Pourquoi ce parcours dédié aux photographes femmes est-il important ?
Ce parcours est important car en tant que directrice d’institution et historienne de l’art, il faut parler de la présence des femmes et donner plus de visibilité à leurs œuvres, que ce soit dans le cadre d’une foire ou des institutions. Cela prend tout son sens dans le cadre d’une foire pour l’influence que cela peut avoir sur les collectionneurs et sur leurs collections. Les femmes ont souffert d’une invisibilité et c’est notre rôle de les faire entrer dans l’histoire.
Avez-vous vu une évolution de la visibilité des femmes photographes dans Paris Photo depuis la création de Elles ?
Depuis que Paris Photo a lancé le programme Elles, on a vu le pourcentage d’œuvres de femmes photographes augmenter, encore trop doucement. On était à 20 % il y a quatre ans et 32 % aujourd’hui. Les femmes sont encore clairement minoritaires. Il est donc important de poursuivre ce programme. Car dans les galeries comme dans les musées, la programmation masculine se faisait par défaut. Directrice du musée de Locle en Suisse, ma programmation, qui va ouvrir au mois d’octobre, est exclusivement féminine. Il est nécessaire de faire entrer les femmes aussi bien dans les expositions, les publications que dans les collections.
Est-ce que ce sont les femmes à la tête des institutions qui font évoluer cette visibilité ?
Cette question est le sujet de l’une des Conversations dans le cadre de Paris Photo : “Est-ce aux femmes d’assurer une meilleure reconnaissance aux femmes artistes ?” Quand on regarde de plus près, on se rend compte que les commissaires d’expositions exposant des femmes sont plutôt des femmes. Donc oui, aujourd’hui, je me rends compte que ce défrichage a été fait par des femmes en particulier. C’est le cas au Centre Pompidou par exemple. C’est une réalité.
Comment avez-vous réalisé ce parcours ?
En tant qu’historienne de la photographie, il est important de réunir des œuvres qui sont à la fois historiques et contemporaines. C’est la richesse de Paris Photo. Donc, je trouvais important que le parcours réunisse des travaux de toutes ces périodes. J’ai donné une place au XIXe siècle en commençant le parcours avec
l’œuvre d’Anna Atkins qui est la contemporaine en Angleterre de William Henry Fox Talbot, l’inventeur de la photographie. On a même découvert très récemment qu’elle a réalisé le premier ouvrage sur l’histoire de la photographie avant même Talbot ! J’ai retenu des travaux de l’entre-deux-guerres, période importante où les femmes travaillaient comme photographes, obtenaient des commandes, publiaient beaucoup comme l’Allemande Anneliese Kretschmer. Mais certaines ont complètement disparu. J’ai choisi aussi des travaux des années 1970 comme une très belle œuvre d’Orlan de 1967, parce que j’ai observé que les galeries reviennent cette année à Paris Photo avec des travaux féministes de la première génération. Ensuite, nous arrivons à la période contemporaine avec entre autres l’Américaine Sally Man, comme l’Espagnole Pilar Albarracin ou l’Africaine du Sud Dimakatso Mathopa.