Vous avez choisi Yves Montand comme thème de votre quatrième album. Quelles en sont les raisons ?
J’avais très envie de monter un nouveau tour de chant. Ne possédant pas de répertoire propre, je dois toujours me référer à un personnage. J’avais, il y a déjà quelque temps, rencontré la veuve d’Yves Montand et le projet me trottait dans la tête. Jusqu’à ce que le directeur de projet de Sony Classique me trouve dans la voix une similitude de tessiture avec celle de Montand et me propose d’enregistrer un album. J’ai dit oui tout de suite ! Avec Bruno Fontaine, nous avons plongé dans son répertoire pour en extraire dix-sept titres. Dans ma famille, on aimait beaucoup la chanson française et ma mère adorait Les feuilles mortes. Je les lui ai chantées dans de nombreuses circonstances, y compris à son enterrement. Justement, alors que tout le monde vous encensait pour votre rôle dans Des hommes et des dieux, vous viviez des moments très difficiles sur le plan personnel… J’ai perdu ma mère pendant le tournage du film. Ensuite, alors que j’étais submergé de travail, je me suis énormément occupé de mon père qui était très âgé et malade. Il est mort un an plus tard le dernier jour des répétitions d’une comédie musicale que je montais au Châtelet. J’ai serré les dents, refusant d’écouter ma douleur. Mais j’étais dans un tel état de surmenage et de tension que le choc a fini par me tomber dessus, comme une bombe à retardement, durant le festival de Cannes 2010. À ce moment-là, j’ai explosé et l’explosion fut d’une violence inouïe, comme si j’avais été renversé par un camion. J’ai sombré dans une dépression dont j’ai mis trois ans à me sortir. J’aurais pu y rester. Un deuil envoie une onde de choc qui doit être vécue normalement. Mettre un tampon par- dessus, s’efforcer de ne pas y penser pour reprendre immédiatement un rythme effréné ne peut qu’avoir des conséquences désastreuses.