Isabelle, vous semblez tellement à l’aise dans la capitale que beaucoup de Français vous croient complètement Parisienne…
(Rires) Oui, je sais, mais ce n’est pas vrai ! Je continue à passer au Québec plus de la moitié de l’année, d’abord parce que Marcus, mon fils de huit ans, est scolarisé là-bas ! Je suis tombée amoureuse de Paris lorsque j’ai repris le rôle de Marie-Jeanne dans Starmania, il y a plus de 20 ans. J’avais alors élu domicile dans le 17e arrondissement, quartier auquel je suis très attachée puisque c’est toujours là que je vis aujourd’hui ! Je l’aime beaucoup, j’apprécie à la fois son côté effervescent et rassurant. J’adore le marché Poncelet, le parc Monceau, la rue d’Armaillé : je suis capable de marcher de la place des Ternes aux Batignolles ! Parce que je suis une fille très casanière, j’aime l’idée d’avoir “mon nid” dans la capitale. C’est tellement bon de rentrer chez soi, tellement plus agréable qu’une chambre d’hôtel impersonnelle !
À un moment donné, vous disiez habiter à Paris dans deux lieux différents. Dans votre appartement et un autre endroit que vous appeliez votre garçonnière…
Oh la la attention ! Pour moi, le mot garçonnière n’avait pas du tout le sens que vous lui donnez en France ! J’entendais par garçonnière, un lieu où j’allais me ressourcer et où personne n’avait le droit d’entrer. J’ai toujours ressenti le besoin d’avoir un espace rien que pour moi, en dehors du cocon familial, où je pouvais m’isoler et laisser l’eau remonter dans le puits. J’exerce un métier très prenant, avec ses codes et ses lois, qui nécessite une bonne résistance au stress. Aujourd’hui, cette ancienne garçonnière est devenue à Paris mon lieu principal d’habitation. Il m’est précieux et essentiel. C’est là que je reprends mon souffle. La fille d’intérieur que je suis s’échappe mentalement par ses fenêtres qui donnent sur le ciel de Paris.
Devons-nous comprendre que vous pouvez passer des journées sans sortir de chez vous ?
Non, pas du tout. Mais ce qui est vrai, c’est que je fréquente toujours les mêmes lieux, les mêmes boutiques, les mêmes restaurants qui sont dans ma tête des annexes de ma maison. J’éprouve quand même le besoin de me nourrir de la vie des autres, du bruit de la vie.
Il y a quelques années, vous disiez volontiers être assez dépensière. Une revanche sur une enfance où l’argent faisait parfois défaut ?
Mes parents tenaient un petit bar restaurant à Sainte- Félicité, en Gaspésie où je suis née. Il est vrai que chez nous, le superflu n’existait pas et que c’était ma mère qui me confectionnait mes vêtements. Alors, quand je suis devenue célèbre j’ai été prise d’une sorte de boulimie de consommation. Maintenant, je me suis calmée et j’ai appris à profiter de ce que j’ai déjà sans vouloir à chaque fois acquérir de nouvelles choses. Je dépense mon argent beaucoup mieux qu’avant, même si j’ai toujours la passion des chaussures et des sacs.
Vous faites allusion au petit bar de vos parents. Là où pour vous tout a commencé…
Je n’étais qu’une enfant lorsque j’ai commencé à chanter dans le bar de mes parents. Il était situé dans un quartier très populaire et la clientèle était essentiellement composée d’hommes. Je chantais avant tout pour apporter du réconfort aux gens qui étaient là, pour les aider à relever la tête. J’ai vu beaucoup d’hommes pleurer dans ce bar parce qu’ils venaient de perdre leur travail. Je chantais pour partager et soulager la détresse humaine que je ressentais chez ces gens-là. Aujourd’hui encore, quand je monte sur scène, j’ai toujours l’intention de soulager les gens. Comme si chanter constituait une sorte de remède. Faire du bien aux autres est la seule chose qui m’intéresse.