Exposition

La photo, un reflet du monde

Le festival Circulation(S) est devenu, au fil des ans, l’un des événements les plus attendus pour la jeune scène européenne. Rassemblés à Paris, ces talents émergents créent l’effervescence, suscitent l’attention. Paris Capitale met en lumière à travers deux promenades “photographiques” des figures féminines exceptionnelles et engagées, et l’univers bouleversant du photoreportage.

Temps fort du printemps à Paris, le festival de la jeune photographie européenne, Circulation(s) revient pour sa 14e édition, riche en découvertes, en évènements, en workshop. Le Centquatre l’accueille pendant deux mois avec une vingtaine de jeunes talents venus de toute l’Europe. Depuis 2019, il réa- lise un focus sur une scène artistique émergente particulière, après la Roumanie, la Biélorussie, le Portugal, l’Arménie et la Bulgarie, l’édition 2024 met en avant l’Ukraine. Les quatre artistes invités de cette édition sont Maryna Brodovska, Lisa Burkeyeva, Yehveniia Laptii et Dima Tolkachov.

Andres Serrano, Portraits de l'Amérique 30 avril au 20 octobre

Musée Maillol, Paris 7e museemaillol.com/
Voir l’itinéraire

La photographie humaniste Jusqu'au 11 mai

La Galerie Rouge, Paris 4e lagalerierouge.paris/
Voir l’itinéraire

Bertille Bak, Tina Modotti Jusqu'au 12 mai

Jeu de Paume, Paris 1er jeudepaume.org/
Voir l’itinéraire

Wegee, autopsie du spectacle Jusqu'au 19 mai

Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris 3e www.henricartierbresson.org/
Voir l’itinéraire

Marine Peixoto. Bercy Street Workout Jusqu'au 19 mai

Le Bal, Paris 18e www.le-bal.fr/
Voir l’itinéraire

Lisa Fonssagrives-Penn Icône de mode & Annie Ernaux et la photographie. Extérieurs Jusqu'au 26 mai

Maison européenne de la photographie, Paris 4e www.mep-fr.org/
Voir l’itinéraire

Circulation(S) Jusqu'au 2 juin

CentreQuatre, Paris 19e www.festival-circulations.com/
Voir l’itinéraire

Ukraine, vision(s). Photographie documentaire et littérature en résistance Jusqu'au 9 juin

Gaîté Lyrique, Paris 2e www.gaite-lyrique.net/
Voir l’itinéraire

Henrike Stahl Jusqu'au 22 juin

Leica Store, Paris 8e leica-camera.com/fr-FR
Voir l’itinéraire
<>

Le féminin pluriel

Quand Irving Penn rencontre Lisa Fonssagrives lors d’un shooting pour le magazine Vogue, c’est le coup de foudre ! À la MEP, plus de 170 tirages, rassemblés par son fils, issus de sa collection personnelle, célèbrent le parcours exceptionnel de celle qui est considérée comme le premier top model de l’histoire. Fernand Fonssagrives, son premier mari, l’imagine en aviatrice,George Hoyningen-Huene en Madame de Staël, Erwin Blumenfeld l’immortalise suspendue à la tour Eiffel. Mais c’est le regard passionné de son mari, le photographe, Irving Penn, avec qui elle collabore pour la fabrication des tirages, qui magnifie ses traits délicats et sa silhouette unique. Autre muse, autre femme libre à la beauté et au talent incontestables, Tina Modotti se fait vite remarquer pour ses qua- lités de photographe. Initiée en 1921 par Edward Weston au formalisme, elle s’émancipe et « ne cherche pas à produire de l’art mais des photographies honnêtes sans avoir recours à des truquages ou à des artifices ». Débarquée au Mexique en 1923, amie de Frida Kahlo, cette instigatrice du photojournalisme redécouverte dans les années 1970 dénonce la situation des classes les plus défavorisées en faisant le portrait du peuple mexicain. Engagée politiquement, la voilà devenue l’œil de la révolution. Cette exposition rétrospective au Jeu de Paume révèle son regard précurseur et sa puissante singularité. Un siècle plus tard, Marine Peixoto, quatrième lauréate du Prix Le Bal/Adagp de la Jeune Création en 2021, pose tou- jours les mêmes interrogations. Avec “Bercy Street Workout” à voir dans le 18e au Bal, espace dédié à l’image-document, elle articule les enjeux sociétaux et esthétiques autour de l’être humain. Sur le terrain de sport de Bercy, elle traque le muscle, la transpiration, l’énergie. Et photographie au rythme des cadences des sportifs qu’elle shoote.

Son travail devient exploit et épuisement, épuisement d’un lieu, mais aussi de son regard. La photographe allemande Henrike Stahl, deuxième artiste invitée à la résidence Instants par Château Palmer et Leica, se passionne, de son côté, pour la marge, l’entre-deux, les idées en transition. Dans des images bienveillantes à la palette enjouée, elle transmet, au fil des mois, le travail vigneron avec une sensibilité complice. Son désir ? «Transmettre une note d’espoir aux générations futures.»Au Jeu de Paume, c’est le même regard aiguisé sur l’invisibilité qui motive Bertille Bak. L’artiste s’immerge dans les communautés de personnes oubliées, écartées par la société et se fond dans leur quotidien. De cette cohabitation, naissent des récits fictionnels, des images sensibles qui dévoilent les violences dont sont victimes ces populations marginalisées. C’est le regard incisif d’une immense écrivaine que l’on ressent encore à la MEP. « La ressemblance entre la photographie et mon intention d ’écrire, c’est de capter l ’instant en sachant qu’il est éphémère », confie Annie Ernaux. L’exposition “Extérieurs. Annie Ernaux & la Photographie”, s’appuie sur le regard de Lou Stoppard. La commissaire a tissé un lien entre des textes tirés du livre de la Nobel de littérature, Le journal du dehors (1993) et des photographies issues des collections de la MEP.

 

L’image pour vivre

Le regard affûté sur l’actualité envahit les cimaises comme un cri de résistance pour la liberté. Direction l’Ukraine d’abord avec l’exposition “Ukraine, vision(s)” à la Gaîté Lyrique. Ils sont journalistes, réalisateurs, artistes, de l’agence Myop et six écrivains membres de PEN Ukraine.

Dans la même synergie, ils tissent une trame narrative visuelle et textuelle qui défie le silence et l’obscurité impo­ sés par la guerre. Et proposent un art de la résistance. Patiemment, en témoins des événements, ils recueillent d’infimes fragments de sens,collectent des bribes d’histoires en lambeaux, recueillent des vies déjà sous les décombres. Leur conviction? Croire toujours à la capacité des images et des mots comme objets d’un sauvetage possible. Direction les États­Unis ensuite où, au musée Maillol, Andres Serrano braque son regard sur une société schizophrène dont Donald Trump est devenu à la fois le symptôme et l’emblème. Les 89 images de ce maître du portrait livrent une Amérique emportée par la religion, le sexe et la vio­ lence, engagée dans une bataille cruciale pour son avenir. Ce désir sans fin des artistes d’éduquer le spectateur pour évi­ ter de nouvelles tragédies et changer le monde, naît à la suite de la Seconde Guerre mondiale, avec le travail des photo­ reporters. La galerie Rouge présente une partie de ce courant avec une exposition historique. Elle dévoile les clichés des frères Cornell et Robert Capa ou de David Seymour dénon­çant une réalité sociale alors que d’autres, appelés les “humanistes”, comme Édouard Boubat, s’attachent à la beauté du monde. Enfin, dans cette même après­guerre, Weegee, né en 1899 dans l’actuelle Ukraine et décédé à New York en 1968, proche des photographes indépendants de la Photo League, croit fermement en l’émancipation par l’image et milite pour la justice sociale. Pendant dix ans, branché sur la radio de la police, Weegee saisit les crimes, arrestations, incendies, acci­ dents et autres faits divers. La fondation Henri Cartier­ Bresson lui consacre une exposition. Le lien entre ces deux parcours et ces visions de la photogra­ phie qui ont marqué le XXe siècle ? Croire à la puissance des images et en l’être humain. Pour vivre. Survivre. Être libre.

Crédits photos

Photographie 1 – Dolorès Marat. La femme aux gants, 1987. MEP, “Extérieurs- Annie Ernaux & la photographie”.

Photographie 2 – Audrey Blue. This Hurts, Sea Air. Sélection de Circulation(S)

Photographie 3 – Galerie Rouge

Photographie 4 – Irving Penn. Lisa Fonssagrives. La coiffure Hamlet, Vogue US, 1er mars 1949.

 

 

Par - Publié le

Vous aimerez sûrement les articles suivants…

Rejoignez-nous sur Instagram Suivre @ParisCapitale