Paris Design Week 2024 : Paris capitale du design
Depuis treize ans, la rentrée de septembre est moins amère, adoucie par un rendez-vous haut en créations, en découvertes, en surprises. En septembre, la capitale vit le design et vibre au rythme d’une création protéiforme contenue dans la promesse de la Paris Design Week. Dans les rues, les ateliers, les galeries et les showrooms, dans les grands magasins et les appartements parfois, les designers d’ici et d’ailleurs, les maisons d’édition, les artisans d’art et les étudiants composent une mosaïque de savoir-faire et d’inventivité, répartie sur quatre pôles centraux : Opéra/Concorde/Étoile et ses enseignes grand luxe ; Marais/Bastille/République, fief de la jeune garde et des galeries de mobilier à collectionner ; Palais-Royal/Place des Victoires/Pigalle, nouveau hot spot d’une création qui ne cesse de surprendre, sans oublier la Rive Gauche, ses galeries de collectionneurs, ses grands éditeurs et ses artisans d’art. De la rive gauche à la rive droite, Paris Design Week trace la voie et ouvre grand les fenêtres sur l’air vif d’une création plurielle et… capitale.
Fenêtres sur cours
Sous le ciel de Paris et les feux mordorés de septembre, fleurissent les expositions et les installations. Les cours et les jardins les plus pittoresques de la capitale s’ouvrent à tous les curieux de savoir-faire d’exception. L’ébénisterie est à l’honneur dans la cour de l’Intendant de l’Hôtel de la Marine, qui abritait autrefois le Garde-Meuble de la Couronne, l’ancêtre du Mobilier National, acquéreur de plusieurs pièces du designer Pierre Renart qui y trouve donc sa juste place, tant ses œuvres repoussent les limites de son art. Escale est un gigantesque hamac à bascule tout habillé de lattes de bois courbes sur 4 mètres de long, aux faux airs de drakkar prêt à lâcher les amarres. Une prouesse artisanale et technique qui s’intègre également dans le parcours des Journées Européennes du Patrimoine. La cour d’honneur de l’Hôtel de la Marine est investie de son côté par un spectaculaire lit à baldaquin réalisé par le Studio Uchronia, collectif pluridisciplinaire connu pour son design hors les clous, un rien déjanté, toujours kaléidoscopique. Les visiteurs sont invités à gravir les marches pavées de céramiques, menant à une débauche de drapés et de coussins multicolores.
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Exposition “Thalassa Fantastica” à la Galerie BSL (6e). Tabourets Gandhara Carapace #1, lapis-lazuli et marbre, de Nada Debs x Studio Lél.
Cap sur les jardins de l’Hôtel de Sully, ouvrant sur la place des Vosges, pour découvrir l’installation à ciel ouvert du designer britannique Paul Cocksedge, connu pour ses détournements et la poésie qui anime chacune de ses créations. Un cirque de miroirs bouleverse notre perception de l’espace en jouant avec l’architecture Louis XIII, le jardin à la française, le ciel et ses variations, mais aussi avec notre propre ego, comme l’explique le designer : « Ce monde manque de jeu. Alors j’ai imaginé des surfaces réfléchissantes qui sont comme animées. Les miroirs vont refléter le décor merveilleux de l’orangerie et diffracter l’image. Partout où vous posez les yeux, il y a des éléments d’architecture, ces grandes portes ouvertes sur un jardin, et le ciel. Les gens feront partie de cette image. Cela renvoie aussi à notre obsession de se prendre en photo sur un écran (…) J’espère que cette expérience les fera s’amuser et se connecter entre eux. » Une expérience interactive à plus d’un titre, Paul Cocksedge, présent dans les jardins, ayant promis de s’entretenir personnellement avec toute personne porteuse d’un projet créatif qui lui aura envoyé un émoji “ampoule” et quelques mots de présentation sur son compte Instagram. À quelques encablures de là, la cour XVIIIe siècle de l’Hôtel de Soubise est le théâtre d’une installation aromatique, Eau Fraîche, incarnée par une fontaine odorante réalisée à quatre mains et deux nez par le designer Lucas Huillet et le parfumeur Alexandre Helwani, pour sensibiliser le public au changement climatique. Ces nouvelles réflexions autour de l’environnement prennent tout leur sens à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, dont la double cour est investie par un mobilier urbain d’un genre nouveau, adapté à l’époque. Cour Basse, les lauréats 2024 du concours Bois Français & Design de la Fibois (la filière bois) exposent des bancs, des ombrières et autres composteurs innovants, tandis que la Cour Haute est occupée par un trio de jeunes designers qui réinventent la place du village et son mobilier à l’aune des défis écologiques. Enfin, le graphisme urbain, indissociable de la ville moderne et terrain de jeu des artistes sans collier, fait l’objet d’un parcours particulier, organisé avec l’association Écrire la ville de la designer graphique Silvia Dore et le Bureau du Design, de la Mode et des métiers d’art de la ville de Paris. Plusieurs étapes sont prévues, dont une escale dans l’ancienne caserne des Minimes, pour collaborer à une installation textile participative et durable de “broderie urbaine” organisée par l’artiste Anaïs Beaulieu et la Société Choletaise de Fabrication, qui a mis à disposition ses rebus de matières à recycler.
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Chaise Beluga de Polimair, la première chaise en kit 100 % mono matière recyclée et 100 % fabriquée en France. Galerie Joseph/Froissart (3e)
Fenêtres sur l’avenir
Le design de demain commence aujourd’hui, dans les pépinières de talents (comme Poush, la plus grande d’Europe, qui réunit 270 ateliers d’artistes plasticiens à Aubervilliers, ouverte au public), et dans les écoles, comme Camondo, qui a formé l’élite des arts décoratifs. L’établissement fête ses 80 ans avec un parcours mettant à l’honneur ses plus célèbres alumni, pour certains également professeurs. Et parce que le talent est aussi affaire de collaborations, de passerelles, de réseaux, la Paris Design Week zoome sur le Campus d’Excellence Mode Métiers d’Art et Design implanté dans la Manufacture des Gobelins. Véritable incubateur de savoir-faire, qui permet de donner vie à des projets et de valoriser la création dans toute sa richesse, le Campus rassemble 50 établissements d’Ile-de-France – la plus importante région française en termes d’artisanat d’art et de design –, mais aussi des institutionnels, des entreprises, en partenariat avec le Mobilier National (qui profite de l’occasion pour remettre son prix Jeune Création). Les élèves ont été invités à travailler sur le projet de la future matériauthèque des Gobelins, qui expose aujourd’hui les neuf finalistes. Parallèlement, la galerie du Crous, rue des Beaux-Arts, présente l’exposition “Vivement Demain !” et les travaux de jeunes diplômés, retenus pour leur caractère novateur et optimiste ! Le talent sous-jacent et la création d’exception se dénichent aussi dans les galeries du 3e arrondissement, centre névralgique d’un design sculptural, arty, unique ou en séries très limitées, comme la Galerie BSL et les deux galeries Gosserez, qui ont choisi de présenter des œuvres inspirées par la nature et les éléments. Quant aux galeries Joseph Turenne et Froissart, à l’Espace Commines et à la Galerie Elia, elles se réunissent au sein du parcours Factory où les jeunes diplômés et les talents en herbe, d’ici et d’ailleurs, seuls ou regroupés en collectif, peuvent échanger idées et contacts avec des professionnels chevronnés.
Fenêtres sur le monde
La Factory accueille en outre la collection de meubles que Pierre Charrié a développée lors de sa résidence en Indonésie avec des artisans locaux (Galerie Joseph Froissart) ainsi que la jeune scène chinoise représentée par une quinzaine d’exposants, de marques et de designers conjuguant les savoir-faire traditionnels et les technologies d’avant-garde dans l’espace baptisé Chinese Way of Beauty (Galerie Joseph Turenne). Car on célèbre cette année six décennies de diplomatie franco-chinoise. Une célébration qui s’incarne également dans l’exposition “China Week”, vaste panorama du design chinois dans toutes ses dimensions et applications, de l’architecture à la gastronomie, en passant par le mobilier et l’automobile. Décidément à la confluence de la création mondiale, Paris Design Week s’ouvre sans préjugés à toutes les façons de penser le mobilier, sous toutes les latitudes. Le design et les savoir-faire de nos voisins sont au programme de cette quatorzième édition, pour certains au sein de leur représentation nationale : les designers ukrainiens au centre culturel de l’ambassade d’Ukraine, les Scandinaves à l’Institut Suédois, à la Maison du Danemark et à l’Institut Finlandais, les talents émergents des pays du Maghreb à l’Institut du Monde Arabe. Et pour boucler ce joli tour du monde, on met le cap sur le Portugal à la galerie Joseph Minimes, une destination design toute en vitalité, entre savoir-faire traditionnels et pièces maîtresses.
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Ensemble ! La sélection design de Katja Hagelstam de la Galerie Lokal à Helsinki. À voir à l’Institut Finlandais.