Interview

Lambert Wilson Bien dans sa peau !

En plein tournage d’un biopic consacré au commandant Cousteau qu’il incarne et le retiendra loin de la France jusqu’à la fin de l’année, Lambert Wilson sort le 20 novembre un album consacré à Yves Montand. Pourtant, depuis la prestation éblouissante qui fut la sienne dans Des hommes et des dieux, l’acteur n’a pas vécu que des jours heureux. Des moments difficiles qu’il évoque avec pudeur alors qu’aujourd’hui la vie lui sourit à nouveau.

Vous avez choisi Yves Montand comme thème de votre quatrième album. Quelles en sont les raisons ?

J’avais très envie de monter un nouveau tour de chant. Ne possédant pas de répertoire propre, je dois toujours me référer à un personnage. J’avais, il y a déjà quelque temps, rencontré la veuve d’Yves Montand et le projet me trottait dans la tête. Jusqu’à ce que le directeur de projet de Sony Classique me trouve dans la voix une similitude de tessiture avec celle de Montand et me propose d’enregistrer un album. J’ai dit oui tout de suite ! Avec Bruno Fontaine, nous avons plongé dans son répertoire pour en extraire dix-sept titres. Dans ma famille, on aimait beaucoup la chanson française et ma mère adorait Les feuilles mortes. Je les lui ai chantées dans de nombreuses circonstances, y compris à son enterrement. Justement, alors que tout le monde vous encensait pour votre rôle dans Des hommes et des dieux, vous viviez des moments très difficiles sur le plan personnel… J’ai perdu ma mère pendant le tournage du film. Ensuite, alors que j’étais submergé de travail, je me suis énormément occupé de mon père qui était très âgé et malade. Il est mort un an plus tard le dernier jour des répétitions d’une comédie musicale que je montais au Châtelet. J’ai serré les dents, refusant d’écouter ma douleur. Mais j’étais dans un tel état de surmenage et de tension que le choc a fini par me tomber dessus, comme une bombe à retardement, durant le festival de Cannes 2010. À ce moment-là, j’ai explosé et l’explosion fut d’une violence inouïe, comme si j’avais été renversé par un camion. J’ai sombré dans une dépression dont j’ai mis trois ans à me sortir. J’aurais pu y rester. Un deuil envoie une onde de choc qui doit être vécue normalement. Mettre un tampon par- dessus, s’efforcer de ne pas y penser pour reprendre immédiatement un rythme effréné ne peut qu’avoir des conséquences désastreuses.

 

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Vos rapports avec vos parents, en particulier avec votre père, l’acteur Georges Wilson, n’ont pourtant pas toujours été simples…

Entendre toute sa vie ses parents porter sur vous un jugement négatif n’aide pas vraiment dans la vie. Mon père était très violent, très autoritaire, et ma mère n’osait pas l’affronter pour me défendre. Du coup, j’étais envahi d’émotions négatives et j’ai passé ma vie à vouloir plaire à mes parents, à tenter de les épater. Je voulais tellement qu’ils m’admirent ! Aujourd’hui, je n’éprouve plus de colère vis-à-vis de mon père. Sa vie a été très dure. Il a eu une enfance misérable, étant orphelin de très bonne heure. J’imagine que cela devait être difficile pour lui de voir son fils sur son terrain d’action qui risquait de salir son nom par manque de talent…

Mais c’est incroyable ce manque de confiance en vous !

Enfant, j’avais un frère, de deux ans mon aîné, que mon père adorait. Moi, j’étais un petit gros assez malhabile, complexé et mal dans sa peau. J’ai mis longtemps à me débarrasser de mes inhibitions. J’étais trop lisse, assez raide, avec un côté bon élève qui venait de mon éducation. Disons que jusqu’à 40 ans, je m’étais installé dans un narcissisme complaisant. J’étais très attaché à l’apparence, trouvant déjà formidable que l’ex-petit gros complexé que j’étais puisse être photographié ! Ce n’est qu’à partir de cet âge-là que j’ai laissé “tomber la cravate”. Maintenant je me moque complètement de mon image. Je préfère montrer mon humanité. En fait, j’étais comme un meuble qui avait besoin de se patiner ! (rires).

Aujourd’hui, vous semblez beaucoup plus serein…

Avec le recul, même si la prise de conscience a été très douloureuse, je considère ce qui m’est arrivé comme une bénédiction ! J’ai abandonné des ambitions inutiles, comme celle de faire une carrière internationale en passant des mois entiers dans un hôtel d’Amérique du Nord à espérer d’éventuels essais, par exemple. Je n’ai plus besoin de m’impressionner ni d’impressionner mon père. Je n’aspire qu’au bonheur et je sais où il est. La vie est courte et il faut savourer le temps dont on dispose. Je me souviens que très jeune, à l’école de théâtre où j’étudiais à Londres, un professeur m’avait dit : « Tu as du talent, mais pas assez de cicatrices. » Et bien maintenant, je les ai ! Mon vécu me sert et j’ai l’impression d’être un récipient plein.

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Dès demain, vous repartez en Afrique du Sud pour continuer le tournage de L’Odyssée, le film consacré au commandant Cousteau aux côtés de Pierre Niney et Audrey Tautou…

J’ai perdu huit kilos pour ce film pour lequel j’ai appris également à faire de la plongée. J’ai lu absolument tout ce qui existait sur le commandant Cousteau, un rôle qui pèse lourd sur les épaules. Nous avons aussi rencontré beaucoup d’anciens membres de son équipe des gens très doux, très calmes et très pédagogues. L’un d’entre eux, qui a passé quinze ans avec lui, a même nagé avec les requins blancs ! Aujourd’hui, j’apprécie chaque minute de ce que je fais. Je ne veux plus être dans l’obligation mais uniquement dans le plaisir de faire les choses.

Je n’aspire qu’au bonheur et je sais où il est…

Bio Express

Bio Express

  • naissance à Neuilly
  • études d'acteur, de chant et de musique à la Centrale Saint Martins college of Art and Design de Londres
  • Rendez-vous d'André Téchiné
  • Hiver 54, l'Abbé Pierre de Denis Amar
  • On connaît la chanson d'Alain Resnais et sortie de son album Démons et merveilles
  • met en scène Bérénice avec Kristin Scott Thomas
  • Palais Royal de Valérie Lermecier
  • Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois
  • Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay avec Fabrice Luchini
  • Tout de suite maintenant de Pascal Bonitzer avec Isabelle Huppert
  • La vache de Mohamed Hamidi et L'Odysée de Jérôme Salle
Par Caroline Rochmann. Photos : Stéphanie Slama - Publié le

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