Olga, vous être née dans l’ex-Union soviétique. Vous avez vécu à Paris, beaucoup tourné aux États-Unis avant de vous installer définitivement à Londres. Tous ces déménagements ne vous ont-ils pas fait craindre de vous perdre vous-même ?
Non, pas du tout. Parce que je suis une terrienne, une fille extrêmement lucide qui garde les pieds sur terre. Peut-être parce que j’ai été élevée en Ukraine par des femmes très fortes, ma mère et ma grand-mère, qui portaient tout sur leurs épaules. J’ai vécu des choses assez difficiles dans mon enfance qui m’ont armée pour la vie. Nous vivions à trois familles dans l’appartement de mes grands-parents où chacune avait sa chambre.
Vous avez vécu la catastrophe de Tchernobyl…
D’un petit peu loin parce que nous habitions le sud de l’Ukraine. Ce qui n’empêchait pas ma grand-mère, médecin, de m’interdire de sortir sous la pluie, de me couvrir la tête sous peine de voir tomber mes cheveux et d’éplucher le moindre aliment que nous consommions avant de le faire bouillir. Les radiations partaient en même temps que les vitamines.
L’explosion de l’Union soviétique a-t-elle amélioré votre vie quotidienne ?
Au contraire, elle l’a empirée. Du temps de l’URSS, les gens étaient égaux et la vie à peu près stable. Ensuite, si une partie de la population s’est considérablement enrichie, l’autre a plongé. Nous n’avions rien à manger à l’exception de céréales bouillies sans beurre. Jamais de viande ni de poisson et il n’était pas question de jeter le moindre bout de pain que nous faisions ramollir dans de l’eau. Je ne possédais qu’un seul pull et un seul jean et je peux dire que j’ai eu faim durant toute mon enfance et mon adolescence. D’ailleurs, quand je suis arrivée à Paris et que j’ai vu des copains jeter un restant de pâtes à la fin d’un dîner, j’étais horrifiée !
Vous avez la maîtrise parfaite de notre langue. Où l’avez-vous apprise ?
Je suis amoureuse de la langue française depuis l’enfance. À la maison, ma mère, professeur d’art, possédait des disques de Mireille Mathieu qu’elle faisait tourner en boucle. Lorsqu’à l’école, j’ai dû choisir une langue étrangère je voulais que ce soit le français à cause de Mireille Mathieu ! (Rires) Mais ma mère a jugé préférable que j’apprenne l’anglais qui me serait plus utile. Au lycée, j’étais bonne élève et envisageais de devenir médecin. Je dévorais des livres médicaux. En tout cas, je ne me voyais ni mariée, ni mère de famille. J’avais trop peur de rester coincée à la maison alors que je ne rêvais que de travailler.
À 15 ans, votre vie bascule dans le métro de Moscou lorsque vous êtes remarquée par la collaboratrice d’une agence de mannequins…
Par manque d’argent, ma famille ne voyageait jamais et restait à Berdiansk où nous habitions. Cette année-là, ma mère avait économisé pour que nous puissions passer huit jours à Moscou. Nous étions dans le métro quand une dame nous a abordées. C’était la directrice de casting d’une grande agence de mannequins. Ils ont avancé les frais pour que je puisse passer des tests. Avec mon premier cachet à Moscou, je me suis acheté une parka car je n’avais aucun manteau chaud.