Steve, en voyant l’homme que vous êtes aujourd’hui, il est difficile d’imaginer l’enfance qui a été la vôtre…
Je suis né dans ce quartier populaire qu’était à l’époque celui des Folies Bergère avec, d’un côté, les voyous comme Mesrine et les frères Zemmour, et de l’autre, les petits commerçants honnêtes originaires d’Afrique du Nord dont faisait partie ma famille. Mon grand-père, analphabète, était boucher rue Richer. Mon père exerçait le même métier. Et moi, j’étais un enfant très solitaire, mal dans sa peau, limite autiste et qui n’osait jamais poser de questions. Je me demandais de quel côté je devais aller. Celui des malfrats que je voyais mener la belle vie avec de l’argent facile ou travailler de façon intègre comme mes proches pour gagner à peine de quoi vivre.
Votre maman était très jeune lorsque vous êtes né…
Ma mère s’était mariée à quinze ans. Je suis né, à la maison, dans le salon alors qu’elle regardait Au nom de la loi à la télévision avec Steve McQueen. D’où le choix de mon prénom ! Ma sœur, mes parents et moi habitions un minuscule appartement. Depuis la cage d’escalier de notre immeuble, je levais souvent les yeux vers le dôme en me disant : je finirai bien par monter un jour !
À l’âge de 14 ans, vous quittez l’école.
Parce que j’avais été renvoyé de plusieurs établissements. J’ai alors commencé à travailler à Rungis où, chaque soir, je déchargeais huit tonnes de viande. J’ai fait cela pendant quatre ans sachant qu’à l’époque, j’étais très costaud et pesais trente kilos de plus qu’aujourd’hui ! Dans le camion qui nous servait à livrer la viande, je passais mon temps à réciter les dialogues de films que je voyais à la télé. Jusqu’à ce qu’un soir, le camionneur me déclare : Il faut absolument que tu fasses du théâtre ! Je t’ai trouvé la solution : la classe libre du cours Florent ! Sur les 1 200 candidats qui passaient l’audition, ce cours offrait l’accès gratuit aux douze meilleurs.
Vous avez passé cette audition qui fut pour le moins rocambolesque…
J’avais 16 ans et n’avais jamais lu un seul livre de ma vie. Cependant, les films étant mes meilleurs amis, je décide de me présenter avec une scène du Parrain. Pour être le plus crédible possible, je demande au patron du Café des Folies, un type du milieu, de me prêter une veste en cachemire et un pistolet. J’arrive au cours où je croise une jolie jeune fille brune aux yeux bleus à qui je demande d’être ma partenaire muette le temps de passer ma scène. Elle a 19 ans et s’appelle Cristiania Reali ! Le jury est composé de François Florent et de Francis Huster. Lorsque j’annonce Le Parrain, Huster rigole et François Florent me dit : « Cela ne va pas être possible. Nous sommes une école de théâtre, vous devez passer une scène de théâtre ! » Je réponds alors : « Mais je n’ai jamais lu de pièce, je n’en connais aucune ! » C’est alors que Francis dit à Florent : « Laisse-le faire… »