Promenade

Paris Design Week 2023

Avec 350 lieux et 450 participants, la treizième édition de la Paris Design Week célèbre, du 7 au 16 septembre, l’extravagance, l’audace et l’humour, le tout entraîné par le dynamisme du thème 2023, Enjoy ! De la rive droite à la rive gauche, découvrez les coups de cœur arty de Paris Capitale.

La promenade Rive droite débute sous la verrière Art déco de la célèbre maison Tajan (37, rue des Mathurins, 8e) qui consacre sa grande vente de rentrée à l’exposition “50 Céramiques 50”. Attention, les pièces des grands maîtres de l’âge d’or des années 50, comme Picasso, Georges Jouve, Colette Guéden et Suzanne Ramié, seront dispersées le 19 septembre ! Place de la Concorde, dans le cadre de Design sur Cours, l’Hôtel de la Marine, merveilleusement rénové, met en scène la virtuosité de Jeremy Maxwell Wintrebert, artiste franco-américain, Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® en 2019. Dans la cour d’honneur de ce joyau d’architecture du XVIIIe siècle, Magma, son installation de 80 disques dorés et argentés en verre soufflé à main levée, représente la formation d’une étoile, créant un dialogue entre le passé et le présent, à voir du 8 au 19 septembre.

De leur côté, les jeunes talents de la céramique contemporaine se rassemblent dans “Nouveaux décors” à la gale- rie Hors Séries (91, rue Saint-Honoré, 1er). Ils présentent une centaine de pièces uniques et d’éditions limitées sur les thèmes du jardin et des boîtes. Les galeries d’art participent de plus en plus à cette manifestation créée il y a déjà treize ans par le salon Maison&Objet. Et la déambulation atteint vite le Marais. Ainsi, l’Institut suédois (11, rue Payenne, 3e) accueille l’exposition “Fine Dying” par Misschiefs, la plateforme féministe fondée en 2020 par la Franco-Suédoise Paola Bjäringer. Dans une atmosphère loufoque, une table spectaculaire présente les créations de neuf artistes et designers : Isa Andersson, ButchXFemme, Klara Fahrman, Popline Fichot, Maria

Pita Guerreiro, Lotta Lampa, Anna Nordström, Yngvild Saeter et Sara Szyber. Un peu plus loin, l’antre sombre et exceptionnel de la boutique L’Éclaireur (40, rue Sévigné, 3e), qui depuis trente ans allie art, design et mode d’avant- garde, révèle l’exposition “Tables : A Model from surface to Volume”, soit quinze noms du design et de l’architecture choisis par le directeur artistique de la maison, Amine Amharech. Alors que la Galerie Joseph (116, rue de Turenne, 3e) présente “Everyday Paradise”, avec le pré- cieux regard de Li Edelkoort sur l’artisanat engagé brési- lien, les pièces toujours merveilleuses et poétiquement irisées de Pierre Bonnefille, elles, se partagent en “Rhizome(s)” dans sa galerie du 5, rue Bréguet dans le 11e arrondissement, jusqu’au 22 octobre. La curiosité amène vite la flânerie de l’autre côté de la Seine où, dans le bassin du jardin du Palais Royal (1er), Réflexions, l’œuvre étourdissante de l’artisan verrier Emmanuel Barrois surprend avec un échafaudage tridimensionnel en verre de 15 mètres de haut sur lequel 6 000 mètres de prismes transparents sont entremêlés, à voir du 7 au 14 septembre.

Rive gauche, la balade se poursuit

À peine le pont traversé, découvrez, au 33 quai Voltaire (7e), les “Œuvres d’Art Portatives” pour femmes et pour hommes de Gabriela Sismann, d’incroyables pièces anciennes revisitées avec le savoir-faire d’aujourd’hui pour devenir de véritables ornements contemporains. À quelques enjambées, au 30 rue de Lille (7e), les miroirs de Nicolas et Sébastien Reese, les appliques, lampes et sculptures des céramistes Isabelle Sicart et Helle Damkjaer, mises en regard de pièces design du XXe siècle, nouent un dialogue de haut vol cher à la galeriste Carole Decombe. Au numéro 16 de la rue des Saints-Pères (7e), la galerie MiniMasterpiece, réputée, depuis 2012, pour ses bijoux d’artistes et designers de renom, dévoile “Format Raisin”, la première exposition personnelle de bijoux-sculptures de Maïlys Seydoux-Dumas. Enfin, pour sa première participation à Paris Design Week, Jean-Marc Lelouch, un passionné des arts décoratifs du XXe siècle, livre au regard des visiteurs de sa galerie (11 quai Voltaire, 7e), des pièces d’exception réalisées en collaboration avec ses artistes les plus représentatifs, Romain Barré, Thomas Lelouch et Clémence Mars.

Pendant dix jours, les amateurs de design et de déco ultra-stylée vont pouvoir assouvir leur passion et vivre au rythme du design depuis les traditionnels faubourgs parisiens du meuble aux nouveaux repères de la classe créative. Entre les boutiques éphémères de grandes marques de décoration, les installa- tions temporaires, les rencontres de créateurs, les nombreux vernissages, chacun devrait trouver son bonheur.


 

MATALI CRASSET
Le design en partage

Designer de renommée internationale, Matali Crasset œuvre depuis les années 1990 à la croisée d’une pratique artistique, anthropologique et sociale. Elle vient de prendre la direction artistique du Nouveau Printemps de Toulouse et de donner vie à la Ferme Hi Bride dans le Luberon. Pour l’opéra de Bordeaux, elle se lance, cet hiver, dans la conception scénographique avec le ballet romantique Giselle. Ses deux expositions parisiennes, à la Fondation Le Corbusier en septembre et à la galerie Philippe Valentin en décembre, poursuivent son même désir : créer du lien.

Quelle est votre pratique du design ?

Matali Crasset : Il y a un certain temps, je disais que le design servait à améliorer l’habitabilité du monde. Mais avec ce qui nous arrive, ce n’est plus la bonne définition. Aujourd’hui, je dirais plutôt que c’est un outil critique pour faire de la transition et questionner les choses.

Vous réalisez en septembre une exposition dans le par- cours de Paris Design Week à la Fondation Le Corbusier. Quelle a été votre approche ?

Matali Crasset : Je me suis dit qu’il fallait montrer dans ce lieu des choses qui sortent du cadre. Faire un pas de côté. Cela m’a pous- sée à réfléchir et à me remettre en question. Le Corbusier place l’homme au cœur de l’espace, moi, je me suis dit que ce n’était plus une chose à faire.

Pourquoi avoir intitulé votre exposition à la Fondation Le Corbusier “L’Antretemps” ?

Matali Crasset : J’aime bien l’idée de faire pousser quelque chose entre différentes temporalités. En même temps, un antre, c’est un lieu dans lequel on vient se réfugier.

Quel est votre projet avec “L’Antretemps” ?

Matali Crasset : Chaque fois que je me lance dans un nouveau projet, notamment les expositions, je me force à créer quelque chose que je n’ai jamais fait. J’ai donc décidé, dans cette exposition, de m’ancrer dans un récit. J’ai créé une communauté fictive, car il y a toujours cette idée de partage qui m’habite. Cette communauté se déplace aux endroits où il y a des catastrophes écologiques et son but est d’accélérer les prises de conscience, de changer l’état d’esprit des gens.

Comment appeler cette démarche ?

Matali Crasset : On peut dire que c’est une “écotopie”. J’aimerais proposer un voyage à travers de faux documents, de faux espaces, et j’essaie de le faire avec de la fantaisy, ce qui n’est pas de la science-fiction, mais un récit appropriable qui ne fait pas peur. Le rôle du designer c’est aussi l’affordance, c’est-à-dire trouver la façon de s’exprimer pour que cela puisse advenir.

En décembre, vos travaux vont aussi être exposés à la Galerie Philippe Valentin ?

Matali Crasset : C’est une collaboration avec une galerie de Rennes, MICA x LAB. Le titre de l’exposition est le nom du premier pro- jet “Si nous avons oublié le pain en chemin”. J’ai trouvé une typologie d’objets qui s’appelle la panetière, et l’idée de refaire une panetière contemporaine et d’en montrer des anciennes du XVIIIe siècle me plaît beaucoup. J’aime beaucoup l’idée que le pain retrouve sa place dans l’espace. Dans une pièce, toute la communauté d’artisans MICA sera présente avec leurs portraits. Ils défendent l’ancrage et les réseaux locaux. C’est encore une histoire de communauté, autour du pain, cette fois.

La Manufacture de Sèvres vous a invitée en 2018 à réaliser des œuvres en céramique, comment l’avez-vous abordé ?

Matali Crasset : En me promenant dans la vaste bibliothèque de “formes” qu’est la manufacture de Sèvres, j’ai identifié des vases qui me sont apparus anthropomorphes et que j’ai souhaité associer à d’autres en les imbriquant dans une idée d’hybridation. Les combinaisons sont multiples de sorte que le second vase vient habiller le premier. Prolongeant l’analogie avec la couture, je “coupe”, je “taille” dans les vases avec l’aide des artisans, les évidant, développant des jeux d’ombres et de lumières, de pleins et de vides. L’opération est renouvelée plusieurs fois, de façon à donner naissance à un “défilé” de silhouettes.

Qu’est-ce que Paris représente pour vous ?

Matali Crasset: Je viens d’un village de 80 habitants. Monter à Paris était mon rêve. Quand on est à Paris, il y a une tension que j’aime bien, qui génère des projets.

Vous avez donné une nouvelle vie aux kiosques parisiens en 2017, quel projet aimeriez-vous développer aujourd’hui dans la capitale ?

Matali Crasset: Je pense qu’il serait intéressant que, nous, designers, ayons la possibilité de participer aux enjeux de notre quartier. Les terrasses nées du Covid, par exemple. Plutôt que de les interdire et de donner des normes à cause de l’esthétique de Paris, on aurait pu mettre en place un autre système. Il aurait été très simple de regarder qui habite le quartier et mettre en place des designers référents pour trouver une singularité pour les terrasses. Il pourrait y avoir d’autres modes de fonctionnement, un échange, qui nous permettrait aussi de nous ancrer dans le quartier. Il y a d’autres choses à imaginer.

Qui aimeriez-vous mettre en valeur à Paris ?

Matali Crasset : Le boulanger pâtissier avec lequel je travaille régulière- ment, Benoît Castel. Il fait un travail essentiel sur le pain et la pâtisserie. J’avais déjà réalisé une bûche de Noël avec lui. Pour mon exposition “Nous avons oublié le pain en chemin”, nous avons travaillé ensemble sur le textile dans lequel on remet le pain pour le réactiver.

Avez-vous un rêve à réaliser ?

Matali Crasset : Non, car jusqu’à maintenant je travaille avec l’envie des autres. Les autres m’entraînent beaucoup plus loin que ce que je projette.

Les adresses de Matali Crasset

Les adresses de Matali Crasset

  • Maison La Roche, Fondation Le Corbusier, 10, square du Docteur Blanche, 16e. Jusqu’au 7 octobre. www.fondationlecorbusier.fr
  • 4, place André Malraux, 1er. www.matalicrasset.com/en/ project/les-capes-manufacture- de-sevres
  • 72, rue Jean-Pierre Timbaud, 11e. 150, rue de Ménilmontant et 11, rue Sorbier, 20e. www.benoitcastel.com.
  • Galerie Philippe Valentin. 9, rue Saint-Gilles, 3e. 2 décembre au 20 janvier 2024. www.galeriechezvalentin.com
Par Anne Kerner - Publié le

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