Mode masculine

Le luxe gagne le Marais

En quelques mois, le bas Marais a vu l’ouverture de cinq boutiques de luxe, toutes dédiées à l’homme. Fendi, Gucci, Moncler, Givenchy et le tout dernier Valentino, le 8 juin. Des implantations menées sous l’impulsion du BHV/Marais, qui à l’étroit dans ses murs, cherchait à mettre en avant ces marques premium. Un luxe très masculin pour un quartier connu comme le repaire hype de la communauté homosexuelle.

On accourait au Marais pour le folklore juif, les restaurants et les épiceries kasher, mais aussi pour les nuits sulfureuses quand l’homosexualité, si elle n’était plus tabou, y avait son fief. Le quartier, en tout cas la partie entre la rue des Francs-Bourgeois et la place des Vosges, a pris une tout autre allure avec l’arrivée massive des marques “dans le coup” style Maje, Sandro, Princesse Tam Tam ou tout récemment Uniqlo. Un constat que confirme Caroline Najman, créatrice de bijoux, dont la boutique éponyme vient d’être inaugurée fin mai rue Vieille-du-Temple : « On ne va plus seulement dans ce quartier pour manger un fallafel. On y va pour faire du shopping entre copines, pour flâner du côté des galeries d’art, pour prendre un verre, pour dîner. C’est un quartier vraiment complet, il n’est plus aussi connoté. » Si le haut Marais est devenu un repère pour bobos avec l’enseigne Merci en fer de lance, le bas Marais était encore réputé il y a peu pour ses nuits débridées. La donne a changé. Tout débute avec la rénovation du BHV, appartenant maintenant au groupe Galeries Lafayette. Entièrement réaménagé, le BHV, depuis baptisé BHV/Marais a donc choisi, tout en gardant son ADN – le slogan qu’affectionne Alexandre Liot, directeur du BHV/Marais est : « l’autre magasin pour continuer à être différent » – de monter en gamme et de se réorienter vers la mode. Cela se voit à l’intérieur du magasin – nouveau rayon chaussures, services de restauration tendance gastronomique, etc. Sous l’impulsion du BHV, propriétaire de nombreux espaces commerciaux aux alentours, l’offre évolue avec ses mini-BHV pour les animaux La Niche, les motards et cyclistes – boutique Solex –, les sportifs – avec un Nike de 135 m2 rue du Temple uniquement dédié à l’homme et, fin septembre, avec un nouveau magasin de l’américain Ralph Lauren, Polo Sport, pour ne citer qu’eux. Depuis cette année, le Marais et tout particulièrement la rue des Archives passe à la vitesse supérieure avec l’arrivée très remarquée coup sur coup de quatre enseignes de luxe du vestiaire masculin : Moncler, Gucci, Fendi et Givenchy. Quatre grands noms plus habitués de l’avenue Montaigne ou de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. L’homme est quasi une évidence pour un quartier connu comme le gay Paris et qui pourrait bien devenir le nouveau repère du luxe masculin. Et cela continue avec l’ouverture le 8 juin dernier d’une boutique Valentino de 86 m2, elle aussi dévolue au sexe fort.

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Le Marais, de plus en plus premium

Alexandre Liot explique d’ailleurs que cette évolution répond « à une demande des Parisiens qui souhaitaient une offre premium et à l’évolution du quartier, de plus en plus touristique. Le tourisme devrait représenter un peu plus de 25 % du chiffre d’affaires dans trois ans ». Et de rappeler que le Centre Pompidou est tout à côté et le musée Picasso, récemment agrandi et rénové, accroît encore ce flux. Ce dernier s’est d’ailleurs félicité d’avoir accueilli lors du mois de sa réouverture pas moins de 100 000 visiteurs. Sans parler de la future fondation d’arts des Galeries Lafayette qui est attendue, en 2017, au 9 rue du Plâtre dans un bâtiment, construit pour le BHV en 1891 par l’architecte Samuel Menjot de Dammartin, et aujourd’huitransformé et aménagé par l’agence d’architecture OMA dirigée par Rem Koolhaas. Le BHV/Marais propose, quant à lui, au cinquième étage de son magasin de la rue de Rivoli, un lieu de ré-création et d’expositions, inauguré en 2011. L’offre culturelle est d’ailleurs l’une des valeurs fortes de ce quartier qui attire les promeneurs dans ses rues étroites et grouillantes d’activité. Si les commerces de bouche disparaissent au fil du temps, ils sont remplacés, bien sûr, par des boutiques de mode, de beauté, de design…Et les galeries dans le haut Marais se comptent à foison.

 

Des touristes, mais aussi les habitants du quartier

Mais qui sont ces acheteurs tant espérés ? Des étrangers, au fort pouvoir d’achat, très convoités. « Ici, c’est surtout une clientèle d’individuels, des touristes à la recherche d’un Paris authentique, qui ont envie de goûter l’atmosphère du vieux Paris », commente Alexandre Liot. Des touristes certes, mais ils ne sont pas la seule cible des marques de luxe. Karl Lagerfeld, qui a rouvert le 1er juin, après un mois de travaux dû à un début d’incendie, a choisi au contraire d’abandonner son offre masculine pour se consacrer à la femme avec toutefois un large panel d’accessoires. Les commerçants font état de rumeurs annonçant la venue de Vuitton, même si pour l’instant rien n’est confirmé… ni infirmé. Ces grands noms misent aussi sur les habitants du quartier qui, précise Vincent Ascher du cabinet de conseil Cushman & Waterfiel « ont les moyens de s’offrir du luxe, mais ne veulent pas forcément se rendre avenue Montaigne. » Par exemple, la responsable marketing de G-Shock/Casio, Annelise Mangin, illustre ce constat. « Dans notre boutique, nous pensions avoir une clientèle très street wear, nous avions néanmoins prévu un petit corner pour nos montres premium à 2600 euros. Finalement, ce sont nos meilleures ventes et le corner s’est agrandi. Nos clients portent des montres très haut de gamme et viennent ici pour s’en offrir une plus fantaisie pour le week-end… Ils ne sont plus dans le total look. » Ce que confirme Jean-Michel Bertrand de l’IFM (Institut français de la mode), les clients vont « dans les galeries, et demain feront un tour dans les boutiques Givenchy ou Moncler. Cette clientèle-là porte du Chanel et de l’Uniqlo, la population en total look est limitée. Mixer la consommation, c’est le dernier chic. » Une clientèle variée, ce que confirme Caroline Najman : « On y croise un mix des genres. Du hipster aux touristes, en passant par le Parisien qui fait son shopping le dimanche en se baladant. » Car, cerise sur le gâteau, de nombreuses rues du Marais, classées en zone touristique, ont droit à l’ouverture dominicale… Même si, pour l’heure, le BHV/Marais ne bénéficie pas encore de cette autorisation.

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Par Dominique Millérioux - Publié le
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