Avez-vous, comme elle, oublié de grandir ?
Peut-être mais cela, surtout, me permet de l’incarner ! La seule chose importante, ici, c’est d’avoir de l’empathie pour elle.
Clara Haskil a vécu de nombreux drames dans sa vie. Et parmi eux, un, qui lui fût insurmontable, c’est le trac.
Oui, elle en a été paralysée pendant de nombreuses années. Le plus beau cadeau que je puisse lui faire, c’est de justement, essayer de ne pas en avoir avant d’aller en scène. Pour elle.
Vous n’avez jamais connu le trac ?
En tout cas, je ne joue plus jamais en pensant que l’on va me juger. D’où que viennent les remarques. Je ne lis absolument aucune critique par exemple, même si elles sont bonnes. Je me refuse à jouer avec la peur, et avec le temps, j’ai appris le lâcher-prise. J’ouvre les vannes en grand, sans avoir besoin de les refermer parce que j’ai appris à les gérer. Ici, seule en scène, j’ai une liberté sans fin, mais dans le fond, je suis un cheval fou qui a besoin de cadre. Et le théâtre est aussi fait de cadre.
Comment jongle-t-on avec les horaires et la vie lorsqu’on a quatre enfants et un métier comme le vôtre ?
Vous savez, je viens d’une génération de femmes qui se sont beaucoup soumises à leur famille. Ma grand-mère, immigrée italienne, n’a jamais fait d’études. Ma mère s’est beaucoup donnée à ses enfants. Et moi, j’ai compris, grâce à elles, que je ne me sacrifierai pas. Je me devais de briser les chaînes, je l’ai fait, et j’exhorte mes filles à le faire aussi.
Avez-vous souffert, lorsque vous étiez top model, du regard des hommes sur vous ?
J’ai eu une chance énorme : celle d’avoir les armes pour me défendre, si d’aventure on voulait aller trop loin avec moi. J’ai été suffisamment solide pour développer une sorte d’instinct de survie.
Les femmes aujourd’hui, dans la mode et dans le cinéma, ont-elles réussi à reconquérir leur place ?
Le mouvement #metoo me touche énormément. Car on voit bien, maintenant, que les choses ont changé. La terre a tremblé avec ces femmes courageuses qui ont dénoncé l’insupportable. Le monde bouge, il ne sera plus jamais comme avant sur bien des points, et tant mieux. C’est en cela qu’il ne faut pas voir le monde en noir. L’important, c’est ce qui se fait et pas seulement ce que l’on subit.