Lorsque vous entrez dans le Corps de ballet de l’Opéra de Paris, en 2006, avez-vous l’impression d’intégrer une famille ?
Amandine Albisson : Ou plus exactement une famille qui s’agrandit. On a grandi ensemble avec les danseurs de l’école puis du ballet, nous avons créé des liens. Et en intégrant la compagnie, j’ai encore élargi mes horizons. Ainsi mon meilleur ami dans la troupe, Audric Bezard, est d’une autre génération que la mienne.
Comment abordez-vous un rôle, qu’il soit nouveau ou une reprise ?
Amandine Albisson : On n’en a jamais fini avec un rôle au ballet. On apprend toujours. Et on évolue sans cesse, dans sa connaissance tech- nique, avec l’âge. On peut chercher encore plus loin. Je suis, en ce moment, à me dire : est-ce que je vais y arriver après plus d’un an hors de la scène. Après cette grossesse, il y a eu des changements dans mon corps. Je dois retrouver mes sensations. Pour aborder Le Lac des cygnes, je fais confiance aux préparateurs physiques de l’Opéra, je prends en dehors des cours de Gyrotonic (qui intègre les fondements du yoga, de la danse, de la gymnastique douce entre autres). Et je vois mon kiné. La récupération est le plus important.
Vous avez été nommée étoile le 5 mars 2014. Qu’est-ce qui a changé dans votre vie ce jour-là ?
Amandine Albisson : Le plus difficile c’est de passer d’un statut à un autre, de première danseuse à étoile, et ce du jour au lendemain ! Les regards changent, les attentes aussi. Il faut prouver que vous méritez ce titre. Mais avec le recul, je trouve que cela apporte une vraie liberté à la ballerine que je suis. On a toutes quelque chose de différent, qui nous rend unique. Je dirais que ce n’est pas une seconde carrière, c’en est une nouvelle.
Vous avez connu trois directions de la danse, bien- tôt une quatrième. Est-ce déstabilisant ?
Amandine Albisson : Les changements de direction, cela interroge. On a envie, moi comme les autres, de travailler avec quelqu’un dans une bonne entente. Mais après, une étoile reste une étoile, je ne vais pas arrêter de danser. La vraie question est ailleurs, sur le choix du répertoire à défendre, les chorégraphes à inviter à Garnier ou Bastille. J’ai eu la chance d’interpréter certaines œuvres qui étaient dans ma short-list, comme La Dame aux camélias ou le Boléro de Maurice Béjart. J’espère danser L’Histoire de Manon cette saison. La programmation de l’Opéra de Paris fait que l’on ne s’ennuie pas dans ses murs. Je rêve encore, de ballets de Jerome Robbins ou d’un solo de Mats Ek.
On dit de vous que vous avez des qualités dramatiques.
Amandine Albisson : Je le prends comme un compliment. Il faut savoir exprimer des sentiments sur le plateau mais sans parler.Tout est dans le jeu de regards, dans les déplacements. Il ne faut jamais exagérer les choses, et donc son jeu, même dans une salle aussi vaste que celle de l’Opéra Bastille. Il faut rester sincère. Paradoxalement, durant les confinements nous avons dansé devant des salles vides pour réaliser des captations vidéo. Cela était extrêmement dur, on se demandait pourquoi on était là par instant. L’énergie du public est indispensable.
Qu’aimez-vous dans votre “maison”, le Palais Garnier où vous avez votre loge ?
Amandine Albisson : Il y a une odeur propre à l’Opéra, celle du théâtre, sans doute due à la colophane, cette poudre que nous utilisons pour nos chaussons de danse. Le reste, c’est la magie propre à cette maison. Quant à ma loge, c’est mon refuge.
Ressentez-vous une fierté à faire partie de cette histoire, celle de l’Opéra de Paris ?
Amandine Albisson : Je ne me pose pas la question, même si je connais l’histoire de cette institution. La danse est pour moi un métier passion. Je le pratique dans des conditions privilégiées. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas dur. Cet art demande beaucoup. La scène reste un moment d’exception.
Paris, c’est pour la vie ?
Amandine Albisson : J’adore Paris, mais je sais qu’un jour je partirai. Mon compagnon est du Sud-Ouest, je suis du Sud. La suite de notre vie, qui plus est avec un petit garçon, s’écrira dans ces régions. Mais Paris reste cet enchantement culturel unique. Une ville à vivre 24h/24h. Une ville qui aime la danse.