Interview

Sae Eun Park étoile sans frontières

Première danseuse coréenne nommée étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, Sae Eun Park est au sommet de son art. Sa technique est saluée de toute part, son charme discret fait le reste. Elle sera à l’affiche du Palais Garnier pour le programme Ashton/Eyal/Nijinsky/ à partir du 29 novembre. Rencontre.

Comment la danse est-elle entrée dans votre vie ?

Ma mère est professeur de piano et mon père un grand amateur de musique classique. J’ai baigné, enfant, dans la musique. Un jour on m’a emmené voir Casse-Noisette. J’ai tout aimé, mais surtout les costumes ! Tout naturellement j’ai demandé à prendre des cours de danse. Même si la première leçon était décevante, pas de tutu, juste une sorte de maillot de bain. Puis à 13 ans, je suis entrée l’école d’art à Séoul. On y apprend les danses classiques, modernes ou traditionnelles, mais également le dessin ou la musique.

Qu’avez-vous appris alors ?

À utiliser le potentiel de mon corps, à gérer ma concentration. Je crois être très sensible à la musicalité, je tiens cela de mes parents. Et cela m’a aidé.

Peu à peu, vous tentez des concours.

D’abord à Séoul. Nos professeurs nous invitaient à nous présenter. Bien classée, je voyais une opportunité d’apprendre. Après, j’ai concouru à Pékin ou aux États-Unis. Je le faisais sans trop réfléchir. Mais c’est quand même le meilleur moyen de se faire remarquer !

En 2007, vous gagnez le grand Prix du Concours de Lausanne puis vous êtes engagée par l’American Ballet II. La petite danseuse de Séoul prend son envol ?

J’ai surtout été très heureuse à New York. Je n’étais pas aussi sérieuse que j’aurais dû l’être. Tout m’amusait sur place. À l’école on étudiait aussi les comédies musicales et je me suis mise à tout voir sur Broadway. J’y dépensais l’essentiel de mon argent. Il y a eu des moments de solitude aussi. Hélas, je n’ai pas été engagée par la suite. La chance a voulu que la directrice du Ballet National de Corée m’appelle. Me voilà soliste sans passer une audition ! Mais je savais également que je désirais repartir, me former ailleurs. Je me suis présentée à Varna, le plus couru des concours en Europe, et j’ai obtenu la médaille d’or. Cela faisait une ligne en plus dans mon CV !

Roméo et Juliette Rudolf Noureev Ballet de l’Opéra national de Paris

Mais c’est à Paris que vous décidez de postuler ?

J’avais entendu parler de ce concours ouvert à tous et j’ai répondu. Lorsque j’ai appris que j’étais invitée à me présenter j’ai regardé les vidéos des étoiles de l’Opéra de Paris. Cela a été un choc.

Pourquoi ?

Notre formation en Corée est très influencée par le style russe, l’école Vaganova de Saint Pétersbourg. Mes professeurs étaient d’ailleurs des solistes du Mariinsky. Le Ballet de l’Opéra de Paris, c’est la tradition française, une élégance à part. Un autre style que j’ai adoré. J’espère que c’est le mien aujourd’hui.

Arriver à Paris sans rien connaître de la ville, sans parler la langue ce doit être un vrai défi ?

Mon français en arrivant c’était ABCD, et rien d’autre ! Mais je parlais anglais donc cela a été ma langue au départ. Je suis tombée amoureuse de Paris. Je sais que les Français ont une certaine réputation… Disons que vous avez un fort caractère. Mais je trouve justement cela honnête, j’aime la sincérité. Et j’aime apprendre. J’ai été “remplie” de Paris.

À partir de quel moment avez-vous considéré l’Opéra de Paris comme votre “maison” ?

Assez tôt en fait. Les tournées, paradoxalement, aident beaucoup à se sentir chez soi. On va passer 3 ou 4 semaines tous ensemble, la journée, le soir au théâtre. Le Ballet de l’Opéra de Paris devenait ma famille. J’ai hâte de repartir en tournée car avec la crise sanitaire nous en avons été privées.

Vous venez d’être nommé étoile. Cela veut dire que vous êtes au sommet. Mais également que vous devez le rester.

À mes yeux, il s’agit avant tout de ne plus avoir à prouver quoi que ce soit. J’ai montré pendant dix ans mes capacités, mes progrès, mon envie. Vous êtes constamment jugée, il y a le concours de promotion interne chaque année, les classements. Ce n’est pas ce que je préfère… La danse, à mon goût, c’est la communication avec le public, exprimer ses sentiments.

Comment vous préparez-vous à un rôle ?

Je ne suis pas du genre à stresser. Je peux regarder des vidéos avec des anciens danseurs, lire également s’il s’agit d’un ballet narratif. Après, j’écoute et j’échange avec les répétiteurs ou répétitrices. Lorsque vous dansez George Balanchine, il faut comprendre sa musicalité. Pour Ashton, que je répète actuellement, idem.

Lors de vos vacances d’été en Corée, quel a été l’accueil ?

Disons que j’ai été très sollicitée ! Pendant 15 jours je ne faisais que répondre aux demandes d’interviews, j’en donnais six par jour. De la folie ! Et j’ai dit stop. J’avais besoin de passer du temps avec ma famille, mes amis.

Que peut-on vous souhaiter pour les saisons à venir ?

D’éviter les blessures. Et de beaux rôles. Je rêve de rencontrer William Forsythe ou de danser le Sacre du printemps de Pina Bausch

sae eun park étoile
BIO EXPRESS

BIO EXPRESS

  • Académie Nationale de Ballet de Corée
  • Grand prix de Lausanne.
  • arrive à Paris
  • est engagée dans le corps de Ballet de l’Opéra de Paris
  • devient première danseuse de la compagnie
  • est nommée le 10 juin étoile à l’issue d’une représentation de Roméo et Juliette à l’Opéra Bastille.
Par Philippe Noisette - Publié le

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