Julie, à vous regarder avec vos grands yeux bleus, il est difficile de soupçonner vos origines vietnamiennes…
Qui pourtant sont bien réelles ! Mon grand-père français, médecin anesthésiste, a rencontré ma grand-mère à Saigon lors de la guerre d’Indochine. Ils sont tombés amoureux et elle est revenue en France avec lui. De cette union sont nés six enfants, dont ma mère qui est la cinquième de la fratrie. Dans la famille, tout le monde est métis sauf moi ! Si ma petite sœur est très typée, j’ai pour ma part hérité du côté italien de mon père. Toujours est-il que lorsque j’étais enfant, les gens croyaient que ma mère était ma nounou…
Quel genre de petite fille étiez-vous ?
Une enfant très timide, polie, studieuse, introvertie, qui ne comprenait pas la double culture de ses parents. J’avais d’un côté un papa expansif, charmeur, plein de chaleur humaine et de sensualité, et de l’autre une maman pétrie de culture asiatique très discrète, pudique, réservée à l’extrême qui ne montrait jamais ses sentiments. Comme à l’âge de sept ans, personne ne pouvait m’approcher, maman m’a inscrite à un cours de théâtre. Le jour du spectacle de fin d’année, j’étais tellement bloquée qu’aucun son n’est sorti de ma bouche ! Je trouvais la démarche impudique. Ma première expérience théâtrale s’est arrêtée là.
On peut dire que depuis, dans l’art de la conversation, vous vous êtes bien rattrapée !
Très curieusement, entre huit et quinze ans, je suis devenue une véritable tornade blanche doublée d’un moulin à paroles ! Pourtant, à la maison, il y avait toujours beaucoup de pudeur et l’on continuait à ne pas exprimer ses émotions. À 15 ans, c’est moi qui ai alors demandé à faire du théâtre, mais avec des adultes. J’avais l’impression que contrairement à des adolescents de mon âge, ils ne me jugeraient pas. J’ai présenté Les Mains sales en fin d’année avec, pour la première fois, la sensation d’exister, de pouvoir enfin exprimer mes émotions.
C’est à ce moment-là que vous décidez de devenir actrice ?
Non, pas du tout. À ce moment-là, ma famille vivait à Montpellier. Ma mère avait un petit atelier de couturière retoucheuse et mon père une société d’import-export qui avait fait faillite. Du coup, je me disais qu’il fallait m’orienter vers un métier solide et ne m’autorisais pas à embrasser une carrière artistique tellement aléatoire ! J’ai donc obtenu un Deug de biochimie.
Tout en suivant les cours du Conservatoire de Montpellier !
Et en jouant déjà dans un café-théâtre ! Maman avait repéré une annonce dans un journal de Montpellier. Elle m’a encouragée à passer l’audition. J’y suis allée et j’ai été prise ! Je menais donc de front faculté, café-théâtre et conservatoire. À 19 ans, j’avais déjà mon statut d’intermittente avec quatre représentations par semaine et dissection des grenouilles le matin. J’étais déjà autonome et pouvais payer mon studio toute seule.