Toute votre démarche est nourrie par la passion de la connaissance et une ouverture au monde, quelle est-elle ?
Ma démarche est très liée à mon enfance. En fait, je raisonne un peu comme un enfant. On m’a éloigné de mes parents et j’ai vécu chez mon oncle et ma tante. Deux personnes étonnantes qui m’ont fait découvrir la Bourgogne dans une ambiance de Moyen-Age où les forêts font peur. Cela m’a conditionné car je ne suis jamais sorti, même encore aujourd’hui, de cette ambiance de conte de fées, de légendes de mythologies, et ces mythes me nourrissent davantage que la réalité qui, elle, m’ennuie. Donc dans le côté imaginaire, toutes ces légendes et ces contes me satisfont vraiment.
Est-ce votre nourriture depuis toujours ?
Oui. Je me suis rendu compte que même les mythes et légendes sont plus vrais que l’histoire. Les mythologies, avec leur fiction, portent davantage la vérité de chaque individu.
Pourquoi rester toujours dans la figuration ?
Ce qui m’intéresse, c’est la peinture figurative, car précisément, elle raconte des histoires. Lors d’une rétrospective à New Delhi, la conservatrice du musée, qui connaissait l’intérêt que je portais aux enfants, a fait venir des classes qui ont visité mon exposition. Ils interprétaient les dessins à leur manière, bien qu’ils ne possèdaient pas de connaissances sur la mythologie grecque et la Bible. Mais, ça leur parlait. Il y a quelque chose de magique, c’est ça l’intérêt de faire de l’art.
Quel est l’importance de Sophie Duplaix, la commissaire de l’exposition, dans l’approche de votre art ?
Elle révèle un sens à ma peinture que je n’imaginais pas. Ce qui compte dans la peinture, c’est qu’elle appartient à celui qui regarde. C’est le regard de Sophie Duplaix sur l’ensemble de l’exposition qui est important car cela me faisait découvrir ma propre peinture autrement.
En étant un peintre figuratif, je lis une histoire et la peinture raconte une autre histoire. C’est là qu’on peut parler de révélation. C’est là le propos de l’art, c’est de dépasser ce qui est donné et nous inviter à interpréter autrement.
Que chacun puisse s’approprier cette histoire ?
L’important, c’est comment vous vous ressentez le tableau. Si vous en avez envie, commence une aventure particulière entre vous et le tableau, c’est magique. Il peut se créer une complicité mais ce n’est pas une explication, c’est un questionnement.
Pour vous la transmission est-elle quelque chose de très important ?
C’est fondamental, car dans l’idée de transmission il y a l’idée d’avoir reçu et l’idée de rendre. Dans mon enfance compliquée, j’ai vu les enfants de l’assistance publique très malheureux. C’est pour cela qu’avec ma femme, nous avons créé l’association La Source en 1991. En tant qu’adulte, je peux apprendre à donner un sens, à montrer comment la poésie fonctionne, leur donner ça, pour qu’eux-mêmes aient envie de faire des choses actives et non passives. Les artistes participant à la Source ne sont pas là pour apprendre à peindre ou à dessiner aux enfants, mais pour leur transmettre cet état d’esprit de création, de disponibilité, de responsabilité d’ouverture aux choses.
Est-ce le même but que vous cherchez à donner avec votre exposition?
Bien sûr, je crois que c’est Cocteau qui a dit « L’art est absolument nécessaire, mais nul ne sait à quoi. ».