Vous avez grandi dans une famille d’artistes. Est-ce à dire que l’on n’échappe pas à son destin ?
Mes parents ne m’ont jamais poussée à quoi que ce soit. Mon père est musicien de jazz. Ma mère, qui était danseuse, a pris soin de m’expliquer les difficultés de ce métier. Je savais que je risquais de ne pas avoir une enfance de petite fille normale. Mon trop plein d’énergie s’est, en définitive, plutôt bien accommodé de la danse. Et puis, ma sœur et mon frère ne sont pas devenus danseurs. Vous voyez, tout n’est pas écrit…
En vous voyant sur scène, on ressent le plaisir que vous prenez à danser.
Parce que c’est vrai ! Mon professeur Max Bozzoni voulait avant tout que je m’amuse, il me disait que je ne devais pas avoir peur de tomber et de reprendre un mouvement, de ne pas me bloquer à cause des difficultés techniques aussi. Il était vigilant à conserver l’authenticité de ses élèves. De cet apprentissage, j’ai gardé la part de plaisir à danser.
Mais l’école de danse de l’Opéra, que vous intégrez en 1998, c’est aussi une école de l’excellence, voire de la compétition, non ?
Je suis d’une génération où il n’y avait pas ce genre d’esprit car à mon époque chaque danseuse passait dans la classe supérieure. La peur du renvoi de l’école n’était pas mon moteur ! Mais il y a des examens de fin d’année, on peut voir cela comme une sorte de compétition. J’ai donc fait avec mes défauts, mon envie.
N’avez-vous pas de regrets liés à cette enfance entièrement occupée par la danse ?
On a toujours, même jeune, des moments de doute où l’on se demande si on pourrait concilier son art avec une autre passion. Mais je sais que je ne peux pas passer une journée sans danser.
L’Opéra de Paris, le voyez-vous comme un cocon protecteur ?
Je me sens bien ici, j’y ai grandi en quelque sorte. Le palais Garnier est comme ma seconde maison. Mon père, en plaisantant, me disait que l’école de danse était un peu une prison dorée. Mais cette idée de l’Opéra comme un cocon me parle assez. De plus, j’ai connu trois directeurs de la danse – Brigitte Lefèvre, Benjamin Millepied et aujourd’hui Aurélie Dupont – et j’ai toujours pu communiquer avec eux. Disons simplement que, si cette nomination n’était pas arrivée, j’aurais pu avoir un autre regard sur la maison Opéra…