Spectacles

Adriana Lecouvreur à l’Opéra Bastille

Au XVIIIe siècle, la langue française n’eut eu pas de plus grande ambassadrice qu’Adrienne Lecouvreur. Souveraine des tragédiennes aux yeux de Voltaire éperdument amoureux, elle libéra les vers de Racine et Corneille de la déclamation chantée imposée par la Comédie- Française au profit d’une émouvante simplicité de ton. La vérité, agrémentée de passion, avec laquelle elle servit les Classiques, l’accompagna sur le dangereux territoire du jeu amoureux où, dans son rôle de maîtresse du Maréchal de Saxe, elle se piqua à la jalousie de la duchesse de Bouillon.

Opéra Bastille

Place de la Bastille, paris 12e
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Sociétaire de la Comédie-Française, admirée par Voltaire, sa vie fut aussi brève que sa mort mystérieuse à 38 ans. Fut-elle vraiment empoisonnée par un bouquet de violettes envoyé par sa rivale, la princesse de Bouillon, amoureuse du même homme qu’elle : Maurice de Saxe ? Telle est en tout cas la trame de la pièce d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé dont s’inspirent les librettistes de Francesco Cilea.

Créé au Teatro Lirico de Milan, le 6 novembre 1902, cet opéra en quatre actes qui repose sur une musique de Francesco Cilea et un livret de Arturo Colautti, d’après la pièce d’Eugène Scribe, Adrienne Lecouvreur (1849), offrit à la soprano Angelica Pandolfini (Adriana Lecouvreur) et au célèbre ténor Enrico Caruso (Maurice « Maurizio » de Saxe l’un de leur plus beaux rôles. L’histoire s’inspire de la rivalité, historiquement authentique, qui opposa la Princesse de Bouillon et la comédienne Adrienne Lecouvreur, célébrée par Voltaire.

Fille d’une blanchisseuse, Adrienne Lecouvreur débute au théâtre de Lille, puis vient à Paris où elle se fait remarquer lors de ses débuts dans la cour de l’hôtel de Sourdéac, rue Garancière à Paris. Elle y joue Mithridate de Jean Racine, le 14 mars 1717. En juin de la même année, elle entre dans la troupe de la Comédie-Française.  Elle a une liaison amoureuse avec Maurice de Saxe, qui lui vaut la haine fatale de sa rivale, la duchesse de Bouillon, et avec Voltaire dont elle interprète plusieurs tragédies. En 1730, sa santé se délabre. Elle s’évanouit pendant une représentation. Elle fait encore l’effort d’interpréter Jocaste dans l’Œdipe de Voltaire, mais meurt peu après. Le bruit court qu’elle a été empoisonnée à l’instigation de la duchesse de Bouillon. Depuis sa création, l’œuvre de Francesco Cilèa n’a jamais quitté le répertoire international et a tenté les plus grandes tragédiennes lyriques, notamment Magda Olivero qui tint le rôle de 1939 à 1972.

Produite au Royal Opera House à Covent Garden en 2010, reprise à Barcelone (2012), donnée au Metropolitan (2019),  à l’Opéra national de Paris (2015 et 2020), à Vienne (2021) et à la Scala de Milan (2022), on est extrêmement heureux de retrouver cette magnifique production dans cette mise en scène de David Mc Vicar, aussi raffinée qu’un tableau de Watteau et qui ressuscite un XVIIIe siècle bouillonnant où les passions de la vie sur scène font échos aux passions de la vie réelle. Plaisir d’autant plus satisfaisant que la toute nouvelle distribution s’annonce très haut de gamme. Le rôle d’Adrienne nécessite une grande chanteuse tragédienne, capable de dire et projeter des récitatifs et des airs. Ce que devrait être à partir du 16 janvier, Anna Pirozzi en alternance avec Anna Netrebko l’une des sopranos les plus douées de sa génération que l’a vu triomphé à l’Opéra de Paris dans l’Elixir d’Amour (2009), Le Trouvère (2016), Eugène Euniguine (2017) et la Force du Destin (2022). Anna Netrebko est une vraie diva, consciente de l’être, même si elle avoue que cela la gêne qu’on la nomme ainsi, eu égard aux connotations négatives du mot.

Sa voix a beaucoup évolué au cours de sa carrière lui permettant d’aborder avec succès des rôles de plus en plus lourds du répertoire, tels que Aida, la Lady de Macbeth, Tosca, Turandot. En alternance avec Giorgio Berrugi découvert ici même dans Madame Butterfly (2019), on retrouvera Yusif Eyvazov ténor très expressif au timbre solaire dans le rôle de Maurizio. Côtés pointures, on a hâte de retrouver la mezzo soprano Ekatarina Semenchuk (en alternance avec Clémentaine Margaine !), Ambriogio Maestri ,modèle de diction, de bonhomie, d’humanité qui devrait lui triompher dans le rôle de Michonnet. Si on ajoute à cela les décors de Charles Edwards, les costumes de la designer Brigitte Reiffenstuel  (ils ont crée la production à Covent Garden en 2010 !), et une direction d’orchestre confiée à Jader Bigamini, ces huit nouvelles représentations raisonnent déjà aux airs de triomphe. Pensez à réserver !

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