Golshifteh Farahani : actrice habitée
À l’affiche du film Alpha de Julia Ducournau qui sera sur les écrans le 20 août, la comédienne franco-iranienne Golshifteh Farahani s’abandonne totalement dans ses rôles. Aussi à l’aise avec le cinéma d’auteur français que dans des blockbusters hollywoodiens, elle sera également, du 5 au 14 septembre, la présidente du jury du 51e Festival du cinéma américain de Deauville. Rencontre.
Avant de travailler avec elle sur Alpha, que représentait le cinéma de Julia Ducournau pour vous ?
Golshifteh Farahani : « J’avoue que je ne la connaissais pas vraiment. Je n’avais pas vu ses deux premiers longs-métrages (Grave et Titane, ndlr). Lorsque j’ai reçu le scénario, j’ai ressenti une déflagration. À l’issue de la première lecture, j’en suis sortie bouleversée. Il était inenvisageable que je ne fasse pas ce film qui, je m’en doutais, allait éveiller en moi de nombreuses émotions. Et ce fut le cas. Je suis sortie lessivée de ce tournage. À tel point que je n’ai pas pu travailler pendant plus de six mois. »
Dans ce film, votre personnage n’a pas de nom. Elle est seulement présentée comme la mère du personnage principal et en tant que médecin. On pourrait presque plus la voir comme une entité…
Golshifteh Farahani : « Mon personnage n’est pas juste une maman. Elle a une valeur symbolique et globale puisqu’elle représente un peu toutes les mères. Des femmes qui n’ont pas forcément de nom et qui sont souvent ramenées à une simple fonction maternelle. Dans le film, seuls les personnages d’Alpha et de son oncle Amin (interprétés par Mélissa Boros et Tahar Rahim, ndlr) ont un prénom. Comme si les autres autour d’eux n’existaient pas. »
La question du corps est centrale dans le cinéma de Julia Ducournau. Au cours de votre carrière, avez-vous déjà connu une préparation physique importante en amont d’un tournage ?
Golshifteh Farahani : « Pour les besoins du film d’action Tyler Rake de Sam Hargrave, j’ai dû faire deux mois de sport à haute dose au préalable, à raison de dix heures par jour. En quelques semaines, mon corps était totalement transformé. J’avais pris dix kilos de muscles et je ne me reconnaissais plus. J’étais devenue une vraie athlète. Mais sans cet entraînement quasi-militaire, il est impossible de travailler sur un film d’action. Le corps ne suit pas et on s’écroule. »
Alpha a été présenté en sélection officielle lors du dernier Festival de Cannes. Une édition marquée par le sacre du cinéaste iranien Jafar Panahi pour son film Un simple accident. Qu’avez-vous ressenti au moment de sa victoire ?
Golshifteh Farahani : « J’étais très heureuse parce que Jafar (Panahi, ndr) est un ami. Mais plus que les récompenses, ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que son film trouve son public. Les sélections en festivals ne sont pas forcément synonymes de succès pour des œuvres cinématographiques. En ce qui me concerne, les plus grands films que j’ai vu dans ma vie sont sortis directement au cinéma sans passer auparavant par de grands événements à destination des cinéphiles. »
Quels sont les artistes dont vous suivez avec attention le travail et qui vous transporte ?
Golshifteh Farahani : « J’ai besoin d’émotions. C’est mon moteur en tant qu’actrice et c’est pour cela que j’ai absolument voulu tourner Alpha. Je ressens ça au théâtre lorsque je vais voir des pièces du dramaturge Wajdi Mouawad. Je ne rate aucune de ses créations. Je ressens comme un syndrome de Stendhal. J’ai d’ailleurs déjà failli m’évanouir au cours de l’une des représentations. »
Les émotions sont mon moteur en tant qu’actrice
Vous avez une carrière internationale, vous naviguez avec aisance entre cinéma d’auteur français et blockbusters hollywoodiens. Y a-t-il un genre cinématographique que vous préférez malgré tout en tant qu’actrice ?
Golshifteh Farahani : « C’est drôle parce que ce que je préfère dans mon métier, c’est le doublage. J’ai plusieurs fois prêté ma voix pour des films d’animation, comme dans Parvana, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey. C’est un autre travail de composition, à la fois hyper stimulant et amusant. Je viens de le faire de nouveau sur un dessin animé français où je “joue” une chatte absolument horrible. Une fois n’est pas coutume, j’y ai pris beaucoup de plaisir. »
Du 5 au 14 septembre, vous allez également présider le jury du 51ème Festival du cinéma américain de Deauville…
Golshifteh Farahani : « C’est une première pour moi ! Par le passé, j’ai déjà été membre de plusieurs jurys, que ce soit à Locarno ou à Venise. Mais je n’ai encore jamais été présidente. C’est un vrai honneur. J’en suis profondément émue et touchée. Le cinéma indépendant américain a une place particulière dans mon cœur. Je me souviens particulièrement du tournage du film Paterson de Jim Jarmusch. Une œuvre magnifique qui, à l’image de beaucoup de films américains dits “indépendants”, sont surtout produits par les Européens puisqu’ils ont dû mal à être montés aux États-Unis. C’est la folie de notre temps… »
Aujourd’hui, quelle est votre relation avec Paris ? Est-ce une ville qui a toujours une place particulière dans votre cœur ?
Golshifteh Farahani : « C’est un endroit merveilleux. J’ai découvert Paris pour la première fois en 2003, puis j’y suis revenue en 2008 pour m’y installer à la suite de mon exil d’Iran. Depuis toutes ces années, je suis toujours frappée par la beauté de la ville et son rayonnement sur le plan artistique et culturel. Je ne crois pas avoir vu ça ailleurs dans le monde. Et puis c’est une capitale que je connais par cœur, mieux que ma ville natale de Téhéran dans laquelle j’ai vécu pendant vingt-cinq ans. Je peux m’y repérer les yeux fermés, sans GPS. »

Les bonnes adresses de Golshifteh Farahani
- Un endroit atypique dans le Marais pour dîner ou juste prendre un verre. Idéal pour se retrouver amis et refaire le monde
- J’y donne tous mes rendez-vous. Mon QG depuis des années et je ne m’en lasse pas
- J’aime les petits musées comme celui-ci. Dès que j’ai un peu de temps, j’y viens pour me prendre ma petite dose d’art. J’en ressors chargée à bloc !
- Un cinéma de Saint-Germain-des-Prés qui a une place particulière pour moi J’y ai vu de nombreux films muets et tous ceux avec Marlene Dietrich
- Tout ce que l’on a envie de voir et toucher se trouve dans ce grand magasin. J’y ai acheté de nombreux objets pour mon appartement. On pourrait y rester des heures
- Un endroit assez doux et apaisant. Beaucoup de personnes qui sont en exil, comme je l’ai été, viennent ici quand ils arrivent à Paris
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