D’aucuns prétendent la mode futile, éphémère, sans éthique ni valeurs, n’aimant que les relations fugaces appelées à être dénouées, l’encre du contrat entre un styliste et la maison dont il porte le flambeau à peine sèche. Eh bien, les exemples montrant que cette vision relève du cliché ne manquent pas. Dans la couture comme le prêt-à-porter, s’il existe des destins de comète, des parcours d’étoiles filantes aussi vite encensées que crashées puis oubliées, nombre d’histoires attestent combien la durée, une collaboration de longue haleine sont aussi possibles, souhaitées et même fêtées. La preuve avec les noces d’or entre Karl Lagerfeld et Fendi, cinquante années d’osmose créative, mariage heureux entre le génie allemand du kaiser de la mode et le talent italien du plus grand des fourreurs que les médias, comme le public, ont salué et applaudi avant l’été. À l’occasion de la présentation de la première collection de Haute Fourrure Fendi à Paris, de l’anniversaire de la maison (90 ans) et de son demi-siècle d’entente avec l’homme au col cassé, c’est bien la valeur “fidélité” que chacun a saluée dans cette union hors normes. Et pour cause, elle n’a jamais cessé, au fil des décennies, de donner naissance à des modèles qui ont frappé les esprits, marqué l’histoire et transformé Fendi en signature fashion-fourrure connue dans le monde entier.
Lorsqu’on est un créateur, avoir le temps devant soi – ici, la vie – procure une vision différente des choses. Cela permet d’avancer et d’inventer en toute quiétude et sérénité, de travailler au service d’une marque en pensant long, loin. Cette vision-là (prendre conscience qu’il faut donner du temps au temps), seule une maison familiale peut s’autoriser à la mettre en pratique. Et la saga Fendi s’est transformée en réussite autant parce qu’une même lignée en a les commandes depuis 1925 (même après le rachat par LVMH en 2001) que parce que le grand Karl a pu y œuvrer en toute quiétude. Quand Adele et Edoardo fondent leur maison à Rome au cœur des années folles, vite suivie de l’ouverture d’une boutique dédiée aux fourrures et sacs, ils s’inscrivent dans leur époque, qui veut que l’on travaille pour soi comme pour les générations futures. Du reste, dès les années 50, études à peine finies leurs filles Paola, Anna, Franca, Carla et Alda – celles que le fashion world baptise “Les sœurs Fendi” – entrent dans la société et y insufflent un nouvel esprit débordant d’enthousiasme et d’innovation. Bien de leur temps, heureuses de la dolce vita en train de réjouir l’Italie après les années noires, elles révolutionnent la griffe, refondent les modèles, adoptent de nouvelles techniques de fabrication, changements qui correspondent aux attentes des femmes soucieuses d’une élégance différente, loin des diktats de la fourrure d’autrefois.