Interview

Éric-emmanuel Schmitt "Paris me guérit de Paris"

C’est l’écrivain de tous les succès… Plus de 24 millions de livres vendus dans le monde entier.
Et nombre d’entre eux ont été adaptés au cinéma Oscar et la Dame Rose, Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, Odette Toulemonde… Auteur virtuose, philosophe du quotidien, acteur aussi, Éric-Emmanuel Schmitt dirige le Théâtre Rive Gauche, qui va programmer, pour la première fois depuis fort longtemps, Le Visiteur. Rencontre.

Ce mois-ci, le Théâtre Rive Gauche que vous dirigez programme l’une de vos pièces fétiches, Le Visiteur. Quelles émotions ressentez-vous à l’idée de faire revivre cette œuvre ?

Ce sont des moments très heureux, parce que cela faisait des années qu’elle n’avait pas été jouée en France, je la redécouvre donc dans ma langue. Du coup, en la voyant jouée par Sam Karmann et Franck Desmedt cet été au Festival d’Avignon, je me suis dit : « Ah oui, j’ai donc fait ça ! » avec un brin d’admiration, car je comprends aujourd’hui pourquoi cette pièce a si bien pris.

Pourquoi refuser qu’un tel succès soit régulièrement joué ?

Je ne saurai l’expliquer. Je crois avoir “gelé” d’autres pièces à succès comme Le Libertin ou Variations énigmatiques, dans l’attente de trouver les bons acteurs pour les reprendre. Et là, pour Le Visiteur avec Sam Karmann et Franck Desmedt, je suis verni. Ce sont deux Stradivarius, vraiment.

À votre avis, pourquoi Le Visiteur a connu un tel succès à l’étranger, en étant joué en anglais, allemand, grec, polonais, espagnol ?

Parce que cette pièce est extrêmement française. C’est-à-dire qu’elle est dotée d’un sérieux qui n’est pas sévère. Alors, le monde entier s’est dit que c’était cela, la France ! Et puis le thème est inédit. Que Sigmund Freud, athée notoire, se mette à douter et à développer une crise de foi, n’est pas de l’ordre du normal ! Et Dieu qui doute, ce n’est pas usuel non plus !

Vous avez quitté la France pour vivre en Belgique. Comment voyez-vous Paris, depuis l’étranger, et depuis la pandémie ?

Paris est la plus belle ville du monde et la plus invivable. Mais je m’aperçois aussi que Paris me guérit de Paris. Ce qui me guérit, c’est la vitalité de sa culture et de ses salles de spectacles, notamment, qui ont tant souffert durant les confinements. Ce qui me rend malade lorsque j’y suis, c’est qu’elle m’est difficile à vivre. Il y a trop de monde, trop de vitesse, trop d’indifférence… Avec une perte de bonhomie évidente. Mais je crois aussi qu’elle m’est invivable parce que je suis écrivain. Or, écrire, c’est se mettre en exil. C’est s’obliger à se retirer du monde, comme je l’ai fait en vivant à la campagne, en Belgique.

Quel lieu parisien trouve encore grâce à vos yeux ?

Sans hésiter, je vous citerai mon antidépresseur préféré : les jardins du Palais-Royal. Parce que c’est à la fois Diderot, les lumières du XVIIIe siècle, l’équilibre harmonieux de tous ces bâtiments, mais c’est aussi la nature qui s’invite en plein cœur de la pierre… Et j’ajouterai également une flânerie sur les quais de Seine, parce qu’on y voit là aussi, la main de l’homme ayant guidé la nature d’un fleuve.

Un musée parisien ?

J’aime beaucoup le musée des Arts Premiers, quai Branly. Parce que j’y découvre des choses invisibles ailleurs. Sans oublier, dans un tout autre genre, le musée Gustave Moreau, installé dans l’ancien atelier de ce peintre éclectique du XIXe siècle, rue de la Rochefoucault dans le 9e arrondissement. C’est un bel hôtel particulier, qui possède une collection d’aquarelles somptueuses dans ses tiroirs. J’aime bien ce genre d’études, parce qu’elles montrent ce qui n’est pas encore achevé.

Y a-t-il une modernité parisienne qui vous séduise ?

Je crois être résolument un homme du XVIIIe siècle, alors le Paris contemporain ne m’attire pas. Mais oui, quand même, la pyramide du Louvre vue de l’intérieur est vraiment sublime.

Dans quel quartier de Paris pourriez-vous vivre ?

Dans le 6e arrondissement. Saint-Germain-des-Prés regorge de petits restaurants et de librairies. Et l’on peut tout y faire à pied. Mais il en faudrait davantage pour me faire quitter ma campagne belge…

ACTUALITÉS : 

Le Visiteur. À partir du 8 septembre, au Théâtre Rive Gauche.
https://www.theatre-rive-gauche.com/

Prochain ouvrage en libraire le 2 novembre : La Porte du ciel.
Tome 2 de La Traversée des temps. Éditions Albin Michel.

Eric emmanuel schmitt paris me guerrit de paris
Par Ariane Dollfus - Publié le

Vous aimerez sûrement les articles suivants…

Rejoignez-nous sur Instagram Suivre @ParisCapitale