usage délicat de la couleur, des camaïeux. Est-ce toujours le cas ?
Jean-Louis Deniot : « Oui, j’essaie de ne pas la rendre trop prééminente. La couleur, c’est un peu comme les épices, si vous en mettez trop, ça tue les saveurs des autres aliments. Il faut respecter un certain ordre des choses, trouver la position juste entre un espace qui respire, les accrochages d’œuvres d’art, le mobilier. Ni trop ni pas assez. »
Quelle est la création architecturale ultime pour vous ?
Jean-Louis Deniot : « Le Louvre sans hésitation, qui concentre dès l’origine toute la richesse des arts décoratifs français, l’architecture, la décoration, le mobilier. Toutes les strates architecturales qui le composent au fil des siècles ont toujours été en résonnance les unes avec les autres. En termes d’éclectisme et d’équilibre, c’est un bâtiment fou. Ma vision de Paris est celle d’une ville qui tourne autour du plus beau musée du monde. »
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