Thomas Dariel Tous gagas de Maison Dada !
Comment est née Maison Dada ?
On s’apprêtait à célébrer les cent ans du Dadaïsme, un mouvement qui m’a toujours fas- ciné, le premier collectif d’artistes en Europe qui préfigurait en quelque sorte la construction européenne, ce qui n’allait pas de soi entre les deux guerres. Créer des meubles était naturel dans mon parcours, ne serait-ce que pour parfaire ma signature quand je travaille sur un pro- jet d’architecture d’intérieur. Shanghai concentrait alors cet esprit cosmopolite et inventif très “dada”, avant que le Covid ne vienne tout bouleverser. Il y régnait une effervescence artistique et culturelle comme nulle part ailleurs, qui a donné l’impulsion à la marque, mais aussi l’oxygène financier pour la lancer.
Est-ce compliqué lorsqu’on est architecte d’intérieur de créer sa marque de mobilier ?
Très compliqué, entre les coûts de production de masse, la logistique, le transport, le packaging… On est constam- ment sur un fil, pour tenir l’équilibre entre l’originalité, le confort, la qualité, la rentabilité, tout en restant accessible. Chaque nouvelle création est une équation magique entre tendance et intemporalité, attentes des clients, couleurs, faisabilité de production. Mais c’est aussi une boîte à outils formidable qui ouvre un immense champ des possibles.
Vous revendiquez votre positionnement entre deux cultures, asiatique et française…
Je me concentre sur Paris et Shanghai, car les niveaux de maturité et les attentes sont beaucoup trop diverses d’une ville à l’autre en Chine. Ces deux métropoles ont tissé depuis toujours des liens artistiques, culturels, artisanaux, tout en éprouvant une immense différence de temporalité. En France, le mobilier s’est métamorphosé entre le XVIIIe et le XXe siècle tandis qu’en Chine, l’évolution a été très lente et souvent à la marge. J’aime la confrontation de ces deux histoires passionnantes, de ces deux dynamiques anti- nomiques, qui me permettent de cultiver ma différence et de continuer à proposer des choses inattendues.
Vous invitez d’autres designers à créer pour Maison Dada. Comment les choisissez-vous ?
Tout vient d’une rencontre à un moment donné. Je fonctionne au coup de cœur, qu’il s’agisse de créateurs renommés comme Arik Levy, José Levy, Kiki Van Eijk, ou émergents comme Clément Vuillier, un orfèvre du dessin avec lequel nous avons sorti les tapis Jardin de Rocaille. Nous venons également de présenter à la Paris Design Week la collection d’assises et de tapis Alchemist de Jean-Charles de Castelbajac, très fidèle à son univers, à ses codes cou- leurs, et qui colle parfaitement à l’esprit de Maison Dada. J’aime cette casquette d’éditeur, qui permet de découvrir des créateurs et des objets s’intégrant à nos collections comme une évidence.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Nous allons rééditer le mobilier de Robert Mallet-Stevens, associé de mon arrière-grand-père Pierre Dariel à la belle époque du design, dans l’entre-deux-guerres, qui ébauchait de nouvelles façons de vivre et d’interagir dans l’espace, avec des matériaux et des moyens industriels inédits. C’est aussi l’occasion de perpétuer ce lien d’amitié entre nos deux familles, de cultiver cet héritage dans la continuité, mais en le faisant évoluer. Le génie ne doit pas être figé, il faut le questionner pour le faire vivre avec son temps, avec intelligence et délicatesse.
Selon vous, qu’est-ce qu’un objet réussi, et un objet raté ?
L’objet réussi, c’est celui que le temps conserve en mémoire, intemporel, à l’instar des créations de Mallet-Stevens justement. Quant à l’objet raté c’est celui qui ne fait plaisir qu’à son designer !