Interview

Amandine Albisson la danse pour passion

L’étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, Amandine Albisson, fait son retour sur scène dans Le Lac des cygnes. Rencontre avec une danseuse solaire.

La ville où vous êtes née, Marseille, et que vous avez quittée à 10 ans, vous manque-t-elle ?

Amandine Albisson : Ce qui me manque, c’est la mer. Peut-être plus précisément les calanques. Lorsque j’étais à l’école de danse à Paris et que je revenais voir ma famille à Marseille pour le week-end, je les entendais dire : « Il faut l ’aérer cette petite ! »

Avez-vous grandi dans un milieu artistique ?

Amandine Albisson : Avec une mère danseuse et un père chanteur d’opérette, on peut dire que c’est le cas. Dès mon plus jeune âge, je les accompagnais et je me retrouvais dans les coulisses. Le déclic ? J’ai voulu faire comme ma mère, danser. Je me sou- viens qu’à 7 ans, en visite à Paris au Palais Garnier, j’ai dit tout haut que c’était là que je voulais me produire plus tard!

Vous n’aviez pas tort. Vous entrez à l’École de danse de l’Opéra de Paris à 9 ans et demi. Un choc ?

Amandine Albisson : J’étais en internat à Nanterre, siège de l’école. On y passait l’essentiel de nos journées. Mais le week-end, avec les miens, je partais en balade à Paris. Disons que j’ai apprivoisé la capitale avec douceur. Même si en y repensant aujourd’hui, je me dis que j’étais très jeune pour vivre si loin de mes parents. Je suis fille unique qui plus est ! Mais les dimanches soir étaient un peu plus difficiles que les autres jours.

 

Opéra Bastille Le Lac des cygnes jusqu’au 1 janvier 2023

Place de la Bastille, 12e. www.operadeparis.fr/
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Lorsque vous entrez dans le Corps de ballet de l’Opéra de Paris, en 2006, avez-vous l’impression d’intégrer une famille ?

Amandine Albisson : Ou plus exactement une famille qui s’agrandit. On a grandi ensemble avec les danseurs de l’école puis du ballet, nous avons créé des liens. Et en intégrant la compagnie, j’ai encore élargi mes horizons. Ainsi mon meilleur ami dans la troupe, Audric Bezard, est d’une autre génération que la mienne.

Comment abordez-vous un rôle, qu’il soit nouveau ou une reprise ?

Amandine Albisson : On n’en a jamais fini avec un rôle au ballet. On apprend toujours. Et on évolue sans cesse, dans sa connaissance tech- nique, avec l’âge. On peut chercher encore plus loin. Je suis, en ce moment, à me dire : est-ce que je vais y arriver après plus d’un an hors de la scène. Après cette grossesse, il y a eu des changements dans mon corps. Je dois retrouver mes sensations. Pour aborder Le Lac des cygnes, je fais confiance aux préparateurs physiques de l’Opéra, je prends en dehors des cours de Gyrotonic (qui intègre les fondements du yoga, de la danse, de la gymnastique douce entre autres). Et je vois mon kiné. La récupération est le plus important.

Vous avez été nommée étoile le 5 mars 2014. Qu’est-ce qui a changé dans votre vie ce jour-là ?

Amandine Albisson : Le plus difficile c’est de passer d’un statut à un autre, de première danseuse à étoile, et ce du jour au lendemain ! Les regards changent, les attentes aussi. Il faut prouver que vous méritez ce titre. Mais avec le recul, je trouve que cela apporte une vraie liberté à la ballerine que je suis. On a toutes quelque chose de différent, qui nous rend unique. Je dirais que ce n’est pas une seconde carrière, c’en est une nouvelle.

Vous avez connu trois directions de la danse, bien- tôt une quatrième. Est-ce déstabilisant ?

Amandine Albisson : Les changements de direction, cela interroge. On a envie, moi comme les autres, de travailler avec quelqu’un dans une bonne entente. Mais après, une étoile reste une étoile, je ne vais pas arrêter de danser. La vraie question est ailleurs, sur le choix du répertoire à défendre, les chorégraphes à inviter à Garnier ou Bastille. J’ai eu la chance d’interpréter certaines œuvres qui étaient dans ma short-list, comme La Dame aux camélias ou le Boléro de Maurice Béjart. J’espère danser L’Histoire de Manon cette saison. La programmation de l’Opéra de Paris fait que l’on ne s’ennuie pas dans ses murs. Je rêve encore, de ballets de Jerome Robbins ou d’un solo de Mats Ek.

On dit de vous que vous avez des qualités dramatiques.

Amandine Albisson : Je le prends comme un compliment. Il faut savoir exprimer des sentiments sur le plateau mais sans parler.Tout est dans le jeu de regards, dans les déplacements. Il ne faut jamais exagérer les choses, et donc son jeu, même dans une salle aussi vaste que celle de l’Opéra Bastille. Il faut rester sincère. Paradoxalement, durant les confinements nous avons dansé devant des salles vides pour réaliser des captations vidéo. Cela était extrêmement dur, on se demandait pourquoi on était là par instant. L’énergie du public est indispensable.

Qu’aimez-vous dans votre “maison”, le Palais Garnier où vous avez votre loge ?

Amandine Albisson : Il y a une odeur propre à l’Opéra, celle du théâtre, sans doute due à la colophane, cette poudre que nous utilisons pour nos chaussons de danse. Le reste, c’est la magie propre à cette maison. Quant à ma loge, c’est mon refuge.

Ressentez-vous une fierté à faire partie de cette histoire, celle de l’Opéra de Paris ?

Amandine Albisson : Je ne me pose pas la question, même si je connais l’histoire de cette institution. La danse est pour moi un métier passion. Je le pratique dans des conditions privilégiées. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas dur. Cet art demande beaucoup. La scène reste un moment d’exception.

Paris, c’est pour la vie ?

Amandine Albisson : J’adore Paris, mais je sais qu’un jour je partirai. Mon compagnon est du Sud-Ouest, je suis du Sud. La suite de notre vie, qui plus est avec un petit garçon, s’écrira dans ces régions. Mais Paris reste cet enchantement culturel unique. Une ville à vivre 24h/24h. Une ville qui aime la danse.

Le carnet d'adresses d'Amandine Albisson

Le carnet d'adresses d'Amandine Albisson

  • Un restaurant avec un brunch comme je les aime. C‘est aussi une cave à vin et désormais une épicerie en circuit court. 16, rue du Château d’Eau, 10e.
  • Paris manque de ces marchés vivants où on peut aussi déjeuner comme en Espagne ou à Biarritz. Celui-ci est un de mes préférés. 39, rue de Bretagne, 3e.
  • 32, rue du Château d’Eau, 10e.
  • L’endroit est superbe. J’y trouve des soins essentiels. J’aime aussi leur massage. 45, rue Saintonge, 3e.
  • C’est une maison musée comme je les apprécie. Pas trop grand. On s’y sent bien car il est à taille humaine. 14, rue de la Rochefoucauld, 9e.
Par Philippe Noisette - Publié le

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