Interview

Patrick Nadeau, le géant du design vert

De l’objet à l’architecture et à l’architecture d’intérieur, Patrick Nadeau place le végétal au cœur de sa démarche créative. Professeur à l’école Camondo, il est sollicité par des institutions et de grandes maisons, en France et ailleurs, pour son art de conjuguer la matière et le vivant.

Patrick Nadeau est le précurseur du design végétal, on peut même lui attribuer la paternité de la formule, lorsque paraît, il y a dix ans, son livre Végétal Design. « Je l’ai inventée par défaut, faute de mieux, mais je trouve cette définition restrictive. Je suis juste un designer, et le végétal est un élément phare de mon travail et de mon évolution personnelle », raconte celui qui, une fois doublement diplômé en architecture et en design, s’associe avec Christian Ghion, avant de découvrir les possibilités infinies du végétal en tant que matériau esthétique, « regardé comme principe actif de l’architecture, référence – voire modèle – pour le design ». La résidence qu’il effectue il y a vingt ans à la Villa Kujoyama à Kyoto sera, à ce titre, comme une révélation. « J’ai commencé à réfléchir aux moyens d’associer l’espace, le design, les sciences humaines et la botanique », indique-t-il. À son retour, il se consacre à l’enseignement, à l’Esad de Reims (et aujourd’hui à Camondo, où il codirige les diplômes de fin d’études), développant parallèlement ce concept. Lequel trouve sa première traduction dans le meuble jardin créé avec Hermès pour le festival international du jardin de Chaumont-sur-Loire, mais aussi dans du mobilier hybride. « Un geste de designer, qui obligeait à repenser la structure, d’une table par exemple, en réinventant le plateau pour laisser l’eau s’écouler. Il s’agissait d’associer une logique de design à une logique de paysage. C’est cet exercice intellectuel qui m’a intéressé, avant d’évoluer davantage vers l’installation artistique, comme avec la série Rainforest. » Quatrième projet du genre après Paris, Milan et Prague, cette scénographie créée pour le festival de Chaumont-sur-Loire en 2020, établie depuis dans la serre tropicale du domaine, met en scène des tillandsias usneoïdes, des plantes épiphytes originaires d’Amérique Centrale et du sud des États-Unis, qui s’accrochent aux arbres sans les parasiter, en quête de lumière et d’humidité.

Studio Patrick Nadeau

130, rue Amelot, 11e. patricknadeau.com/
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Posées sur des demi-sphères éclairées de l’intérieur, elles déploient leur chevelure filamenteuse, argentée, au-dessus de grandes flaques turquoise rappelant les cénotes des forêts mexicaines, figurées par des coupelles azurées en céramique. « Il s’agissait de réaliser un collage de paysages, une forme de jeu pictural entre les plantes tropicales de la serre et les tillandsias », explique le créateur, qui s’apprête à réinstaller une cascade végétale dans le prochain “1 Hotels” à Londres, une chaîne d’établissements mariant luxe et respect de l’environnement. S’il se frotte régulièrement au mobilier – fontaine pour Laorus, luminaire Rainforest et assises Lianas en rotin pour Granville Gallery, sacs à plantes Urban Garden pour Depot 4 Design – Patrick Nadeau n’en oublie pas ses amours pour l’architecture. Totalement écologique, la maison Vague, réalisée il y a dix ans, est un projet emblématique de son travail, « un exercice architectural », avec ses allures de coque de bateau retournée sur laquelle prospère un tapis de plantes. Cette réalisation à l’avant-garde trouve aujourd’hui un écho dans la construction ou la transformation des bâtiments, les municipalités et les promoteurs étant soumis à des exigences nouvelles de la part des citoyens. Patrick Nadeau s’attèle ainsi, avec sa partenaire Marie-Marie Dutour et le phytosociologue Claude Figureau, à l’évolution d’une tour à la Défense, dont les propriétaires souhaitent végétaliser les espaces collectifs, en y introduisant des écosystèmes adaptés, « où les plantes vivent, s’entraident, et interagissent, en fonction de leur environnement. Travailler sur des projets contextuels, comprendre la réalité d’un lieu, en tenant compte du climat, de l’histoire, de la sociologie, de la culture et des usages, préfigure l’architecture de demain et notamment l’architecture d’intérieur, qui devient le prolongement de notre environnement. Depuis que l’on a compris la “finitude” du monde, que la planète est elle-même une sorte de grande architecture d’intérieure, tout comme les villes avec leurs parcours, leurs jardins, leurs routes, bâtiments, aéroports, cette perméabilité entre le dedans et le dehors va s’affirmer. Pour reprendre la théorie du Jardin Planétaire de Gilles Clément, la Terre est un vaste jardin, mais limité, que l’on doit tous entretenir. J’aime beaucoup cette idée. »

Patrick nadeau paris
Par Florence Halimi - Publié le

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