L’éternelle jeunesse d’Akris
Albert Kriemler pilote la destinée créative d’Akris, maison qui souffle ses 100 bougies cette année. Directeur artistique de la griffe – nommé à ce poste en 1979 à tout juste dix-neuf ans –, ce créateur d’une grande discrétion a tout fait, ainsi que son père Max Kriemler avant lui, pour transformer ce qui était à l’origine un atelier de confection de tabliers fondé à Saint-Gall par sa grand- mère Alice Kriemler Schoch, en un empire du prêt-à- porter de luxe, véritable emblème national de la Suisse. En cent ans, Akris, dont les initiales de la fondatrice sont à l’origine du nom, a lentement instauré un style à la suissesse, onéreux mais pudique, désormais salué de par le monde. La maison compte Charlène de Monaco, Michelle Obama, Condoleezza Rice ou encore Amal Clooney comme grandes fans de l’esprit Akris que l’on peut qualifier de quiet luxury ou luxe discret en français. Les raisons du succès des collections? La griffe voue un culte aux matières d’exception, transcendées par les coupes minimalistes, subtiles et raffinées de ses vêtements et accessoires. Défilant chaque saison à Paris depuis 2004, la collection automne hiver 2023-2024 rendait un brillant hommage aux années 1970, la décennie libertaire par excellence. Elle fut un des actes de la célébration des 100 ans du label. C’est en découvrant des vêtements datés des seventies qui appartenaient à ses parents, qu’Albert Kriemler a imaginé cette collection hivernale. Les imprimés abstraits, présents sur un costume aux teintes telluriques, deviennent romantiques. La délicate fleur d’Abraham issue d’un défilé de 1976 s’invite sur une robe-chemise en laine couleur rubis tandis qu’elle enjolive un ensemble composé d’une veste courte et d’un jean taille haute ample de la même teinte.
Albert Kriemler, directeur artistique d’Akris. Photo issue des archives de la maison Akris.
Ce défilé classique et élégant aux lignes affûtées, parfaitement étudiées, déclinait de nombreux blousons en mouton retourné à col haut, mais aussi des looks en soie métallisée avec des chemises et des jupes plissées courtes assorties ou bien un lumineux costume doré, pièce forte de la collection. Les matières s’assemblaient osant le velours stretch monochrome porté avec un tissu à motifs, le traditionnel tartan, la fausse fourrure ou le total look en cuir. Un opus hivernal d’une énergie folle !
Une expo et un livre pour ce centenaire
Comme on n’a pas tous les jours 100 ans, la maison avait organisé une exposition “Akris. Mode. Selbstverständlich” au Gestaltung Museum de Zurich. Elle retraçait cette odyssée fantastique de mode et fut l’occasion pour le directeur de la création de mettre en valeur le patrimoine de la griffe et les nombreuses collaborations avec des artistes contemporains. Albert Kriemler, grand collectionneur d’art, a injecté cette passion dans son métier en rendant des hommages appuyés aux artistes. Ian Hamilton Finlay l’a inspiré pour la collection printemps-été 2009. Dès 2014, des collaborations directes ont vu le jour avec nombre d’artistes et, désormais, leur présence au sein de la marque est pensée comme une interaction permanente. D’ailleurs, ces collaborations ont servi de fil rouge à l’exposition qui s’est achevée récemment. Quant au beau livre Akris, a Century in Fashion – selbstverständlich aux éditions Lars Muller, publié à l’occasion de cette exposition, il narre l’histoire de la maison.
Dernier défilé de cette année du centenaire, qui s’est tenu lors de la Semaine de la Mode à Paris fin septembre, la collection printemps-été 2024 a mis à nouveau à l’honneur une nature joyeuse et l’art. Pour cette saison estivale, une mini-robe rouge entièrement brodée de coquelicots géants fut la première tenue à s’élancer sur le podium. Les motifs graphiques et floraux, apposés sur nombre de chemises et de robes aux lignes fluides, étaient inspirés par les œuvres de l’artiste autrichienne, Felice “Lizzi” Rix-Ueno, dont Albert Kriemler a découvert le travail, l’an passé, au sein des archives du musée d’Art contemporain de Vienne. Comme à son habitude, Akris a joué sur des tonalités sourdes ou tranchées, faisant de la robe rouge et blanche au plissé parfait une transition vers les silhouettes d’un blanc immaculé qui ont progressivement laissé place à des looks aux teintes beige, camel et jaune. Puis, délicatement, une déclinaison d’ensembles bleu marine en soie transparente des plus désirables a pris vie sur le podium. Le défilé s’est achevé par l’apparition de tenues d’un noir profond incarnant les ambiances nocturnes.
Crédits photo : Daniele Oberrauch // Akris : A Century in Fashion. Selbstverständlich pour lequel Iwan Baan met en scène les collections vintage dans l’immeuble de l’Université de Saint-Gall, ville où siège la maison.