Bleuenn Battistoni Étoile au naturel
Vous êtes étoile de l’Opéra de Paris depuis le 26 mars 2024. Qu’est-ce que cela change dans votre vie ?
Bleuenn Battistoni : « Lorsque vous êtes “seulement” première danseuse de la compagnie, vous êtes dans une sorte d’attente, d’incertitude. De la suite de votre car- rière comme des beaux rôles du répertoire. La route n’est pas toujours droite ! Disons que la danseuse, mais également la personne, que je suis aujourd’hui a changé avec ce titre. Être étoile, c’est un gage de valeur dans une maison, l’Opéra de Paris, d’excellence. Enfant, je regardais des bal- lets et j’avais toujours une attention particulière aux étoiles, femme ou homme. Le public actuel ne fait pas autre chose. »
Cette nomination à la suite d’une représentation de La Fille mal gardée au Palais Garnier, était-elle une vraie surprise ?
Bleuenn Battistoni : « José Martinez, le directeur de la danse, aime les surprises ! Et cela en a été une. Si Alexander Neef, le directeur de l’Opéra de Paris était présent dans la salle, mes parents n’y étaient pas. J’ai vu arriver José Martinez et Alexander Neef sur scène mais il m’a fallu une minute pour com- prendre que c’était peut-être de moi qu’il s’agissait. À cet instant, on revoit ce chemin parcouru. Mais les jours d’après, j’ai pensé surtout à ces moments de doute où j’ai failli arrêter la danse. »
Être nommée si jeune, cela fait-il peur ?
Bleuenn Battistoni : « La danse ce n’est pas comme le sport, il n’y a pas de record à battre. Vous avez travaillé dur pour y arriver et, à un moment, on vous adoube. D’une certaine façon c’est un pari sur l’avenir de la part de la direction de l’Opéra de Paris. Une vie d’artiste, cela a des hauts et des bas. On nous demande des extrêmes émotionnels et physiques chaque jour. »
Beaucoup dans le public vous ont découverte lorsque vous avez remplacé au pied levé Alice Renavand qui faisait ses adieux dans le rôle de Giselle.
Bleuenn Battistoni : « Tout s’est passé si vite ce soir-là, je n’ai pas eu à réfléchir lors- qu’Alice s’est blessée au début du second acte de Giselle. J’ai paniqué quelques instants, puis j’ai resserré les “brides” et je me suis mise en mode surconcentration. Il n’y a qu’en vivant ce genre de situation que l’on peut savoir si on a les nerfs assez solides pour y faire face. Rien ne peut vous y préparer, même si je connaissais le ballet. Giselle, c’est ce que je regardais le plus souvent enfant. Je n’ai pas eu le temps de me dire : au moins, si ta carrière s’arrête, tu auras dansé Giselle à l’Opéra de Paris. Je me suis glissée dans le personnage et j’ai dansé. »
Vous allez désormais enchaîner les grands ballets…
Bleuenn Battistoni : « Et enchaîner les phases d’apprentissage, les cessions vidéo où on regarde les grands interprètes, on décortique les pas. Surtout, en passant d’un rôle à un autre, votre corps doit s’adapter. J’essaie également de préparer mentale- ment ces personnages comme Mary Vetsera dans Mayerling que je viens d’interpréter. Lorsque vous passez du rôle d’une enfant de 9 ans à une jeune adulte de 17 ans, vous devez évoluer avec l’histoire. »
Vous voyez Le Ballet de l’Opéra de Paris comme une famille, un cocon ?
Bleuenn Battistoni : « Je dirais plutôt un écrin. Surtout, je suis passée de ma passion d’enfant, la danse, à une autre réalité, un métier qui est celui de danseuse. »
Comment voyez-vous les années à venir ?
Bleuenn Battistoni : « En étant nommée étoile aussi jeune, on sait que l’on va aborder le grand répertoire très vite. On sera dans le dur, car après il est plus “facile” de reprendre un rôle dans un ballet que vous avez déjà dansé. Cela m’intéresserait d’être distribuée dans des créations avec des chorégraphes actuels travaillant sur des ballets narratifs en phase avec notre époque. Quelqu’un qui porterait un autre regard sur cet héritage de la danse classique. »
Quelle Parisienne êtes-vous désormais ?
Bleuenn Battistoni : « Mes parents sont Normands et Bretons, j’ai grandi à Lyon avant de gagner le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris à l’âge de 14 ans. Puis d’in- tégrer l’école de danse du Ballet de l’Opéra de Paris. Quelle Parisienne je suis ? Une Parisienne qui prend le métro et n’aime pas croiser trop de monde le dimanche en allant chercher son pain! J’habite un quartier un peu excentré de la capitale, vivant en tout cas. J’ai la chance d’avoir une petite terrasse avec un mini-potager. Un vrai privilège. Mais dès que je le peux, je pars en week-end. Et je râle alors de ne pas trouver de magasins ouverts le dimanche. Je suis en fait devenue une sorte de Parisienne ! »
- La Belle au bois dormant : du 8 mars au 12 juillet
Les bonnes adresses de Bleuenn
- Pour leurs fleurs issues de productions locales. En plus, il y a plusieurs adresses à Paris. www.desireefleurs.fr
- J’y prends des cours de Gyrotonic, une méthode pour corriger les problèmes posturaux et libérer les articulations. www.uma-paris.com
- J’adore leur gâteau basque et leurs croissants. 21, rue d’Avron, 20e
- Enfant, les vitrines de cette maison de danse me faisaient rêver. Et pour les soirées de gala, j’y trouve des chaussures à mon goût. Je suis plus pointes que talons ! www.repetto.com
- avant qu’il ferme pour travaux ou le musée d’Orsay. On y voit même parfois des danseurs !
- Un lieu que j’affectionne pour me balader.