François Azambourg La soutenable légèreté du design
Cette exposition est intitulée “Légèretés manifestes”. Comment cette quête de légèreté dans votre travail se traduit-elle ?
Elle se développe autour de l’idée de toutes les formes de légèreté. Je suis passionné par les oiseaux, le vivant, la mécanique du vol, par l’air omni- présent dans mon travail. Ma démarche est celle du retrait, de l’allègement, de produire, par exemple, une pièce moulée sans moule, de créer des objets en auto-construction comme la chaise Pack, en textile 3D et mousse en polyuréthane.
Que racontez-vous dans cette exposition ?
Je raconte beaucoup de moi. La première table d’exposi- tion composée de mes carnets de travail, de mobiles, de maquettes, d’un saxophone, est une illustration mentale de toutes mes zones d’influence : la musique, l’air, les avions, les oiseaux, les hélices, la mécanique. Ce sont mes premières amours, ce qui va définir assez profondément mon travail. La seconde table est d’ailleurs la traduction assez directe de ces attractions initiales. On y découvre mes tentatives pour construire léger, grâce aux structures triangulaires ou aux “sandwichs” souples, une invention que j’ai brevetée, développée sous forme de mobilier, ou de bagages pour Hermès notamment.
Votre scénographie est à l’avenant, épurée et bas carbone, comment présentez-vous les choses ?
L’idée de jeter de très beaux matériaux à peine l’événement fini me gêne profondément. J’ai donc proposé de récupérer des panneaux de médium déjà utilisés pour protéger les parquets, en les retournant simplement. Le tout a été rehaussé sur des tasseaux de bois et sera revalorisé à la fin.
Vous exposez aussi les prototypes “ratés” qui montrent le chemin parcouru jusqu’à l’objet fini. Pourquoi ?
Ce qui m’intéresse, ce sont toutes les étapes qui précèdent le résultat. J’ai commencé à aimer très tôt les loupés, car ils ont une sincérité que perd finalement l’objet policé. Cette expression plastique m’intéresse. Il y a une énergie qui s’en dégage. Lorsque ça craque, on devine les forces en présence, on sent la physique des matériaux.
On découvre aussi tout votre travail avec le Centre International d’Art Verrier (CIAV ) et l’importance du moule, qui donne sa singularité à l’objet.
C’est un vrai laboratoire, qui m’a permis de travailler sur la notion de multiple-unique avec les vases Douglas réalisés à partir d’un moule en bois réutilisé et modifié par l’exemplaire précédent, jusqu’à épuisement. Je trouvais intéressant de produire des pièces toutes différentes avec le même protocole. Pour les dix ans du Douglas, nous avons créé le vase Brindille qui revisite la tradition du décor sur verre, en insérant des végétaux entre le moule métallique et le verre, sur lequel ils vont s’imprimer. Pour Petit h d’Hermès, nous avons travaillé autour du moule en cuir, qui doit ceinturer le verre porté à 800 °C sans brûler. Un défi, car le cuir et le verre c’est le mariage impossible, la confrontation entre deux mondes artisanaux radicalement différents.
Vous êtes également professeur à l’ENSCI (École Nationale Supérieure de la Création Industrielle). Que transmettez-vous à vos élèves ?
Les problématiques ont énormément changé. Il faut les préparer à ce qui les attend à la sortie, sur les questions d’écologie, d’économie de moyens, d’analyse de la valeur, de normes à intégrer et digérer… le débat devient très technique et la rupture va être brutale car les questions sont nouvelles et les réponses à y apporter aussi. On a tou- jours considéré le monde comme un grand magasin. C’est fini, le rideau est tombé. Mais c’est aussi une période très intéressante et pleine de défis qui s’ouvre.