Mode

Akris, 100 ans d’audace

Albert Kriemler a su imposer sa griffe luxueuse parmi les marques les plus courues du monde de la mode. Avec une discrétion toute suisse, iI a réussi à développer avec audace et créativité la maison fondée, en1922, par sa grand-mère Alice. Cette année, Akris fête ses cent ans, et continue de séduire avec des créations élégantes et originales.

À peine l’invitation reçue, la question s’est posée: qu’allait faire Albert Kriemler pour le défilé du centenaire de sa maison? La réponse fut à la hauteur de l’élégance de ses créations, sur le parvis du Trocadéro, et à la hauteur de son audace toujours sous contrôle, en plein air, un soir de fin septembre, alors que la pluie menaçait… Élégance, audace et prudence, à chaque place un parapluie était prévu : « La fête… je trouve que c’est une ambiance délicate. Il faut faire la fête, mais une grande fête, ce ne serait pas… juste. On a choisi le Trocadéro parce que j’ai toujours rêvé de ce parvis ! Et après mes quatre collections “Covid”, j’ai pensé qu’il ne fallait revenir à Paris que pour la collection centenaire ».

Bien sûr, une nouvelle collection pour le printemps été 2023 en même temps, mais porteuse d’un passionnant message : au milieu des 74 passages ont défilé neuf tenues vintage, directement reprises du vestiaire maison de 1983 à 1994. Il s’agissait de montrer cette contradiction réussie de la maison : la modernité et cette intemporalité, due – Albert Kriemler aime à le préciser – à la qualité de ses tissus. Sa matière de prédilection à lui, c’est le cachemire double face. Cette matière, sur laquelle repose une partie du succès de la maison, a été choisie par Max, son père, et Albert continue à la travailler avec un soin jaloux.

C’est d’ailleurs avec un modèle en cachemire, créé en 1983 par son père, que s’est ouvert le défilé. Comme un lien de fidélité à Akris, cette affaire de famille, née en 1922 sous l’impulsion d’une femme, Alice Kriemler-Schoch, la grand- mère d’Albert. Une femme au caractère bien trempé. « Huitième fille d’une famille de onze enfants, elle pensait que sa tante lui léguerait son atelier de couture. Il n’en fut rien. Ce fut un frère qui hérita. C’était une période où on ne croyait pas aux femmes. » Elle ne se laisse pas abattre et après la naissance de son fils, Max, elle décide que son rôle ne se limite pas à élever des enfants, nous sommes au début du XXe siècle. Elle monte alors son propre atelier, avec une seule machine. Elle fabrique des tabliers en coton et broderies de Saint Gall, et connaît le succès. Le tablier était alors la base du vêtement féminin… Aujourd’hui, son petit-fils Albert Kriemler revendique cette même démarche : « Je fais la même chose, un vestiaire pour les femmes actives, celles qui savent apprécier nos valeurs ! » L’affaire prospère, elle compte vite vingt-cinq collaborateurs. La grand-mère d’Albert enjoint à son mari de la rejoindre puis, après son décès prématuré, à son fils. D’abord réticent, Max finit par céder, mais qui aurait pu lui résister ? Il nomme alors la maison Akris, A pour Alice, Kri pour Kriemler et S pour Schoch. Max Kriemler se tourne vers le prêt-à-porter qu’il développe sous le nom d’Akris tout en collaborant avec des maisons de couture, Ted Lapidus ou Hubert de Givenchy, pour lesquelles il produit et commercialise les collections dans les années 70.

 

Tout juste âgé de 19 ans, Albert, qui devait partir se former auprès d’Hubert de Givenchy, doit y renoncer pour venir seconder son père. Ce choix est une évidence et il ne se pose pas de questions : « En 1980, j’ai pris mes responsabilités et j’ai collaboré avec ceux que j’appelle mes maîtres : mes modélistes, pour la création d’une collection. Ce fut un vrai succès, parce que les produits de mon père étaient pour la première fois réunis dans une collection. Voilà qui nous a apporté une grande force ! » Ce succès galvanise le jeune Albert. Il se lance dans le monde de la mode, il veut tout savoir. Il dévore les magazines américains et en tire la conclusion que c’est par ce marché qu’il faut passer. Il comprend tout de suite le poids et l’importance des acheteuses des grands magasins américains. Il décide que, tout seul, il ira les convaincre avec comme bagage son audace et une belle confiance en ses créations. Et que croit-on qu’il arriva ? Elles achetèrent avec enthousiasme les vêtements Akris qui furent visibles sur la 5e Avenue à New York. Puis, à Paris, tout le monde se précipita pour voir la présentation des collections au George V. Ce fut alors le temps des ouvertures de boutique…

Puis en 2004, pour la première fois lors de la Fashion Week, un défilé se tient dans le showroom Akris, en présence d’Hubert de Givenchy. Viennent ensuite les salles du Louvre et toutes les autres que l’on connaît, jusqu’à ce parvis du Trocadéro pour le centenaire. Ce défilé qui commence par le manteau vintage crée en 1983 par son père, c’est pour Albert Kriemler un signal fort : « La sensibilité pour les tissus fait partie de ma famille. Déjà ma grand-mère choisissait les meilleurs cotons et les meilleurs lins. Mon père a hérité de cette passion et a travaillé beaucoup de tissus lui-même, parce que ça le fascinait… Il est clair que je suis l ’enfant qui a hérité de son père. Dans les années 80-90, j’ai développé l’univers du double face à ma façon, et maintenant c’est le tissu le plus moderne. Il faut savoir évoluer mais il faut aussi tenir la main pour maintenir l ’identité de la maison, sa signature. » En cours, il y a une matière qu’il travaille depuis trois ans : sa première flanelle double face qui, sans nul doute connaîtra le même succès que le cachemire. Lors de ce défilé du centenaire, l’arc-en-ciel qui domine le parvis, rappelle les couleurs primaires des robes du soir et est aussi le symbole de ce qui tient à cœur à Albert Kriemler : l’expression de la diversité. Les mannequins, de tous âges, ont choisi elles-mêmes leur coiffure. Une correspondance et une tolérance pour tout le monde : l’arc-en-ciel, symbole de paix pour signer avec force sa volonté de faire la fête, certes, mais en plein respect du moment !

Par Viviane Blassel - Publié le

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