Vous êtes actuellement en tournée avec Und, un monologue d’Howard Barker, où votre performance est unanimement saluée par la critique. Une chanteuse d’opéra qui place la barre si haut, l’initiative a de quoi surprendre…
Pas lorsque l’on sait que mon vœu le plus cher n’a jamais été de devenir chanteuse mais comédienne ! Le chant, pour moi, n’était qu’un moyen d’y parvenir. Pendant deux ans, j’ai suivi des cours d’art dramatique à Bordeaux où j’habitais. Jusqu’au jour où j’ai compris que je réussirai plus vite comme chanteuse. Dès l’âge de 20 ans, j’avais décidé que j’arrêterais l’opéra à 50 ans. Ma voix de soprano léger me destinait à des rôles de jeunes filles, de soubrettes, de courtisanes. Comment, à partir d’un certain âge, persévérer dans ce registre sans s’ennuyer, être cantonnée dans des emplois de “sprinteuse” qui ne correspondent plus à votre rythme ? Attention, j’ai beau avoir arrêté l’opéra, je continue les récitals, les concerts et les chansons !
Le rêve de devenir chanteuse n’a donc jamais effleuré la petite fille que vous étiez…
Aucunement ! Enfant, je n’avais qu’un désir : devenir clown-trapéziste car j’adorais le cirque. Une passion qui m’a valu de me lancer dans un numéro de trapèze volant à l’occasion du 50e gala de l’union des artistes ! Je suis également capable de marcher sur un fil. Peut-être aurais-je pu être funambule ! (rires) En revanche, quand il m’arrivait de chantonner à la maison, ma mère ne tardait pas à m’arrêter dans mon élan : « Arrête de nous casser les oreilles avec ta voix perçante ! » C’est sans doute pour me venger que je suis devenue chanteuse d’opéra ! Mes parents étaient mélomanes, mais pas musiciens. À la maison, on écoutait essentiellement de la variété française : Brel, Ferrat, Brassens…
Le grand écart consistant de passer de l’opéra au théâtre ne vous a-t-il pas fait peur ?
C’est exactement ce qui me séduisait ! Le chant est un geste athlétique qui empêche d’aller aussi loin. Au théâtre, la difficulté n’est pas technique et c’est ce qui me plaît. Il s’agit juste de devenir poreux. Cela s’apprend mais ne s’apparente pas à la technique. C’est comme si on se déshabillait petit à petit au fil des années, qu’on se protégeait de moins en moins en découvrant l’effet que cela produit. Pendant toutes ces années, j’ai vu dans l’opéra davantage un moyen de jouer que de chanter. Et puis, j’aime profondément les acteurs et n’apprécie pas le fait qu’ils puissent être interchangeables. L’unicité de l’interprète est très importante à mes yeux.
N’avez-vous pas davantage le trac avant d’entrer en scène en tant que comédienne ?
Pas du tout ! À l’opéra, avant d’entrer en scène, j’étais dans un état épouvantable. Je toussais, je vomissais, j’étais très angoissée et finalement pas très heureuse. Sans compter qu’il était épuisant d’être sans cesse à la merci d’un rhume ou de la moindre fatigue. Maintenant, tout le mauvais trac a disparu. Je suis juste très excitée avant d’aller jouer. Dans la vie, j’ai cette faculté de m’amuser comme une enfant, avec l’impression d’avoir 5 ans et demi. J’essaie de vivre chaque moment de l’existence pleinement et intensément.
Vous arrive-t-il de retourner à l’Opéra en tant que spectatrice ?
Non, jamais. Je m’y ennuie alors que j’adore assister à des concerts. L’opéra est un monde très sclérosé.