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Alexia Leleu : l’histoire en héritage

En 2018, Alexia Leleu délaisse sa carrière dans l’industrie pharmaceutique pour relancer une belle endormie qui a marqué les Arts décoratifs français du XXe siècle : la maison Leleu. Comme ses aïeuls, Jules Leleu, le fondateur et ses trois enfants, André, Jean (le grand-père d’Alexia) et Paule, elle perpétue la belle profession d’ensemblier décorateur en créant des pièces d’exception qui rendent hommage au passé mais savent aussi s’en affranchir et sont régulièrement primées comme le fauteuil Mava entré au Mobilier national. 2025 marque le centenaire de la participation de Leleu à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, qui a signé sa consécration. Pour l’occasion, Alexia Leleu va réinterpréter des pièces phares de la saga Leleu, les confronter à des créations inédites de son cru, et les présenter à New York et Paris.

Maison Leleu Showroom sur rendez-vous

15, rue des Saints-Pères, 7e www.maisonleleu.com/
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Vous aviez une autre vie avant de relancer Leleu. Qu’est-ce qui vous a poussée à vous emparer de cet héritage ?

Alexia Leleu : « C’est parti d’une quête personnelle, du besoin de rechercher des informations sur mon grand-père et mon arrière-grand-père, de me plonger dans des archives oubliées. En découvrant ce trésor, j’y ai vu un signe : celui de faire revivre et de perpétuer ce travail sublime, d’une modernité incroyable. »

Par la force des choses vous avez donc repris des études

Alexia Leleu : « Hormis la chance d’avoir grandi dans du mobilier Leleu, qui m’a sensibilisée à la belle facture, je n’avais aucune formation dans le milieu de la décoration. À la base, je suis docteur en pharmacie et diplômée de l’Essec. Je suis donc retournée sur les bancs de l’école Boule pour suivre des cours d’histoire de l’art et du mobilier, de dessin et de graphisme, et depuis, j’ai passé mon diplôme de décoratrice d’intérieur. »

Quelle était la particularité de Leleu dans le monde de l’architecture d’intérieur de l’époque ?

Alexia Leleu : « À partir de l’Exposition internationale de 1925, Jules, qui a remporté le Grand prix, devient un ensemblier décora- teur de premier plan. Il ne dessinait pas seulement des pièces de mobilier, mais des décors entiers pour des clients célèbres comme Marylin Monroe, le président Eisenhower, l’empereur du Japon, le prince de Monaco, pour des institutions étatiques comme le palais de l’Élysée et le train présidentiel, les ambassades françaises, le grand salon des ambassadeurs à l’ONU, à Genève. Et il y a bien sûr toute l’épopée des transatlantiques, dans laquelle Leleu a inscrit son nom en participant à la décoration des grands paquebots, le Normandie, le France, L’Île-de- France… Ça nous a permis de rayonner outre-Atlantique et de marquer l’histoire. »

 

Et l’histoire s’arrête brutalement en 1973…

Alexia Leleu : « En 1969, le chah d’Iran sollicite Leleu et Jansen, autre grand décorateur, pour travailler sur un chantier pharaonique destiné à célébrer les 2 500 ans de l’empire perse : le camp du Drap d’Or, soit 65 hectares de décoration d’exception dans les ruines de Persépolis. Après trois ans de travail acharné, les deux maisons qui étaient les plus prestigieuses du secteur, ont dû fermer leurs portes, à la suite d’impayés.

Quelle est votre touche personnelle dans cette histoire, votre signature propre après les deux générations qui vous ont précédée ?

Alexia Leleu : « Je me suis beaucoup appuyée sur les archives et rapidement j’ai eu besoin de m’exprimer différemment. Il m’arrive de conserver et de réinterpréter des éléments typiques de Leleu, particulièrement modernes. Le fait d’avoir un regard neuf, compte tenu de mon parcours, me permet d’accéder à des idées originales comme dans ma dernière collection en métal Hylé ou sur la chaise Mava qui, en entrant au Mobilier National, a conforté ma légitimité. »

Qui sont vos clients ?

Alexia Leleu : « Des connaisseurs – clients privés et architectes d’intérieur – qui ont une sensibilité aux objets avec une forte charge historique, et savent qu’ils auront chez Leleu une pièce irréprochable réalisée avec un haut degré d’exigence, dont la valeur patrimoniale va croître dans le temps. »

 

Vous allez fêter cette année les 100 ans de la participation de la maison au Salon international des Arts décoratifs et industriels. Que prévoyez-vous ?

Alexia Leleu : « Même si la maison a été fondée en 1910, cet événement signe vraiment son acte de naissance. Je vais célébrer cet anniversaire avec une exposition qui se tiendra d’abord à New York puis à Paris, en revisitant une quinzaine de pièces classiques des années 1910 à 1970, l’idée étant de les réinterpréter non pas dans la forme mais dans les matériaux, surprenants, innovants, de montrer que la modernité peut venir d’une façon d’habiller les choses. »

Par Florence Halimi - Publié le

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