Nolinski
Pour autant, Nolinski Venezia n’est pas un palace comme les autres dans la cité des Doges, c’est un lieu à vivre pour les habitants et les hôtes de passage, qui fait corps avec la Venise plurielle, moderne et éternelle. Il est vrai que le bâtiment érigé en 1929 pour abriter la Bourse de Commerce, mixant Art nouveau (Stile Liberty en Italie) et Art déco, a lui-même une longue histoire dont on imagine sans peine le rôle crucial pour la cité lacustre. La belle façade terre de sienne ornée de créatures abyssales rappelle l’importance de la mer qui embrasse la lagune et lui ouvre les voies sur l’ailleurs. À l’intérieur, 43 chambres, dont 13 suites (certaines dotées de jolies terrasses), viennent offrir au voyageur un luxe convivial, inscrit dans le patrimoine vénitien, tourné vers l’avenir grâce au travail symbiotique de l’architecte Alberto Torsello – Compasso d’Oro 2018 – en charge du bâti classé, et des designers Yann Le Coadic et Alessandro Scotto pour la décoration intérieure. Lesquels ont fait merveille avec le préexistant sans jamais toucher à la structure. « Nous nous sommes joués des contraintes. Ce n’est pas nous qui avons dicté l’architecture d’intérieur, c’est le bâtiment qui nous l’a imposée », complète Emmanuel Sauvage. L’ancien – stucs et Marmorino, marbres, terrazzo, vitraux, boiseries, ferronneries et huisseries ouvragées – cohabite en osmose avec le mobilier moderne mâtiné de touches seventies, dans une palette de tons délicats, poudrés, toujours relevés d’un élément en velours chamarré. L’esprit est tout à fait intemporel, dans les espaces privés et publics, à commencer par le lobby à la fois grandiose et confidentiel. Et la décoration n’est pas seule en cause, les touches de vie, les bibelots et œuvres d’art anciens et contemporains chinés par la galeriste Amélie du Chalard, les livres soigneusement choisis par le libraire Anatole Desachy (vingt à trente par chambre, une quarantaine dans les suites dont certains en exemplaire unique) viennent habiter l’hôtel et nourrir l’imagination du voyageur, dans un sentiment de quiétude comme à la maison.
« L’idée était de créer une collection d’art comme celle d’un voyageur esthète qui rapporterait des objets du monde entier et de toutes les époques »
explique Amélie du Chalard. Pour Anatole Desachy, qui a également pourvu le Bar Biblioteca de quatre mille ouvrages dédiés pour une part à l’histoire de Venise, à l’art, au design, à la photo, à la mode, pour l’autre aux romans voyageurs, il s’agissait de créer « une bibliothèque totalement unique, comme quelqu’un aurait pu la constituer en voyageant, en achetant à droite à gauche, dans des musées, chez des bouquinistes… et ce, durant toute une vie. » Couronné d’une fresque onirique de Simon Buret, le bar est le décor rêvé pour déguster les cocktails imaginés par le mixologue Jérémy Bacquet, directeur de la création Bar chez Evok. « J’aime que les espaces communs vivent, soient occupés, et être libre d’y circu- ler. J’apprécie peu l’idée de lieux cloisonnés, réservés au jour ou au soir. J’aime que tout soit interconnecté. Notre Bar exprime cette idée d’ouverture, de liberté, de service avant tout. » Ainsi en est-il également d’Il Caffè et de son patio, où l’on sert à toute heure une carte typique revisitée par Philip Chronopoulos, chef deux étoiles du Palais Royal Restaurant à Paris, qui orchestre aussi celui gastronomique du futur Nolinski Venezia, lové dans un grand Colisée ponctué d’arches, qui ouvrira ses portes à la fin du premier trimestre 2024 . « C’est le grand restaurant dans toute sa splendeur : par le lieu avec sa double hauteur, par le service et les temps de service. À Venise, contrairement à Paris, on a le temps de laisser filer le temps, et l’on profite de celui consacré au dîner. On s’habille, on se pare de bijoux, on prend encore le soin de s’apprêter pour sortir », observe Emmanuel Sauvage. Dans l’assiette, l’hôte découvre des mets délicats qui traduisent les amours du chef pour la France, la Grèce, son pays natal, mais aussi « le terroir italien et ses spécialités que l’on trouve rarement au restaurant, même en Italie », précise-t-il. Enfin, parce que le bien-être passe aussi par le corps, qu’il se prolonge dans l’abandon de soi, le troisième étage accueille un Spa La Colline, d’inspiration ottomane tout comme l’est le splendide bassin aurifère au dernier étage, serti dans un décor de béton brut et d’or, où une myriade de fenêtres à 360 ° offrent en ligne de mire la toile parfaite des toits vénitiens.