Interview

Julie Gayet Une discrète passionnée

Silhouette longue et dédiée, élégance naturelle, Julie Gayet la discrète est, dans la vie, une femme passionnée et engagée. Elle a été choisie cette année pour mettre en scène Les Noces de Figaro dans le cadre d’Opéra en plein air avant de remonter elle-même sur les planches en septembre après vingt-ans d’absence.

Mettre en scène Les noces de Figaro semble vous rendre très heureuse…

Cette proposition m’a particulièrement touchée parce qu’elle faisait appel à deux passions très intimes que sont pour moi le chant lyrique et le classique. Et puis, j’adore prendre des risques. Sortir d’une zone de confort. Ressentir cette sensation vertigineuse qu’on éprouve en se jetant dans la pente. Dans la vie, il faut sans cesse affronter l’inconnu pour se réinventer. Sinon, on reste sur le plat. À travers Les Noces, je souhaite donner à de jeunes chanteurs l’occasion de faire une première prise de rôle de la même façon que j’adore jouer ou produire des premiers longs métrages !

Nombreux sont ceux qui ignorent qu’avant de vous consacrer à la comédie, vous vous destiniez au chant lyrique…

Jusqu’à l’âge de 20 ans, je chantais trois heures par jour. Mes parents, désolés de ne jouer eux-mêmes d’aucun instrument, m’ont orientée vers le piano à l’âge de 8 ans, mais je trouvais cet instrument extrêmement laborieux. Par contre, j’ai toujours été bouleversée par la force et la puissance des voix. Aujourd’hui encore, je peux pleurer en écoutant The Voice. Mon professeur de piano donnait également des cours de chant. J’ai essayé et j’ai tout de suite adoré chanter du classique ! À 14 ans, en travaillant le rôle de Barberine dans Les Noces de Figaro j’avais envie de pleurer mais je me suis rendu compte qu’on ne pouvait pas pleurer en chantant. Mon professeur m’a dit alors : “Si c’est cela que tu veux faire, il faut prendre des cours de théâtre !” Je savais désormais ce que j’allais faire, même si je poursuivais le chant en participant à des concerts privés dans des salons ou des hôtels particuliers.

En quoi le chant lyrique a-t-il influencé le reste de votre vie ?

Le chant lyrique, par le travail intense et la rigueur qu’il nécessite, a constitué la base de mon éducation. Mon professeur, Tosca Marmor, qui avait formé de très nombreux artistes, était une rescapée d’Auschwitz. Je me souviens encore de son numéro de déportée gravé sur son bras. Elle nous avait raconté la longue et horrible marche dans la neige pour sortir du camp. J’admirais son incroyable force de caractère et sa croyance en l’être humain. À 18 ans, j’avais pleinement conscience de la chance qu’était la mienne de gagner ma vie en faisant mon métier dans un monde tellement privilégié.

Comment a réagi votre famille lorsque vous leur avez fait part de votre désir de devenir comédienne ?

J’avais beau avoir connu une enfance douce, élevée simplement par des parents joyeux et aimants, ils n’ont pas été ravis, d’autant que je me destinais à Sciences Po ! Sitôt mon bac en poche, mon père m’a dit : « Si tu veux absolument devenir artiste, oriente-toi plutôt vers le théâtre. Les comédiens ont au moins une certaine culture. Mais ne compte pas sur moi pour te financer ! » Je crois qu’ils étaient surtout très anxieux. Pour vivre et payer mes cours de théâtre, j’étais serveuse dans des restaurants. J’ai même fini comme responsable d’un fast-food ! Parallèlement à mes cours de comédie et à mon travail alimentaire, j’ai fait deux ans d’histoire de l’Art à Tolbiac et j’allais écouter des masters classes au Collège de France. J’avais envie d’apprendre, pas seulement de jouer. Je ne voulais pas me “vider” intellectuellement !

Bio Express

Bio Express

  • Naissance à Suresnes d'un père chirurgien et d'une mère antiquaire. Son grand-père Alain Gayet, décédé récemment, était également chirurgien et compagnon de la Libération.
  • Débute sa carrière en tant que figurante dans Bleu de Krzysztof Kieslowski.
  • Premier vrai rôle dans A la belle Etoile d'Antoine Desrosières. La même année Agnès Varda l'engage pour les Cent et une nuits après l'avoir rencontrée sur le plateau du Cercle de minuit.
  • Delphine 1-Yvan 0 de Dominique Ferrugia la révèle au grand public. Remporte la même année le prix Romy Schneider. Ses préférences l'orienteront ensuite vers des films d'auteur.
  • Epouse le réalisateur argentin Santiago Amigorena avec qui elle aura deux enfants.
  • Fonde sa société de production : Rouge International.
  • Produit et joue 8 fois debout de Xabi Molia.
  • Clip Qu'est ce que ça peut faire de Benjamin Biolay.
  • Enregistre un duo avec Marc Lavoine sur l'album Je descends du singe.
  • Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier.
  • Coproductrice de Grave de Julia Ducournau.
  • Met en scène Les noces de Figaro dans le cadre d'Opéra en plein air. Diffusion sur TF1 de la série Juste un regard, six épisodes de 52 minutes adaptés d'un livre d'Harlan Coben.
  • Rabbit Hole de David Lindsay-Abaire au théâtre des Célestins de Lyon avant une reprise aux Bouffes Parisiens au printemps 2018.
Par Caroline Rochmann. Photos : Stéphanie Slama - Publié le

Vous aimerez sûrement les articles suivants…

Rejoignez-nous sur Instagram Suivre @ParisCapitale