Parfums

Dior : L’Or de J’adore Création Francis Kurkdjian

Francis Kurkdjian, directeur de la création des Parfums Dior, signe L’Or de J’adore, une variation inédite de J’adore, la fragrance mythique de la maison de couture. Rencontre avec le parfumeur autour de ce nouvel opus.

Depuis fin 2021, Francis Kurkdjian a l’immense responsabilité et la grande chance de créer les parfums de la maison Dior. Il signe L’Or de J’adore, une nouvelle histoire pour ce monument de la parfumerie française. Se glisser dans les pas de son créateur pour en trouver les ressorts de modernité, voici la démarche de ce magicien des senteurs qui a souhaité une variation libérée du superflu en zoomant sur les fleurs, ingrédients essentiels du parfum et totems fétiches du couturier fondateur. Cette nouvelle fragrance est plus pulpeuse, plus veloutée, solaire, lumineuse et “propre” selon ses mots.

Comment avez-vous imaginé L’Or de J’adore ?

Francis Kurkdjian : « J’ai eu la chance d’assister à la naissance de J’adore en 1999. Je partageais le bureau de sa créatrice Calice Becker à New York. J’étais un tout jeune parfumeur avec deux ans d’expérience seulement. À mon arrivée chez Dior, je me suis senti investi d’une mission : celle de ne pas trahir l’histoire du parfum original dont je connais la formule presque par cœur, ni les immenses expériences et talents de Calice Becker. Pour cette nouvelle aventure, je souhaitais revenir aux fondamentaux de J’adore, son bain d’or liquide si mythique. Cette matière est ancrée dans l’histoire de la maison. Jean Cocteau disait, bien avant que le couturier ne lance son fameux New Look, que le nom de Christian Dior était composé de deux mots : dieu et or. J’avais en tête l’idée de purifier l’or. Lors de sa création, J’adore était un bouquet 100 % floral dont le nez ne retient que les essences florales. Au cours de son histoire, ce parfum s’est un peu éloigné de cet “absolu” de fleurs. Je souhaitais revenir à sa genèse, retrouver quelque chose d’abstrait dans le figuratif.  »

Qu’avez-vous souhaité apporter à cette fragrance iconique qu’est J’adore ?

Francis Kurkdjian : « Comme L’Or de J’adore est une essence de parfum, j’ai travaillé comme si je créais un extrait, concentrant les ingrédients. J’ai voulu pour L’Or de J’adore arriver au même résultat que si je purifiais de l’or. En le chauffant, on débarrasse ce métal de toutes ses impuretés. Pour le parfum, j’ai eu envie d’un sillage plus concis avec une formule plus radicale comme lavée de notes superflues. En resserrant la composition, je suis passé d’une myriade à l’épure pour revenir à la quintessence olfactive et n’en retenir que l’essentiel : le jasmin, la rose, l’ylang-ylang, le muguet et la violette. L’Or de J’adore, ce sont uniquement des fleurs qui composent un bouquet ultra-volumineux comme maximisé. J’ai essayé d’apporter plus de luminosité, plus de sensualité, le rendre plus solaire tout en restant relativement propre.  »

Est-ce un challenge de s’attaquer à un tel monument de la parfumerie ?

Francis Kurkdjian : « Évidemment ! Toute création est un challenge. Créer est un défi très excitant qui vous oblige à sortir de votre zone de confort. Si ce n’était pas le cas, nous serions inévitablement dans la répétition. Une nouvelle aventure olfactive, c’est se faire des peurs, petites certes, mais quand même… Dans tout voyage créatif, il faut prendre en compte de nombreux enjeux comme ceux liés à l’image, aux finances… J’adore est un succès depuis vingt-cinq ans. Ce parfum n’a plus grand-chose à prouver. L’un des secrets d’une certaine forme de réussite est ‘humilité : avant de faire mieux, je vais essayer de faire aussi bien avec L’Or de J’adore. »

Quelle vision aviez-vous de l’univers olfactif de Dior avant d’y rentrer ?

Francis Kurkdjian :  « Dior est une maison de sillages iconiques.De grands parfums ont vu le jour chez Dior comme J’adore, Poison – je me rappelle adolescent l’avoir senti au milieu de l’avenue des Champs-Élysées tellement il eut de succès – Eau Sauvage, Dune, ou encore Fahrenheit. Ils touchent un très large public et sont plutôt genrés. Et il y existe la Collection Privée, terrain de jeu olfactif plus confidentiel. C’est un espace de création où un dialogue plus intime entre Dior et le parfumeur s’installe. Les inspirations pour chaque essence sont liées aux envies du parfumeur. »

Qu’est-ce que J’adore représentait pour vous avant de créer L’Or de J’adore ?

Francis Kurkdjian : « Ce parfum est une forme de perfection du bouquet floral contemporain. Sa composition a redéfini la féminité à travers les fleurs. J’adore est le chef de file de cette famille olfactive. Il n’est pas

étonnant qu’il soit étudié dans les écoles de parfumerie. Et puis, les fleurs sont indissociables de la maison. « Après les femmes, les fleurs sont la plus belle chose que Dieu a données au monde », déclarait Monsieur Dior qui imagina pour elles les lignes baptisées Corolle ou encore Tulipe. Si une personne a un goût modéré pour les fleurs, il sera difficile pour elle de travailler chez Dior.  »

Que souhaitez-vous apporter à ce parfum pour l’avenir ?

Francis Kurkdjian :  « Une aussi belle longévité que son aîné. J’aimerais que les futures vingt-cinq années de la vie de L’Or de J’adore soient remplies de succès et d’émotions qu’il va procurer aux femmes lorsqu’elles vont s’en parfumer.  »

Parlez-nous de votre quotidien créatif chez Dior ? A-t-il été modifié, vous qui étiez jusqu’alors indépendant ?

Francis Kurkdjian : « Auparavant, ma vie était multiple entre les parfums que je créais pour d’autres et ma propre maison. Maintenant, ma vie est plus simple, plus binaire, je dirais. Il y a chez moi et chez Dior. Et j’en suis très heureux. Je porte une chemise blanche chez moi et une noire quand j’officie chez Dior. Mon bureau est imaginé dans une atmosphère très Années 50 haute décoration française. Celui qui m’est réservé chez Dior est composé de béton, de vitres et de verre. Une sorte de radicalité épurée qui me permet d’assimiler le poids immense des soixante-quinze ans de patrimoine de cette maison sans être oppressé. Chez Dior, j’ai imaginé une nouvelle touche papier avec une extrémité plus longue et son opposé rond est décoré du médaillon des chaises Dior avec l’épaule de la veste du tailleur Bar qui s’y adosse. Les flacons créés pour Dior sont ronds et sensuels, ceux pour ma maison de parfums sont petits et carrés.  »

 

En blanc lorsqu’il travaille pour ses propres parfums, en noir lorsqu’il s’installe dans les bureaux de la maison Dior, Francis Kurkdjian entame un dialogue permanent avec le fondateur pour s’immerger dans son univers et créer des fragrances en parfaite harmonie avec l’esprit de la maison et perpétuer l’héritage de Monsieur Dior.

" Pour moi, la nature est parfaite parce que constituée de multiples imperfections. Une fragrance se doit d’être construite avec de tout petits défauts et des singularités afin qu’elle suscite une émotion."

Gold Rose (2023) par Jean-Michel Othoniel. Une série limitée de 100 pièces renfermant la toute nouvelle fragrance L’Or de J’adore conçue par le parfumeur Francis Kurkdjian.

 

Est-ce différent de créer une nouvelle essence pour Dior et pour votre propre maison de parfums ?

Francis Kurkdjian : « J’instaure un monologue quand je réfléchis à une future odeur pour ma maison. Je me demande souvent : « De quoi ai-je envie ? » C’est un questionnement plutôt autocentré alors que je mets en place un dialogue créatif permanent avec Monsieur Dior au sein de la maison qui porte son nom.  »

En tant que parfumeur, qu’est-ce qui compte le plus : les ingrédients sélectionnés pour une fragrance ou l’émotion du résultat procuré par celle-ci ?

Francis Kurkdjian : « L’émotion prime. Quelque que soient les matières premières les plus nobles choisies, c’est leur mélange qui suscite le sentiment. Comme en musique, l’émotion liée à l’écoute est primordiale, que la partition soit jouée par un violon, un piano ou une batterie.  »

Comment définissez-vous votre métier ?

Francis Kurkdjian : « Je suis un marchand de souvenirs, un marchand d’émotions.  »

Selon vous, quel serait le parfum le plus parfait au monde ?

Francis Kurkdjian : « Je dirais qu’il n’existe pas ou bien que ce sera le prochain. Pour moi, la nature est parfaite parce que constituée de multiples imperfections. Une fragrance se doit d’être construite avec de tout petits défauts et des singularités afin qu’elle suscite une émotion. Je ferai une comparaison avec la voix de Maria Callas.  »

 

L’essence de l’Art

Pour célébrer cette nouvelle odyssée de J’adore, Dior a fait appel à un artiste français de renom. Jean-Michel Othoniel a imaginé une fleur baptisée Gold Rose dont les pétales semblent déployés, offrant une silhouette en 8 parfaite d’équilibre aérien.

« Je suis particulièrement touché par le fait que cette œuvre nouvelle sorte de l’univers des musées et des galeries pour toucher le quotidien d’un plus grand nombre », explique l’artiste. Précieuse et légère, l’amphore de J’adore semble s’être posée en équilibre au cœur d’une fleur déployée, véritable écrin de perles d’or étincelant. L’œuvre, symbiotique et hypnotique, orchestre le nouveau dialogue entre l’art, le parfum et l’intime. Signée et numérotée, elle est composée d’une myriade de billes en bronze, polies à la main une à une, avant d’être plongée dans un bain d’or 24 carats. Gold Rose devient non pas une mais plusieurs sculptures monumentales pour la grande exposition de l’artiste “The Flowers of Hypnosis” au Brooklyn Botanic Garden à New York. Cette mue de l’œuvre miniature à gigantesque se déroule dans le cadre des Jardins Culturels Dior qui sont autant d’invitations à sortir de chez soi pour se plonger dans le réel et la nature.

Crédits photos : Julia Noni, Valentin Hennequin pour Christian Dior Parfums 

Par Fabrice Léonard - Publié le

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