Joaillerie

La couleur en majesté

Les joailliers sont les peintres du plus que précieux. Imaginé comme un tableau, chaque bijou explose de couleurs. Pierres aux nuances inattendues, émail et laques infusés de tonalités originales enchantent les collections printanières.

Le diamant blanc n’a plus le monopole des vitrines des joailliers. Les collections des maisons de la place Vendôme et d’ailleurs vivent au rythme de la couleur. Pierres précieuses, fines et ornementales, mais aussi laque et émail aux teintes aussi inédites qu’envoûtantes, aussi surprenantes que sophistiquées, invitent à toutes les audaces chromatiques et aux associations audacieuses. Le trio vert, rouge et bleu, incarné par les emblématiques émeraude, rubis et saphir, perdure. D’ailleurs, lorsque leur qualité est jugée exceptionnelle, ces trois-là se révèlent encore plus chers que les diamants blancs. À côté de ces grands classiques de la gemmologie, tsavorites, aigues-marines, spinelles, grenats et tourmalines Paraïba enchantent désormais les amateurs. Et les pierres ornementales, comme le lapis-lazuli, la malachite, le corail ou encore l’œil-de-tigre, s’installent aussi dans le cœur des clientes. La couleur et ses associations sont constitutives du style de Cartier depuis ses débuts. Rouge et noir, vert et noir, rouge, noir et blanc… Ou encore bleu et vert. En son temps, Louis Cartier imposa cette combinaison, longtemps considérée comme disgracieuse. Ces deux tons froids étaient jugés peu orthodoxes selon le goût de la bonne société de l’époque. Ce qu’il appelait “décor de paon” est aujourd’hui une signature du joaillier. Autant de contrastes devenus emblématiques, aujourd’hui réinterprétés dans des tonalités nouvelles offertes par la grande variété de pierres sélectionnées. Cartier, surnommé le roi des joailliers et le joaillier des rois, imagine une inédite palette chromatique pour le troisième chapitre de la collection de haute joaillerie Beautés du monde. La Panthère, qui ne cesse d’enrichir l’imaginaire de la maison parisienne depuis 1914, apparaît ici sur un étonnant collier à l’allure de talisman souvenir. Sur cette ravissante pièce, le félin au pelage de diamants et d’onyx est allongé sur une émeraude centrale taille cabochon. L’animal semble régner sur un jardin peuplé d’autres somptueuses gemmes d’un vert ensorcelant.

Le britannique Graff est une des références incontestées lorsqu’il est question de gemmes colorées d’une absolue perfection. La maison londonienne est tombée amoureuse cette année de saphirs bleus et de rubis pour des parures à couper le souffle. D’abord, un saphir Royal Blue de 8,46 carats monté en bague. Les reflets bleutés de la pierre sont magnifiés par une pluie de diamants. Ensuite, une paire de boucles d’oreilles est composée de saphirs à taille multiples pour 39,50 carats. Enfin, deux très rares rubis sang de pigeon (8,10 et 7,40 carats) taille coussin, hypnotisant le regard, sont au cœur d’une paire de boucles d’oreilles. En ce printemps, le joaillier new-yorkais Harry Winston endosse l’habit de jardinier… de l’exceptionnel. La maison dévoile trois pièces uniques animées par d’incroyables émeraudes, clin d’œil aux Gorgeous Green américains. Tailles carrée, coussin ou émeraude, les gemmes d’un vert incandescent donnent vie à deux colliers et des clips d’oreilles mâtinés de diamants étincelants.

Mariage entre pierres précieuses et pierres fines

Caroline Scheufele, âme créative de Chopard, voit la vie en couleurs avec une série inédite de bagues solitaires. Réinventant la catégorie des eternity rings, ces créations baptisées Coloured Dreams allient le concept d’un bijou intemporel aux pierres précieuses avec un choix de deux montures audacieuses. Retenus par quatre attaches constituées par les flancs d’un cœur en or poli ou serti de brillants, une émeraude, un saphir violet, un rubis ou encore une tanzanite sont sublimés par la légèreté de la monture qui permet à la lumière de percer facilement à travers leurs facettes et de raviver leurs couleurs. Grandes maisons comme joailliers indépendants nourrissent désormais une fascination égale pour les pierres d’extraction noble et “roturière”. Ils jouent les marieuses, célébrant des noces aussi inattendues qu’éblouissantes entre pierres précieuses et fines s’offrant ainsi de vastes palettes de couleurs dans des nuances qui vont du plus clair au plus sombre. Rose pâle, bourgogne, lilas, rouge grenadine, jaune, brun, vert menthe à l’eau, bleu marine, violet cardinal… toutes les audaces sont permises !

Bvlgari a bâti sa renommée en étant le premier à mélanger sur un même bijou pierres précieuses et fines, laissant s’épanouir et s’entrechoquer améthystes, spinelles, grenats mandarins, rubellites, diamants, turquoises, saphirs et péridots. Lucia Silverstri, directrice de la création du joaillier romain, excelle dans cet art de la composition multicolore. Elle manie des gemmes grosses “comme le Ritz” sans distinction de genre ou de prix, à l’instar des dernières pièces de haute joaillerie telle collier choker Color Treasures qui associe améthyste, aigue-marine et tanzanite taille cabochon à l’or rose et aux diamants ou le modèle Diva’s Dream qui entremêle chrysoprase, malachite, turquoise, rubellite, spinelles et diamants. God save the King ! semble d’exclamer le joaillier britannique David Morris. Inspirée par le couronnement du roi Charles III, la maison présente la bague The Coronation qui reprend les trois couleurs de l’Union Jack, le drapeau de la Grande-Bretagne : rouge, blanc et bleu. Portant cette célèbre combinaison dans une spirale de pierres précieuses, cette bague unisexe met en valeur plus de sept carats de spinelles rouges et de diamants aux côtés d’un spinelle bleu taille coussin de 17,30 carats.

Chez le joaillier Mellerio, maison familiale de la rue de la Paix, la présidente et directrice artistique Laure-Isabelle Mellerio nourrit de longue date une passion pour la couleur. Ce sens des associations des nuances qui clashent illumine la collection de bagues Color Queen. Une tourmaline Paraïba repose sur un lit de rubis, un grenat spessartite sur un pavage de saphirs roses, une tsavorite sur des spinelles roses. Les mariages sont osés, mais inventent une nouvelle harmonie. Le joaillier italien Pomellato assoit son art de la couleur avec l’esthétique Nudo. Son design unit le cercle au carré pour créer une forme à l’irrégularité parfaite, mettant ainsi en lumière quartz rose ou citron, topaze bleue, prasiolite verte menthe à l’eau ou améthyste. La famille Nudo, façonnée en ors rose ou blanc, inclut également colliers et boucles d’oreilles forme dormeuse.

Des variations de couleurs infinies

La joaillerie se plaît à brouiller les lignes en invitant les pierres ornementales dans ses collections. Mis en majesté, malachite, lapis-lazuli et corail gagnent ainsi de nouvelles lettres de noblesse qui redéfinissent la notion de précieux. Depuis de nombreuses décennies, ces minéraux d’exception croisent le chemin des créations de Van Cleef & Arpels, cette omniprésence dans les collections du joaillier offre d’infinies variations de teintes et de textures inédites. Depuis ses origines, la maison puise son inspiration dans la vitalité de la flore, la diversité de la faune et les symboles de la chance. Le nouvel opus de la collection Lucky Spring est rythmé par l’alternance de boutons de muguet, de coccinelles et de fleurs de prunier. Bagues entre les doigts, bracelets, long sautoir et clip sont façonnés en or rose, nacre blanche, onyx et cornaline. Les iconiques Menottes signées Dinh Van voient la vie en multicolore. Symbole iconique d’amour et d’attachement depuis 1976, la collection rend hommage à la passion de

Jean Dinh Van pour les pierres ornementales. Six créations exclusives sont composées de deux modèles de colliers XXL en édition limitée en lapis-lazuli, nacre et malachite et onyx et quatre pendentifs magnifiés par des billes de corail, de malachite, de chrysoprase ou de lapis-lazuli. Buccellati continue d’innover avec sa collection iconique Opera Tulle. Sur les nouvelles variations de pendentif et de boutons d’oreilles, l’amazonite est rehaussée d’une décoration tulle en or gravé à la main, une des signatures du joaillier italien. Il est ici question de technique artisanale qui donne des couleurs au bijou. La laque de couleur se fait brillante et l’émail met en émoi les amatrices de joaillerie. L’émail, poudre de silice chauffée à très haute température, permet d’obtenir des décorations colorées. Parmi les différents procédés, on obtient un effet translucide avec l’émail plique-à-jour, quand l’émail “cloisonné” est utilisé pour créer des motifs. Quant à la laque, elle procure un effet plus brillant que l’émail. Cette peinture à base de pigments végétaux est appliquée à l’aide d’un pinceau ou d’une seringue, et autorise une plus grande variété de teintes.

Dans les collections haute joaillerie Dior, Victoire de Castellane a recours à ces deux procédés, créant des chocs chromatiques des plus séduisants. Avec Color Dior, elle donne vie à des chaînes sophistiquées aux accents seventies. Un jeu de combinaisons de nuances vitaminées convoque une maille composée des lettres CD, hommage aux initiales de Monsieur Dior. Cette nouvelle collection fait la part belle aux pièces transformables. Tout commence par l’or. Puis la laque entre dans la danse. La directrice artistique étire l’arc-en-ciel à douze couleurs déployées autour de fermoirs CD pavés de diamants. Après le blanc ou noir, les rondes de couleurs se forment de jaune, orange, rouge, parme, rose, violet, bleu de France, bleu électrique, vert menthe à l’eau et vert gazon. Il suffit de tourner une lettre pour transformer une pièce au gré des envies. Le sautoir devient un ras-de-cou à l’esprit néo-choker pouvant être complété de bracelets et de boucles d’oreilles. Éclairés d’un maillon central pavé de diamants, les pendants d’oreilles de la parure jouent les asymétries de couleurs. La joaillerie en ce printemps est un hymne à la joie et à la vitalité.

Par Fabrice Léonard - Publié le

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